Grogne du monde agricole: des agriculteurs manifestent devant le siège du MR à Bruxelles

Après des mobilisations d’ampleur en France, c’est le secteur agricole belge qui donne de la voix.

Une quarantaine d’agriculteurs ont manifesté devant le siège du MR à Bruxelles. Ils ont dénoncé le refus du ministre fédéral en charge de l’Agriculture David Clarinval de discuter avec le secteur de l’assouplissement de la législation européenne sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). La proposition de la Commission européenne introduit une nouvelle définition des OGM avec pour conséquence d’exclure la plupart d’entre eux des obligations d’évaluation des risques, d’étiquetage, de traçabilité et de contrôle, indique l’organisation d’agriculteurs wallons FUGEA.

  Au-delà du non-respect du principe de précaution, les risques liés à cette proposition sont notamment une privatisation des semences par les brevets, une absence de traçabilité signifiant la fin du secteur agricole sans-OGM et biologique ou encore une absence de protection en cas de contaminations et une durabilité non démontrée, selon la FUGEA.

En raison de la présidence belge du Conseil de l’Union européenne, le ministre Clarinval préside aussi depuis peu le Conseil des ministres européens de l’agriculture. « Nous nous demandons pourquoi le MR ignore radicalement la demande de consultation de la FUGEA, entre autres », a déclaré Birgit Haepers, horticultrice biologique et co-organisatrice de l’action. Les organisations de consommateurs et les ONG sont également ignorées, selon les manifestants, une association informelle d’agriculteurs flamands, wallons et étrangers. « L’organisation de consommateurs Nature & Progrès demande un entretien avec M. Clarinval depuis septembre », a encore dit Mme Haepers. Il en va de même pour l’Union nationale des agrobiologistes belges (UNAB) et l’association sectorielle de l’agriculture biologique et de la chaîne alimentaire Bioforum.

Selon les agriculteurs présents, le MR et les femmes et hommes politiques européens qui soutiennent la déréglementation des OGM se laissent rouler dans la farine par les « multinationales des semences » telles que Bayer-Monsanto et Syngenta.

Protestation en province de Liège

Une centaine d’agriculteurs se sont mobilisés en province de Liège pour exprimer leur colère face aux prix de leur production, qu’ils estiment trop bas, et dénoncer les politiques européennes en matière d’agriculture. Ils se sont rassemblés à Malmedy puis ont emprunté l’autoroute en direction de Battice, où ils ont occupé le rond-point des vaches durant une paire d’heures.

« Les traités de libre échange permettent l’importation de produits étrangers qui ne respectent pas toutes les normes imposées aux agriculteurs belges. Ces importations ont un impact sur la production locale puisque ce sont elles qui dictent les prix », s’est indigné Louis Biemar, président de la fédération des jeunes agriculteurs dans le pays de Herve.

« Le monde de l’agriculture est en ébullition dans toute l’Europe. On est tous confrontés à des problèmes similaires. Pour pouvoir vivre dignement, il nous faudrait 0,35 euro de plus au litre de lait et 1 euro de plus au kilo de viande », illustre Simon Thunus, fils d’agriculteur malmédien. « Les normes sont de plus en plus strictes, la charge administrative est de plus en plus lourde, les prix du mazout et du matériel n’ont de cesse d’exploser… Cependant, notre prix de vente, lui, n’augmente pas. »

D’autres actions à venir

La Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea) mènera une série d’actions dès mardi, ont indiqué des responsables du syndicat agricole. Une première mobilisation est prévue mardi à Namur dès 09h00 avec une rencontre avec les ministres wallons Céline Tellier (Environnement) et Willy Borsus (Agriculture).

Une cinquantaine d’agriculteurs devraient être présents à Namur. « Il n’y aura pas de blocages, on ne veut pas déranger les citoyens« , détaille Philippe Duvivier, président de la Fugea.  Jeudi, le mouvement paysan prévoit de rejoindre les agriculteurs mécontents à Bruxelles. Des tracteurs quitteront Liège, Namur et Charleroi pour rejoindre la capitale.

La Politique agricole commune, les normes « toujours plus nombreuses » et pas appliquées par les pays hors de l’UE ainsi que les accords de libre-échange font notamment partie des dénonciations des agriculteurs.  La Fugea prévoit aussi une série d’actions plus ciblées et « surprises » durant la semaine.  « On est mobilisés pour défendre notre croute et celle des consommateurs », déclare Philippe Duvivier, qui clame le « ras-le-bol généralisé » du secteur. Le secteur agricole refuse notamment les accords de libre-échange comme le Mercosur, il réclame des simplifications administratives, dénonce des « normes incompréhensibles » et demande un prix juste pour les produits vendus à l’agro-industrie. « La tonne de blé est à 175 euros, au plus bas depuis 20 ans. L’agro-industrie nous offre des prix bas et le consommateur en paie les frais à cause de l’inflation. La vente à perte est interdite mais pas pour nous« , dénonce Philippe Falys, porte-parole de la Fugea. 

La grogne chez les agriculteurs a démarré en France avant de déborder dans plusieurs pays européens, dont la Belgique, surtout du côté wallon.

Forte mobilisation en France et en Allemagne

En France, la mobilisation se poursuit. La section d’Ile-de-France du syndicat majoritaire agricole FNSEA a annoncé qu’elle prévoyait de mettre en place des barrages au niveau de cinq péages dans le sens province-Paris à partir de 14h00 ce vendredi. L’organisation, en lien avec la section locale des Jeunes agriculteurs, avait menacé de mettre en place un « blocus » de la capitale. Des « points de blocage », menés par 11 sections locales, sont prévus sur les autoroutes A6, A13, A16 et sur la RN14, et au péage de Saint-Arnoult sur l’A10-A11, point de trafic important vers l’ouest de la France.

D’autres blocages sont en cours à la suite de la protestation des agriculteurs. Deux importantes autoroutes du sud de la France, l’A7 et l’A9, sont fermées sur près de 400 km sur un axe allant du sud de Lyon vers l’Espagne, alors que l’autoroute A1 reliant Paris à Lille est bloquée tant au nord de la capitale, à Senlis, qu’au sud de Lille.  La préfecture de l’Oise a par ailleurs autorisé la fermeture de l’A1 sur une quarantaine de km jusqu’à 23h59 vendredi.

En Allemagne, plus de 300 agriculteurs ont convergé vers Berlin, relançant leur mouvement de contestation contre le projet du gouvernement de réduire les subsides sur le carburant agricole. « Les actions de ces dernières semaines ont démontré à quel point les professionnels du secteur étaient unis et que désormais la coupe était pleine« , a commenté Henrik Wendorff, président de l’association des agriculteurs de l’Etat de Brandebourg. Quelque 250 tracteurs ont été acheminés devant les sièges des différents partis de la coalition au pouvoir.

Selon l’association, les agriculteurs souhaitaient remettre un catalogue de revendications aux trois partis. Parmi les demandes, celle de freiner l’intention des autorités d’abolir la fiscalité réduite sur le diesel agricole. Les agriculteurs allemands manifestent depuis des semaines contre la réduction des subsides, se rendant dans de nombreuses villes du pays et bloquant la circulation avec leurs véhicules ou d’autre matériel agricole.

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