Carte blanche
Frères musulmans en Belgique : une réalité tangible et mal connue (carte blanche)
Lundi dernier, le député Georges Dallemagne (CDH) a fait des déclarations pertinentes au sujet des Frères musulmans en Belgique et de l’influence qu’exercent des pays étrangers dans le sillage de cette mouvance pour infléchir notre démocratie.
Jusque-là, il n’y a rien de vraiment nouveau. Le travail de sape de pays comme l’Arabie saoudite, la Turquie ou le Qatar est largement documenté. Ce qui l’est moins en revanche, c’est l’activisme politique des Frères musulmans à travers des « personnalités d’influence » qu’on pourrait presque qualifiées d’ « insoupçonnables ». Dans leurs cas, il suffit de brandir leur parcours académique ou professionnel pour confondre tous les « soupçonneux ». C’est le fameux CV en béton ! Et si c’était, précisément, cet élément qui faisait de ces « potentiels » recrus de « futurs » cadres au service de la Confrérie ? Il y a dans l’ADN de cette société secrète depuis sa création, en Egypte, en 1928, un appétit insatiable du pouvoir. Ses chasseurs de têtes s’activent parmi les jeunes diplômés dès leurs sorties de l’université. Des membres du Collectif Laïcité Yallah en ont fait l’expérience, à Bruxelles, et sont en mesure d’en témoigner. Au début des années 2000, c’est du côté des jeunes femmes que les Frères lorgnent pour piloter leur nouvelle stratégies politique. Fait rarissime, des jeunes femmes voilées sont poussées au devant de la scène. D’ailleurs, face aux caméras, il n’y a plus que des « Soeurs » partageant le même profil. Quel est-il ?
Mahinur Ozdemir, pierre angulaire de l’islamisme des Soeurs
On le sait, du moins depuis le virage politique (en est-il un d’ailleurs ?) de Mahinur Ozdemir (CDH), qu’il est possible d’être jeune, femme, diplômée, voilée, occuper une fonction de députée en Belgique et se destiner à un poste d’ambassadrice de Turquie en Algérie. Si cette reconversion en a surpris quelques-uns, pour d’autres, ce bond vertigineux ne constituait qu’une suite logique d’un cheminement d’activiste chevronnée au service de l’islam politique. Il reste à savoir à quel moment au juste, la jeune-femme vire sa cuti. Était-ce à la fin de son mandat politique, à mi-chemin ? Était-elle déjà dans la mouvance erdoganiste lorsqu’elle est élue comme conseillère communale à Schaarbeek en 2006 ? Qui organise sa campagne, en 2009, pour le parlement régional bruxellois ? La stratégie d’entrisme au sein de nos institutions, pilotée par Ankara, était-elle déjà à l’oeuvre ? La Belgo-Turque a-t-elle été un agent d’influence auprès d’autres femmes ayant le même potentiel qu’elle ?
Rappelons qu’en 2015 lorsque son parti lui montre la porte pour non reconnaissance du génocide arménien, elle se recycle dans l’associatif et lance le Collectif Les Cannelles avec Ihsane Haouach. L‘asbl molenbeekoise, organise une campagne en grande pompe « Bruxelloise et voilée » avecune dizaine d’autres femmes, occupant, aujourd’hui, des positions de premier plan à différents niveaux. La tonalité du message propagandiste pro-voile ne fait aucun doute. La neutralité est vue comme un racisme d’Etat et l’interdiction des signes convictionnels dans la fonction publique et à l’école est considérée comme une discrimination à l’endroit des femmes voilées. En 2018, les deux jeunes-femmes signent un texte avec plusieurs autre militantes européennes évoquant que : « L’argument de la « neutralité » est souvent utilisé afin de discriminer de manière légale les femmes musulmanes. D’autre part, de nombreux partis d’extrême droite se font les défenseurs de telles interdictions, en prônant des discours islamophobes. [1] ».
Voilà résumé en peu de mots l’alpha et l’oméga de la nouvelle stratégie de l’islamisme qui va ouvrir la voie à toutes les dérives que nous connaissons aujourd’hui. Face aux accusations de racisme, la défense de la neutralité bat de l’aile. Les laïques sont paralysés ! Surtout à gauche. Lorsque vient le moment de dénoncer le patriarcat musulman, les dés sont pipés. Certains, « progressistes » se réclamant du féminisme intersectionnel suggèrent fermement de se taire, au prétexte que critiquer l’islam ce n’est pas pareil que de critiquer le christianisme. Derrière cette attitude paternaliste se profile une nouvelle forme de racisme : le relativisme culturel. Une gauche prétendument humaniste — mais en fait profondément raciste — apporte ainsi des justifications culturelles à des attitudes sectaires incompatibles avec la démocratie. Ceux-là mêmes qui ont enterré la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 pour la remplacer par la Déclaration islamique des droits de l’Homme de 1991 trouvent parmi les « progressistes » leurs plus fidèles alliés.
La stratégie des Frères: former une élite capable de prêcher la démocratie et son contraire
Pourquoi faut-il encore et toujours s’intéresser aux Frères musulmans ? Parce que, depuis la création de la Confrérie, ils sont au coeur du processus de politisation de l’islam. Leur idéologie est au centre de la militance djihadiste. Leur slogan n’a jamais bougé d’un iota et se résume en quelques mots : « Dieu est notre but, le Prophète notre chef, le Coran notre Constitution, le Jihad notre voie, la mort pour Allah notre plus grande espérance. » Leur visibilité s’est accrue d’année en année et leur succès, aujourd’hui, ne fait plus aucun doute puisqu’ils représentent le courant dominant de l’islam politique aussi bien dans le monde musulman qu’en Occident où ils cultivent un double objectif : former une élite capable d’entretenir des liens étroits avec les différents pouvoirs de façon à assurer une pénétration de l’islam dans la sphère politique, et devenir les représentants « légitimes » des communautés musulmanes. A défaut de pouvoir « islamiser » le droit, par exemple, ils militent sans relâche pour une prise en compte accrue des revendications religieuses à travers les fameux « accommodements ». Les Frères, qui visent à placer tous les musulmans sous leur tutelle, ont compris que leur force réside dans leur capacité fédératrice, en monnayant par exemple, en période électorale, les voix de cette masse d’électeurs potentiels. Et ça marche ! Des politiciens de tous bords, naïfs ou calculateurs, se sont montrés prêts à toutes les compromissions pour gagner en popularité, se faire élire ou réélire. En retour, les Frères obtiennent une reconnaissance politique accrue et une prise en considération de leurs revendications communautaristes. C’est ainsi que les Frères, en bons politiques qu’ils sont, dissèquent tous les programmes électoraux de chacun des partis en lice pour un scrutin avec comme seul objectif d’influencer directement les législations des démocraties.
Pour s’enraciner dans le paysage social, les Frères bénéficient d’un gigantesque réseau associatif, financier, caritatif et d’entraide, implanté en Europe depuis la fin des années 1950. Ces organismes (sous différentes appellations) leur assurent une couverture honorable au sein de la plupart des pays. Dans une contribution très instructive intitulée « La Conquête de l’Europe par les Frères Musulmans [2] », Lorenzo Vidino, spécialiste des Frères musulmans, décrit en détail leur épopée européenne.
Les Frères sont par ailleurs de véritables champions de la dissimulation : la taqiyya. Ils sont à la fois pragmatiques, adeptes du double langage, de la stratégie des « petits pas » et du djihad. Dans les démocraties occidentales, ils prêchent tout et son contraire : ils condamnent publiquement la boucherie de Charlie Hebdo mais continuent de glorifier les djihadistes et leurs mosquées, très nombreuses, prêchent la haine contre les « kouffars » (mécréants) dans des sermons enflammés qui sont autant d’appels au meurtre. Mais lorsqu’ils ne sont plus sur les plateaux de télévision, les Frères européens retrouvent leur vrai visage. Ils abandonnent leurs sourires de façade et leur prêchi-prêcha sur le « dialogue interreligieux » pour renouer avec leurs véritables objectifs : la conquête du pouvoir (à long terme) à travers un ancrage social et des mises en gardes répétées contre la « décadence » des sociétés occidentales et la « suprématie » américano-sioniste.
Harceler les lanceurs d’alerte pour abêtir les consciences
L’ancien frériste, Mohamed Louizi, qui a rompu ses liens avec la Confrérie explique ses méthodes de recrutement aussi bien au Maroc, son pays d’origine, qu’en France, dès son arrivée comme étudiant en génie électrique. Dès l’âge de 13 ans, il est enrôlé, à Casablanca, dans la jeunesse frériste par le biais d’activités parascolaires et un soutien académique constant. En France, il rejoint les rangs de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) connue pour sa militance en faveur du voile à l’école, sa croisade contre la laïcité et ses campagnes de haine à l’endroit de Charlie Hebdo. Ce père de trois enfants qui a passé 15 ans de sa vie (1991 à 2006) au premier plan de la Confrérie décortique ses rouages dans un livre passionnant, Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans. Preuves à l’appui, il lève le voile sur la stratégie d’islamisation globale des Frères musulmans. Son divorce avec ses anciens compagnons de route ne s’est pas fait sans conséquence puisqu’il a subi six procès en diffamation (cinq gagnés et un en attente de jugement).
