Etienne Dujardin
Il est temps de sauver nos agriculteurs
Le monde agricole n’en peut plus. De nombreuses exploitations ne trouvent plus de repreneurs, certaines sont proches de la faillite. Le sort tragique d’agriculteurs qui ont décidé de mettre fin à leurs jours, dernièrement encore en France, doit nous faire réagir.
Nous ne pouvons pas accepter que certains n’aient pas d’autres choix que de vendre le produit de leur travail à des coûts inférieurs à leurs frais de production. Le lait se vend aujourd’hui à environ 25 centimes le litre alors qu’il faudrait 40 centimes pour que l’agriculteur puisse en vivre. Même chose pour la filière porcine en pleine crise. Une réunion européenne des ministres de l’Agriculture a lieu ce lundi à ce sujet pour tenter d’enrayer la crise. Espérons qu’une vraie remise en question soit de mise.
Il serait temps que le politique se rende compte de l’effet néfaste de l’embargo russe sur les produits alimentaires en provenance de l’Europe. L’embargo économique contre la Russie poussé largement par les Américains a fait très mal à nos agriculteurs. Ne serait-il pas temps que l’Europe se pose la question de la nécessité de maintenir ces sanctions ? La Russie est-elle le vrai danger aujourd’hui, alors qu’elle est notre alliée dans la guerre au terrorisme ? Il est plus que temps de renouer le dialogue avec notre partenaire russe, ce qui permettrait de lever les obstacles à l’envoi de nos produits vers cet énorme marché pour nos agriculteurs.
Il est urgent de s’interroger sur notre conception du capitalisme. Est-ce que des biens alimentaires doivent s’échanger sur des marchés mondiaux ?
Il est urgent aussi de s’interroger sur notre conception du capitalisme. Est-ce que des biens alimentaires comme le lait doivent s’échanger sur des marchés mondiaux ? Je pense qu’une meilleure régulation est nécessaire. On ne peut pas laisser uniquement le marché jouer en cette matière. Les intermédiaires et le secteur de la grande distribution devraient aussi se remettre en question. Faire des marges sur un produit alors qu’on offre un prix d’achat inférieur à son coût de production est immoral et malsain. Avec ce genre de raisonnement, nous sommes en train de tuer un tissu social important de la société.
En effet, outre la production de matières premières, les agriculteurs maintiennent nos paysages, rendent nos villages agréables, contribuent à la production de nos produits du terroir, participent au tourisme, sont des jalons de notre civilisation…Ce secteur doit être soutenu sans réserve. A l’image de l’exception culturelle, l’exception agricole pourrait être sanctuarisée. Sans cela, nous allons nous retrouver avec des fermes immenses, impersonnelles, industrielles. Or, la ferme aux 1000 vaches n’est pas le modèle que la majorité des Européens veulent.
Si le secteur agricole doit être surveillé, il faut arrêter cette inflation de normes en tous genres, coûteuses et parfois inutiles. A cet égard, on ne peut que déplorer l’histoire du dernier producteur de fromage de Herve qui a arrêté son activité à cause des normes et contrôles de l’AFSCA. Une remise à plat des normes à imposer pourrait faire partie de l’agenda européen. Il faudrait aussi pouvoir encourager les producteurs locaux. Les cantines d’écoles et d’entreprises devraient pouvoir acheter les produits des producteurs belges sans devoir passer par des appels d’offres qui ne tiennent parfois absolument pas compte du critère de proximité ou du soutien à l’économie locale. L’enjeu est majeur, espérons que ce dossier de l’avenir de notre agriculture aura l’attention suffisante qu’il mérite.
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