
Fonctionnaire/salarié : qui est le mieux payé ?
La fonction publique offre de copieux avantages comparée aux entreprises. Mais aussi, parfois, des rémunérations plus attractives ! C’est ce que démontre une étude que Le Vif/L’Express a passée au crible.
Comme tous les deux ans depuis 2004, le Service public fédéral Personnel et Organisation (SPF P&O), le département ressources humaines de l’administration fédérale, a comparé les traitements de ses fonctionnaires avec ceux du privé, ainsi qu’avec les autres secteurs publics (Wallonie, Flandre, Bruxelles et Fédération Wallonie-Bruxelles). Objectif : déterminer si la rémunération des agents de l’Etat est conforme au marché. Bien que le document soit public, les chiffres précis sur lesquels il se fonde restent confidentiels.
L’intérêt de ces données : elles reprennent non pas des barèmes théoriques, mais la réalité. Côté public, 54 417 observations de travailleurs statutaires et contractuels occupés dans l’administration fédérale ; côté privé, la dernière étude salariale du cabinet de recrutement Hudson, qui recense plus de 100 000 salariés répartis en 170 fonctions dans plus de 600 entreprises. Ces éléments en main, il est possible de comparer les postes selon leur poids et l’âge de ceux qui les exercent (l’ancienneté n’étant pas un facteur déterminant dans le privé).
Universitaires et hautes écoles : le public paye mieux, mais…
Si on se limite aux salaires de base, l’administration fédérale semble choyer ses grosses têtes. A 25 ans, un employé statutaire A1 (premier échelon accessible aux diplômés d’un master) peut espérer gagner chaque année 38 707 euros brut 38 645 euros pour un contractuel. Dans le privé, selon l’étude Hudson, une fonction équivalente n’en rapporterait que 34 627.
Dès l’âge de 33 ans, avec ses 42 832 euros annuels, le salarié rattrape puis dépasse l’agent contractuel. Mais pendant le reste de sa carrière, il reste légèrement moins bien payé qu’un statutaire. Au final, il gagne en moyenne 3 % de moins que ce dernier, mais 4,88 % de plus qu’un agent contractuel.
Ne plaignons pas trop le contractuel. S’il passe aux classes supérieures A2 et A3, la différence avec son jumeau en entreprise s’inversera en sa faveur. En moyenne d’un petit pour cent de salaire en plus, mais tout de même. Le statutaire, lui, prendra le large. Par rapport au privé : 20 % de plus pour un A2, 12 % de mieux pour un A3…
Au final, ces chiffres permettent au SPF P&O de conclure par un cocorico : « L’administration fédérale accorde pour ses fonctions de niveau A un salaire de base (…) qui est presque toujours supérieur à celui du privé. »
Oui, mais les rétributions dans le secteur privé ne se limitent pas au salaire fixe. Aux niveaux universitaires, entre la moitié et les trois quarts des employés perçoivent une rémunération variable, qui atteint le plus souvent une dizaine de pour cent du total. A cela s’ajoutent les avantages extra-légaux. Selon le cabinet Hudson, près de la moitié des travailleurs qui occupent une fonction équivalente aux classes fédérales A1 et A2 disposent d’une voiture de société, tandis que 9 sur 10 reçoivent des chèques repas. Autant de compléments qui nourrissent la rémunération totale. Si l’on en tient compte, la conclusion s’inverse : un employé doté d’un diplôme de master gagnera presque toujours mieux sa vie ailleurs que dans la fonction publique.
Bienheureux A2
Il existe une exception : en classe A2, le traitement des statutaires fédéraux progresse avec une régularité si parfaite qu’il finit par dépasser la rémunération totale dans le privé. L’avantage commence à se constater vers 50 ans, quand le revenu médian de ces fonctionnaires atteint près de 74 000 euros. En fin de carrière, à 65 ans, ils culminent à plus de 85 000 euros brut par an, pour un peu moins de 80 000 euros de rémunération totale dans le privé. La constatation n’a rien d’anodin quand on sait que cette échelle de rémunération, et c’est la seule dans ce cas, peut être atteinte par simple ancienneté. Au bout de douze ans, un fonctionnaire A1 passera en A2 sans changer de fonction.
Bachelors : le privé l’emporte… sauf chez le fisc
Ce qui vaut pour les masters/licenciés vaut-il pour les bachelors/gradués ? Pas vraiment. Aux niveaux B du fédéral, les traitements sont nettement plus chiches. Exemple : un bachelier statutaire âgé de 30 ans gagnera 33 487 euros dans une fonction administrative fédérale ; dans le privé, il toucherait 3 300 euros de plus en seul salaire de base. Occupé dans une fonction technique, le même agent devra attendre l’âge de 44 ans pour dépasser de peu les salaires du privé (44 500 euros).
Et on ne parle ici que des agents nommés. Chez les contractuels, l’écart se situe en moyenne à plus de 15 % sous les valeurs du marché. Avec 38 754 euros bruts par an, un gradué en informatique âgé de 45 ans sous contrat au fédéral gagnerait près d’un tiers de moins que dans une entreprise.
Si l’on prend en compte l’ensemble des avantages du privé, le manque à gagner pour les bachelors fédéraux peut avoisiner les 10 000 euros brut par an.
Mais comme dans les niveaux A, et leur classe A2 si favorable, il existe des exceptions. Au niveau B, elles se situent au SPF Finances. Leurs experts financiers non universitaires ont négocié une niche confortable : l’échelle de traitement BF4, qui n’existe nulle part ailleurs. Au 1er janvier, 2 656 statutaires en bénéficiaient. Pour quelle raison ? Lors de la réforme Copernic, il s’agissait de caser ces agents du fisc expérimentés (douze ans d’ancienneté en moyenne) qui avaient passé des examens de carrière, mais aussi un examen d’expert-comptable. D’où la création de cette échelle avantageuse : à l’âge de 42 ans, l’un de ces pros de la feuille d’impôt dispose en valeur médiane d’un traitement de 61 000 euros par an, soit 10 000 euros de plus que la rémunération qu’il pourrait espérer dans le privé.
Ces avantages ont beau fondre au fil des ans (l’écart se réduit de moitié en fin de carrière), ils suffisent à expliquer pourquoi le traitement moyen des statutaires de niveau B financier s’envole à partir de 50 ans. Ce n’est pas tout : les BF4 ont aussi la particularité de pouvoir court-circuiter le niveau A1 et de passer directement en A2, au grade d’inspecteur des finances.
Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, le dossier complet, avec : les tableaux comparatifs des rémunérations, les pensions, les différences entre fonctionnaires fédéraux et régionaux et le régime des congés dans la fonction publique.
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