Cette technique d’intimidation rappelle la plainte au conseil de déontologie journalistique (CDJ) à l’endroit de la journaliste du magazine Le Vif, Marie-Cécile Royen, à la suite de son enquête sur les Frères musulmans en Belgique. « Entre le 15 avril et le 6 mai 2015, le CDJ a reçu sept plaintes dirigées contre un même dossier publié par l’hebdomadaire Le Vif-L’Express dans son édition du 6 mars. Trois de ces plaintes provenaient de personnes individuelles et quatre d’associations : l’Association belge des professionnels musulmans (ABPM), le Comité contre l’islamophobie en Belgique (CCIB), Empowering Belgian Muslims (EmBeM) et Vigilance musulmane. [3] » Parmi les plaignants individuels, on retrouve le mandataire Ecolo de Verviers, Hajib El Hajjaji, figure de proue du frérisme en Belgique, qui siège au conseil d’administration d’UNIA depuis le début de l’année 2021 et qui occupe en même temps la fonction de vice-président du CCIB. Pour faire taire la seule journaliste d’enquête de l’islamisme dans l’espace francophone belge, les islamistes ont déployé leur grosse artillerie. La journaliste en question en fait les frais depuis 2015. En réalité, cet acharnement contre Royen n’a jamais cessé. Ce qui, d’ailleurs, ne l’a pas empêché de continuer à faire son travail.
Débat parlementaire nécessaire et inévitable
Aujourd’hui, nous sommes face à un choix sociétal difficile : continuer à nier l’évidence de l’existence, en Belgique, d’un réseau politique et social au service des Frères musulmans ou saisir cette problématique à bras le corps. Surtout, il faut bien se rendre compte, que plus on tarde à clarifier les enjeux, plus nos chances de succès s’amenuisent. Il ne s’agit pas de dire comme le soutient l’extrême droite que derrière chaque musulman se cache un « frérot » ou un « salafiste » en puissance mais de soulever une problématique politique tangible, celle de l’islam politique qui avance masqué, dans notre pays, pour détruire notre démocratie de l’intérieur. Il faut donc savoir appréhender ce phénomène avec rigueur. On ne peut laisser ce sujet entre les mains de pyromanes au risque d’accentuer une dérive existante. Une chose est sûre par ailleurs, l’heure des décisions est arrivée. Et pourquoi pas un débat parlementaire sur cette question ? C’est l’idée que propose le Collectif Laïcité Yallah. Pour comprendre les intentions des Frères et prendre la véritable mesure de leur vertigineuse expansion, il faut aller au-delà des apparences et exposer les faits à l’état brut, dans une perspective historique élargie, de façon à mettre en lumière les relations de causalité, les liens tus et les liens assumés. Braquer les projecteurs sur la maison mère, les Frères égyptiens, parait indispensable pour quiconque souhaite percer le fonctionnement occulte de l’internationale islamiste. Reprendre ce combat politique dans une perspective humaniste devient un impératif dans ce le contexte actuel. Pour que le fanatisme et les extrémismes ne soient pas la promesse d’avenir que nous laisserons à nos enfants.
Par Collectif Laïcité Yallah (*)
(*) Les signataires : Malika Akhdim, militante féministe et laïque, Radouane El Baroudi, cameraman ; Djemila Benhabib, politologue et écrivaine ; Yeter Celili, militante féministe et laïque ; Bahar Kimyongur, activiste des droits humains ; Kaoukab Omani, éducatrice ; Abdel Serghini, réviseur d’entreprises ; Sam Touzani, artiste-citoyen.
[1] https://www.lalibre.be/debats/opinions/les-droits-des-musulmanes-font-partie-des-droits-des-femmes-5b61dea855324d3f13b1727d
[2] « La Conquête de l’Europe par les Frères Musulmans », www.meforum.org, 2005.
[3] https://lecdj.be/telechargements/CDJ-15-23-Divers-c-M-C-Royen-LeVif-avis-14-oct-2015.pdf
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