Héritages et donations : l’équilibre pour éviter les litiges
Jusqu’au 1er septembre 2018, il était interdit à des héritiers de conclure des accords sur les successions futures, sous peine de nullité. Le législateur a souhaité éviter les litiges entre eux en introduisant des exceptions spécifiques à cette règle. Explications.
» Le législateur a apporté cette modification au droit successoral pour limiter les litiges et permettre aux parents de partir en toute quiétude « , explique Olivier Neyrinck, notaire à Jette (Bruxelles). » Le pacte global est signé par tous les enfants qui ont reçu des biens de leurs parents à différents moments, pour confirmer qu’ils estiment tous avoir été gratifiés de façon égale et équilibrée, même si la valeur des biens que chacun a reçus a évolué différemment. Par exemple, j’ai donné un appartement à ma fille, alors que j’ai payé des études très coûteuses à mon fils. On s’entend tous pour considérer qu’ils ont reçu chacun » un même lot » et que donc, plus tard, après mon décès, ils ne pourront plus revenir sur ces deux donations. Le pacte ponctuel concerne un acte bien déterminé et pas la succession dans sa globalité. Par exemple, j’ai reçu un immeuble de mes parents et mon frère intervient pour nous confirmer qu’il est d’accord sur la valeur du bien donné. Au moment de la succession, on ne discutera plus de cette valeur. »
« Il y a beaucoup d’émotionnel »
Valérie Masson, notaire à Louvain-la-Neuve et présidente de la Chambre des notaires du Brabant wallon, estime que » les pactes globaux sont les plus intéressants parce qu’ils permettent de prévenir les conflits et de gérer les successions. Le pacte doit respecter un formalisme très strict avec des délais protecteurs qui permettent à chacun de bien se renseigner et de s’assurer que ses droits sont bien protégés. Le rôle du notaire est essentiel. Il tient à la fois de la médiation et de la prévention des conflits. Souvent, les successions sont sources de litiges et de rancoeurs. Lors de la réunion au cours de laquelle le notaire présente en détail le projet de pacte successoral établi, les parents peuvent expliquer pourquoi ils ont avantagé un enfant. Quand les parents ne sont plus là, si un enfant se voit retirer une part légataire sans en avoir eu l’explication, cela peut être très difficile à comprendre. Le rôle des notaires n’est pas facile. Cela prend beaucoup de temps et nécessite un long travail de recherche. Il y a beaucoup d’émotionnel. »
Avant de signer définitivement le pacte successoral, chacune des parties reçoit le projet rédigé par le notaire. Au moment de l’envoi du projet d’acte, une date de réunion est fixée. Elle ne pourra se tenir avant l’écoulement d’un délai de quinze jours à dater de la réception du projet et devra réunir toutes les parties concernées. Elle sera l’occasion d’expliquer, en toute transparence, le contenu du pacte et ses conséquences. Le pacte successoral ne pourra être signé au plus tôt qu’un mois après la réunion. Avant de le signer, toutes les parties auront ainsi l’occasion d’examiner ce projet de pacte en profondeur et de demander un entretien individuel avec le notaire ou même le conseil d’un autre notaire.
Paul-Etienne Culot, notaire à Beloeil, souligne qu’un pacte successoral permet également de ramener un équilibre dans une famille. » Un père de famille ayant deux enfants avait, il y a plusieurs années, avantagé l’un de ses fils en lui faisant un versement très conséquent, sans que cette donation ne soit révélée à l’administration fiscale et, dès lors, sans le paiement de droits de donation. Désireux de rétablir un certain équilibre entre ses enfants, il offrit à son autre fils un immeuble. Grâce au pacte successoral conclu à la suite de cette donation immobilière, la famille a pu faire acter que l’équilibre était ainsi rétabli. Le pacte successoral, faisant obligatoirement l’objet d’un acte notarié devant être enregistré, révélait inévitablement la donation de l’argent. Fort heureusement, le Code des droits d’enregistrement a été modifié et permet que cette révélation n’entraîne pas nécessairement la perception de droits de donation sur la somme d’argent qui avait été cédée par le passé. »
Quant au coût que représente l’acte notarié, il sera fonction du temps et du travail de recherche qu’il a nécessité. Il est recommandé de discuter préalablement avec son notaire et de fixer s’il pratiquera un tarif horaire ou forfaitaire.
– Du vivant de leurs parents, trois frères ont reçu un appartement à Uccle pour l’un, un appartement à la mer pour l’autre et 200 000 euros pour le troisième. Le pacte global permettra à chacun de dire qu’il est d’accord sur l’équilibre des ces trois donations, même s’il n’y a pas d’égalité mathématique et que les immeubles peuvent prendre de la valeur, et qu’on ne reviendra plus sur cet accord.
– Des parents considérant qu’un de leurs enfants se débrouillait moins bien que les autres (pour l’une ou l’autre raison) lui ont permis, pendant des années, d’habiter un logement sans payer de loyer en contrepartie. Le pacte de succession permettra de mettre tout le monde d’accord sur le fait qu’on n’en tiendra pas compte au moment de la succession ou, au contraire, que les frères et soeurs qui n’ont pas eu cette chance toucheront une part supplémentaire fixée par convention.
– Des parents souhaitent mettre davantage de moyens à la disposition d’un enfant handicapé nécessitant des soins en lui consentant une donation de leur vivant. Le pacte ponctuel permettra aux autres enfants de renoncer, à l’avance, à demander leur réserve sur les biens donnés à l’enfant handicapé.
– Une personne a reçu un appartement dans un quartier pas très recherché de Bruxelles et y a effectué, avec ses moyens propres, des travaux qui ont augmenté la valeur du bien. Un pacte successoral ponctuel permettra de mettre les parties prenantes au pacte d’accord sur la valeur du bien au moment de la succession.
– Une dame veut faire donation de sa maison à sa petite-fille. Par le pacte successoral ponctuel, son fils (le père de la petite-fille) peut accepter ce saut de génération et qu’il soit considéré fictivement que la donation lui a été faite. Il ne pourra ainsi jamais avancer qu’il a été lésé et, à l’égard du reste de la famille, sera considéré comme ayant reçu sa part.
– Des parents ont payé des études coûteuses à l’étranger pour un de leurs enfants, tandis que l’autre a reçu une donation. Cette donation aura une incidence dans le cadre de la succession des parents : elle sera en effet imputée sur sa part successorale afin de garantir l’égalité entre les enfants. Les études coûteuses, qui ne sont en principe pas considérées comme une donation, ne seront, quant à elles, pas imputées sur la part successorale de l’autre enfant. Enfants et parents peuvent s’accorder dans un pacte sur le fait que les études et la donation constituent des avantages équivalents ou équilibrés, en fonction des besoins et de la situation respective de chacun des enfants.
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