François De Smet (DéFI): « Nous vivons un vrai test du fédéralisme belge » (entretien)
« Certains dézinguent le projet bruxellois de tarification intelligente sans l’avoir lu », regrette le président de DEFI. Selon lui, ce débat, comme celui au sujet de la gestion de la crise sanitaire, pourrait provoquer un changement dans notre fédéralisme car cela touche directement les gens.
Le parti de François De Smet, DéFI, est dans l’opposition fédérale, mais dans la majorité régionale bruxelloise. Porteur d’une réflexion de longue date sur la nécessité de réformer notre Etat fédéral en concertation avec les citoyens, il analyse ce qui pourrait être un moment charnière pour la Belgique.
La proposition bruxelloise de péage urbain, soutenue par votre parti, fait rugir les autres Régions.
Les citoyens ont deux tabous, c’est la voiture et la fiscalité. Forcément, quand on touche aux deux en même temps, cela fait réagir. Tout d’abord, je tiens à préciser que ce n’est pas une taxe, mais une tarification intelligente qui remplace la taxe de circulation existante. C’est incroyable: le gouvernement bruxellois sort un projet et il se fait flinguer dans les deux minutes par des gens qui ne l’ont même pas lu. Même les milieux économiques reconnaissent pourtant qu’une tarification à l’usage est une bonne idée.
Il n’y a pas d’alternatives parce que nos villes meurent. Les études montrent que ‘on pourrait arriver à 25% de circulation en moins et, à partir de 15% en moins, il n’y a plus d’embouteillages. Nous allons tous gagner de la qualité de vie, de l’argent et du temps. Dans de nombreuses grandes villes – Londres, Milan, Stockholm… -, cela porte ses fruits. Ce n’est pas une lubie d’Ecolo, c’est une nécessité!
Les constitutionnalistes disent que la mobilité est le test de notre fédéralisme de coopération.
C’est un vrai test de fédéralisme, je suis d’accord. Le gouvernement bruxellois a vraiment la volonté de trouver un accord avec les deux autres Régions pour abandonner la taxe de circulation et mettre en place cette tarification intelligente.
Le gouvernement bruxellois utilise cela comme un levier pour faire bouger les autres Régions?
J’entends certaisn dirent que le gouvernement bruxellois aurait dû se concerter avant. Mais si l’on ne vient pas avec quelque chose de concret, il est difficile de se concerter. C’est pour cela que le gouvernement bruxellois vient avec un projet qui n’est pas à prendre ou à laisser. Dans ce cas très concret, c’est Bruxelles qui souffre, il st normal que ce soit elle qui propose.
Y’a-t-il un espace pour le dialogue?
J’essaie par nature d’être optimiste, je me dis qu’il existe la possibilité d’un débat intéressant, oui.
Ce débat, comme celui concernant la gestion de la crise sanitaire, montre-t-il que nous sommes à un moment charnière pour la Belgique fédérale?
Peut-être que oui. On sent que l’on touche là à des sujets qui ont des conséquences concrètes sur la vie des gens. Dans le cas de la gestion de la crise sanitaire, il est difficile de dire ce qui résulte de l’incompétence de certains ou de la lasagne institutionnelle, mais il est évident que notre fonctionnement n’aide pas. Regardez la vaccination: le fédéral est compétent pour l’achat des vaccins, les Commuautés pour la prévention et les Régions pour la communication. Or, dans ce cas du coronavirus, on parle d’une question de vie ou de mort.
Quand on en arrive à ce stade-là, on interroge souvent les structures. Cela me rappelle la guerre des polices, qui existait depuis des années, mais qui a été stoppée après le choc de l’affaire Dutroux.
Il faut donc réformer l’Etat?
Nous avions été les premiers à plaider en faveur d’une réforme de l’Etat avec les citoyens, et je ne vais pas me plaindre que l’actuelle majorité fédérale nous ait repris l’idée. Mais nous estimons aussi qu’il faut une vraie évaluation de notre fonctionnement actuel avec des experts. Ce pourrait d’ailleurs être aussi une arme contre le nationalisme et ce sentiment identitaire qui ne mène nulle part.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici