Bert Bultinck
« Il est doucement temps que la N-VA change de nom »
« Ces derniers temps ont été durs pour la N-VA », observe le rédacteur en chef de Knack Bert Bultinck. « À présent que le communautaire a été mis au frigo, le flanc flamand est vulnérable. »
Eddy Bevers, bourgmestre N-VA de Willebroek ne l’a pas fait exprès, dit-il. Bevers a quatre mandats payés dans des intercommunales d’énergie, d’eau et de déchets, mais a « oublié » de les déclarer à la Cour des comptes. Le week-end dernier, il a admis son erreur dans De Tijd. « Je savais que ce coup de téléphone viendrait un jour. La cause, c’est la négligence. Je sais que c’est léger comme excuse et que je commettais une infraction pénale. Mais je ne l’ai pas fait exprès. »
Pendant deux semaines, la N-VA a été dans la défensive après le fameux « boomerang de Bracke ». Membre de l’opposition gantoise et président fédéral de la Chambre, Siegfried Bracke a attaqué la culture de grappille des politiques qui accumulent les revenus supplémentaires alors qu’il avait lui-même un mandat de Telenet. En outre, avec son salaire net de 16 000 euros de président de la Chambre il n’était pas le mieux placé pour une tirade contre les politiques grappilleurs. Le maquignonnage avec les mandats se produit dans les meilleures familles politiques, et les traditionnelles ne sont pas en reste. Il reste important de séparer les grands délits des plus petits. La négligence du bourgmestre Bevers, tout comme celle de ses collègues CD&V et sp.a, semble relever de la deuxième catégorie. Cependant, le maquignonnage s’est surtout révélé lourd pour le nouveau grand parti populaire, déjà comparé il y a des années par ses détracteurs au CVP.
La N-VA n’est ni nouvelle, ni flamande et l’alliance est fissurée : il est donc doucement temps de changer de nom
Cela commence à faire beaucoup pour la Nieuw-Vlaamse Alliantie. À présent que le communautaire a été mis au frigo, le flanc flamand est particulièrement vulnérable. Le mot « alliance » est également sous pression depuis la défenestration du chef de groupe Hendrik Vuye et de Veerle Wouters. Et le parti n’est plus « nouveau » non plus, puisque la semaine dernière les observateurs ont largement souligné le fait que la N-VA n’avait plus rien d’un parti anti-establishment. Le parti n’est ni nouveau, ni flamand et l’alliance est fissurée : il est donc doucement temps de changer de nom.
« Niet voor aliens » (Pas pour les aliens) n’est plus une option. C’est le parti inventé par le reporter Luc Haekens dans l’émission satirique de Canvas « De ideale wereld. »
S’il avait été diffusé à un autre moment, et en dépit de son caractère satirico-critique, la séquence consacrée à la N-VA aurait pu inspirer le parti pour qu’il change de thème : détournez-vous, comme le faisait Haekens, du débat de Bracke, et recentrez-le sur la diversité, les étrangers et les réfugiés. Mais cette politique est passée inaperçue. Peut-être que l’idée de lancer une attaque contre Unia via Zuhal Demir était déjà présente.
Quelle était l’astuce de Haekens? À l’occasion de la découverte de sept planètes similaires à la Terre, il est parti à la recherche de gens qui, comme lui, voulaient s’opposer aux Aliens, les extra-terrestres qui vont envahir notre planète bleue. Il a trouvé plusieurs Flamands inquiets, y compris une dame qui trouvait formidable l’agenda bien rempli de Haekens. La nouvelle interprétation de l’abréviation de la N-VA lui plaisait bien et elle a immédiatement proposé de sortir les autres créatures étranges : « Faites ce genre d’affiches pour toutes les races qui sont de trop ici. »
À ce moment-là, Zuhal Demir n’était même pas encore Secrétaire d’État à l’Égalité des Chances. Sa tâche n’est pas facile. Le président de la N-VA Bart De Wever a envoyé Demir sur le terrain pour remplacer Elke Sleurs partie à Gand pour faire oublier Bracke. Pour changer de thématique, Demir a immédiatement attaqué le centre d’égalité des chances Unia qu’elle a traité de centre de « polarisation ». Tout pour les aliens, donc.
Si le reportage de Haekens nous montre une chose, c’est bien que le racisme est réel en Flandre. « Toutes les races qui sont de trop ici » sont effectivement regardées de travers. Et on ne leur donne pas les mêmes chances. Du moins pas les chances qu’a eues Eddy Bevers. La paperasserie que doit faire le réfugié moyen pour être reconnu, sans parler de ce qu’il doit faire pour bénéficier d’autres aides, n’est pas des moindres. En outre, la moindre erreur ou négligence peut être invoquée pour refuser de l’aide – dans certains cas il n’y a pas beaucoup de bénéfices du doute. Que se passerait-il si la négligence d’Eddy Bevers était abordée de la même manière que celle d’un réfugié irakien ? Ou même que celle d’un Belge marocain qui n’a pas sa carte d’identité en poche ? Pour les négligences aussi, il y a deux poids, deux mesures en Flandre.
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