Fusillade à Liège: les proches des victimes veulent éviter un nouveau drame en attaquant l’État belge
Les plaidoiries des proches des victimes de la fusillade de la place Saint-Lambert, survenue le 13 décembre 2011, et de la défense, composée du ministère de la Justice et de l’Intérieur, se sont tenues mardi matin devant le tribunal civil de Liège.
Les proches des victimes ont expliqué vouloir éviter un nouveau drame en tenant l’État belge comme responsable, tandis que le ministère de la Justice et de l’Intérieur estiment qu’aucune faute n’a été commise de leur côté.
Le 13 décembre 2011, à 12h32, Nordine Amrani était en liberté conditionnelle lorsqu’il a ouvert le feu depuis la plateforme surplombant la place Saint-Lambert, avec un fusil d’assaut et des grenades. Cinq personnes ont été tuées et plus d’une centaine blessées. La veille, il avait également tué son aide-ménagère. L’assaillant a ensuite mis fin à ses jours, se tirant une balle dans la tête.
En 2015, les proches des victimes décident d’attaquer l’État belge devant le tribunal civil. Trois ans plus tard, le tribunal a posé des questions préjudicielles à la Cour Constitutionnelle. Cette dernière a estimé que les proches des victimes pouvaient attaquer le ministère de la Justice et le ministère de l’Intérieur. La Cour Constitutionnelle a précisé aussi qu’en cas de faute, elle doit être appréciée au regard du droit commun. La faute la plus légère suffit donc pour attaquer l’État belge.
Ce mardi, l’avocat de la plupart des proches des victimes, maitre Alexandre Wilmotte, a appuyé sa plaidoirie sur les manquements du tribunal de l’application des peines dans l’accord de la libération conditionnelle concernant Nordine Amrani. « Le problème est que le tribunal de l’application des peines n’a pas jugé utile de vérifier les informations présentées sur le degré de dangerosité de monsieur Amrani. Il y a eu une faute grave. Sans les multiples fautes, les faits ne se seraient pas produits. » Parmi les fautes pointées, Me Wilmotte énonce l’arsenal d’armes que possédait l’individu ou encore le plan de reclassement qui était vide, selon lui, ajoutant que Nordine Amrani a commis de nouveaux faits durant sa libération conditionnelle, et qu’il aurait dû revenir en détention bien avant la fusillade de Liège. « Les conditions de libération conditionnelle n’étaient pas respectées, » a pointé l’avocat des proches des victimes.
En effet, lors de sa libération, en plus de côtoyer des anciens détenus, l’individu a également agressé sexuellement plusieurs jeunes filles. L’une d’elles, qui avait porté plainte et noté la plaque de la voiture de son agresseur, avait formellement reconnu Nordine Amrani sur une photo présentée par la police. L’homme de 33 ans a alors été convoqué par la police liégeoise le 13 décembre 2011, où il ne s’est jamais rendu. « Il a ensuite compris qu’il retournerait en prison », a estimé maitre Wilmotte.
De son côté, la défense rejette en partie la faute sur la police locale qui aurait dû directement interpeller l’intéressé, selon elle. De plus, selon les avocats du ministère de la Justice et du ministère de l’Intérieur, il n’y a pas eu de manquements dans l’octroi de la libération conditionnelle. « Il y a un seul et unique responsable, Nordine Amrani. Il est humain de chercher des responsabilités ailleurs quand on ne peut pas s’adresser à la personne responsable de ce qui est arrivé, » a expliqué l’avocate du SPF Justice, maitre Séverine Meurice, précisant que le tribunal de l’application des peines ne pouvait pas être en connaissance des éléments de dangerosité de Nordine Amrani au moment de sa libération conditionnelle.
Selon elle, le processus de libération conditionnelle n’avait pas été pris à la légère. L’ensemble des congés pénitentiaires et des permissions de sortie qu’avait obtenus Nordine Amrani étaient évalués. « Ils se sont avérés tous être positifs, » a détaillé Me Meurice. L’avocate a également expliqué que dans les différents rapports, il est mentionné que Nordine Amrani avait des projets et qu’il était inscrit à des formations durant sa libération conditionnelle. « Il n’y a aucune faute qui peut être reprochée au tribunal de l’application des peines sur la prise de décision et la surveillance de la libération conditionnelle de monsieur Amrani, » a conclu Me Meurice.
Me Wilmotte a répondu que Nordine Amrani n’avait pas réellement de travail, qu’il possédait beaucoup d’armes, certaines cachées, avant de conclure : « Si l’on trouve ça normal, alors il faut s’inquiéter de sortir dans la rue. »
Les victimes ont également pris la parole durant ces plaidoiries, certaines avec beaucoup d’émotion. « Nous souffrons depuis dix ans. Je n’ai pas arrêté d’entendre des « Monsieur Amrani », j’ai l’impression qu’on juge la défense de cet homme. On attend une reconnaissance des victimes et on a tendance à croire que c’est très lent, » a fait remarquer Thierry Kremer, le père d’une victime de la tuerie. « Pour nous, cela ne va plus rien changer. J’aimerais que cela ne se reproduise plus pour les autres, » a estimé Fanny Gérouville, qui a perdu son frère lors de la fusillade.
Le jugement sera rendu par le tribunal civil de Liège le 29 mars prochain.
Nordine Amrani avait été condamné en 2008 pour trafic de stupéfiants. Auparavant, en 2003, il avait été condamné pour le viol d’une mineure en situation de handicap. Il est en libération conditionnelle en octobre 2010 lorsqu’il commet de nouveaux faits de moeurs et se donne la mort en 2011, après avoir ouvert le feu sur la place Saint-Lambert.
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