Joyce Azar
Flandre : « Balance ton voile… ou pas ? »
Etes-vous prêt.e.s à utiliser l’écriture inclusive pour rétablir la parité ? En Flandre, la question ne se pose même pas, pour la simple raison qu’en néerlandais, le masculin ne l’emporte pas, et que les adjectifs sont neutres. La langue de Vondel se montre, en outre, bien moins rigide que celle de Molière, et plus malléable face aux évolutions de la société.
Si le débat linguistique sur la neutralité des genres a été soulevé aux Pays-Bas, notamment pour des termes tels que » arts » (médecin) ou » piloot » (pilote), il est resté limité, et n’a pas traversé la frontière flamande. D’autres sujets liés à la condition des femmes ont, eux, gagné le nord du pays. Mais, à l’exception du port du voile, ils n’ont pas pour autant provoqué de remous.
On a pourtant cru à une libération de la parole des femmes, lorsqu’en novembre dernier, le mouvement #MeToo a débarqué en Flandre, après l’affaire Bart De Pauw. Accusé de harcèlement par plusieurs de ses collaboratrices, le célèbre réalisateur, acteur et présentateur s’est vu remercié par la télévision publique VRT, où il travaillait depuis des décennies. Ce scandale n’était, selon certains, que la pointe de l’iceberg. Mais l’indignation s’est rapidement essoufflée, alors que le principal concerné s’est, tant bien que mal, fait oublier.
Si la nouvelle vague d’émancipation féminine ébranle aujourd’hui nos sociétés occidentales, son ampleur demeure modeste au sein du débat public flamand. Il y a bien eu cet appel de cinquante chefs d’entreprise en faveur d’une féminisation du monde des affaires, lancé à l’occasion de la Journée des droits des femmes, le 8 mars dernier. On a évidemment parlé de la » censure » de Damso, jugé trop sexiste pour représenter les Diables Rouges, et de la disparition de » filles à fleurs » lors des grandes courses cyclistes. Au niveau politique, on a également assisté au coup de gueule du ministre flamand de la Culture, Sven Gatz, qui, il y a quelques semaines, avait annulé en dernière minute sa participation à un débat auquel seuls des hommes avaient été conviés. » Nous sommes en 2018. Un panel sans femmes n’est pas un vrai débat politique « , avait-il justifié, à raison.
Si la nouvelle vague d’émancipation féminine ébranle aujourd’hui nos sociétés occidentales, son ampleur demeure modeste au sein du débat public flamand
Lorsqu’il s’agit de pointer les problèmes liés à la condition des femmes, les médias flamands tendent finalement à davantage relayer l’actualité étrangère. Au niveau local, un thème particulier semble s’imposer : celui du port du voile. Récemment encore, il a dominé l’info après une plainte en justice déposée par les parents de quatorze jeunes filles contre une interdiction de porter le voile au sein de deux écoles secondaires du Limbourg. Le tribunal de Tongres a tranché en faveur des plaignants, mais le débat fera certainement encore couler de l’encre, le pouvoir organisateur de l’enseignement flamand ayant décidé d’interjeter appel. Aux yeux d’un grand nombre de citoyens, ce sujet est avant tout un problème religieux. Il touche pourtant directement au droit des femmes à l’autodétermination et à leur liberté de s’habiller comme elles l’entendent. L’islam n’est sans doute pas un exemple en matière d’égalité des sexes. Mais les valeurs européennes sont-elles pour autant plus égalitaires lorsqu’elles tentent d’imposer aux femmes certaines tenues vestimentaires ? Minijupe ou voile, nous vivons dans un pays où il devrait être normal de pouvoir choisir.
Régler une fois pour toute cette question permettrait peut-être d’accorder enfin plus d’attention aux véritables obstacles à l’égalité hommes-femmes.
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