Christine Laurent

I had a dream

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Oui, ils ont osé pousser le bouchon plus loin. Avec pour conséquence de chauffer davantage encore les esprits.

Depuis plusieurs jours, les ténors socialistes le chantent sur tous les tons, il faut se préparer mentalement et culturellement à la séparation. Finis les discours angéliques, pulvérisés les credo en faveur d’une Belgique fédérale, place désormais aux slogans centrifuges. Marre des exigences et des incessantes revendications flamandes, du jeu de poker de la N-VA, du chantage, des négociations qui tournent en rond. Il est plus que temps de se pencher sur un plan B. Un coup double pour le PS qui entend ainsi déstabiliser la N-VA et préparer les francophones à des changements institutionnels plus profonds. « Même pas peur ! »

De fait, la radicalisation du parti de Di Rupo semble bien laisser le Nord de marbre. No comment ! face à un exercice de musculation qui le laisse perplexe. Le séparatisme ? La Flandre n’en veut pas. Du moins si l’on en croit les innombrables analyses des politologues du Nord qui fleurissent un peu partout. Même le Voka, la fédération patronale flamande (« Mon patron », dixit Bart De Wever), l’a souligné dans L’Echo [édition du 4 septembre dernier]. « Je rappelle que les entreprises flamandes n’ont jamais demandé l’indépendance de la Flandre », a asséné son président, Luc De Bruyckere.

Pourquoi, dès lors, un plan B ? « Un paradoxe de l’impuissance », raille le président du FDF Olivier Maingain. Un plan pour surmonter le vertige devant le vide, osent certains. « Un plan B pour légitime défense », avance, dans nos colonnes cette semaine, le ministre-président de la Région bruxelloise, Charles Picqué. De fait, on ne compte plus, depuis plus de quarante ans, les coups de boutoir de la Flandre à l’égard de « la Belgique de papa ». Un long délitement dont on sait qu’à terme il conduira inéluctablement à couper le cordon. Pas tout de suite, certes. Les plus optimistes parient sur une scission à l’horizon d’une ou deux décennies. Pour les pessimistes, c’est le clap de fin d’ici à cinq ans. Il n’empêche, entre-temps, il faudra trouver un accord « à bénéfice réciproque » pour assurer la survie du pays.

Etrange sensation de temps suspendu que celle que nous vivons actuellement. Drôle de break, censé apaiser les esprits, avec André Flahaut et Danny Pieters en duo pour occuper la scène, et dont on ne sait pas trop quelle est leur mission. Animer un intermède, sans doute, pour calmer le jeu, pas de chaise vide, pendant qu’en coulisses Bart De Wever et Di Rupo s’affrontent autour, entre autres, du n£ud gordien de la loi de financement.

Et si c’était, in fine, une bonne idée, ce plan B ? La sagesse même ? Autour du groupe 4P3U (qui rassemble les quatre partis francophones, PS, MR, CDH et Ecolo, ainsi que trois universités, ULB, UCL, ULg), des experts planchent ainsi sur notre devenir, études, recherches, simulations financières et économiques à l’appui. Réflexion plutôt qu’émotion… et sans précipitation. La finalisation d’une réforme (provisoire) de l’Etat peut encore prendre de longs mois et réserver bien des surprises. Les divergences entre le Nord et le Sud sont abyssales. Le moment n’est-il pas venu, pour les Wallons et les Bruxellois, de dessiner, enfin, au-delà des divergences partisanes, des clivages gauche-droite, un vrai projet commun ? A l’heure où M. « Nooit genoeg » choisit ses partenaires à la carte (avec ou sans les libéraux ? quid du SP.A ? Neen aux Groen !), un dialogue a minima entre francophones s’impose. Peut-on, en effet, se permettre le luxe d’une division quelconque alors que nous devons regarder plus loin, plus haut ? Une vision politique créative et responsable qui se préoccupe avant tout des intérêts supérieurs des francophones, voilà ce que nous attendons de nos élus. Et non pas des chamailleries stériles qui nous laissent bien désarmés face à la lame de fond nationaliste du Nord. Un rêve ? Non, déjà une réalité.

Christine Laurent

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