Joyce Azar
« Flamands et Wallons se sont retrouvés unis, malgré eux, dans leurs Publi-affaires »
« Il y a, en Belgique, des Wallons et des Flamands ; il n’y a pas de Belges », écrivait Jules Destrée en 1912. Aujourd’hui encore, beaucoup considèrent que notre pays est constitué de deux peuples que tout sépare : la langue, la culture, l’aéroport de Zaventem, le Ceta, le saucisson d’Ardenne, le RER, le stade national, les pandas… Tout, à quelques exceptions près. Car les Belges se sont retrouvés, malgré eux, unis dans leurs « Publi-affaires ».
Quel ne fut pas le soulagement des francophones d’apprendre qu’ils n’étaient pas seuls, en Belgique, à subir les magouilles financières de leurs représentants politiques. Et de se réjouir de l’erreur (ou la naïveté ? ) de la ministre flamande des Affaires intérieures, Liesbeth Homans (N-VA), qui déclarait, début février, que » des scandales à la Publifin ne pouvaient pas arriver en Flandre « .
Tous parlent désormais la même langue : éthique, transparence, déontologie… Des mots qui, coïncidence, sont identiques en français et en néerlandais.
Providence ou fatalité, le travail assidu d’une poignée de journalistes a brusquement réveillé les citoyens flamands, à leur tour frappés par ce que d’aucuns qualifiaient de » maladie wallonne « . Sur les réseaux sociaux, la colère est palpable. Le ressenti se confirme : les politiques sont déconnectés du monde réel, trop occupés à cumuler des postes pour amasser de plantureuses rétributions. » Trop is te veel » : pour exprimer leur ras-le-bol, les Flamands ont rejoint les francophones sur la page Facebook du même nom. Les éditorialistes, eux, mettent en garde : la démocratie se retrouve en danger. Ils avaient bien tenté de dénoncer les systèmes de gestion des intercommunales. Mais ces derniers sont si opaques et complexes que même les experts les plus calés peinent à les décrypter. Que dire alors du citoyen lambda qui, au nord comme au sud, se sent dépassé ? A défaut de comprendre, une idée fixe accapare désormais son esprit : la classe politique ne vaut plus un centime. Il en devi »ent difficile de contredire le » tous pourris » clamé en choeur.
Pris à leur propre piège, les responsables de tous bords s’empressent de rassurer, proposant à tout-va des mesures, parfois loufoques, ou dévoilant des listes de mandats et de rétributions. Tous parlent désormais la même langue : éthique, transparence, déontologie… Des mots qui, coïncidence, sont identiques en français et en néerlandais. A l’instar d’hypocrisie, que le citoyen retient avant tout. Des démissions ont certes suivi. Celle de l’échevin gantois Tom Balthazar (SP.A) d’abord. Puis celle de Siegfried Bracke (N-VA), non pas de sa fonction de président de la Chambre, mais bien de son poste de conseiller consultatif chez Telenet. En tirant à boulets rouges sur la majorité gantoise, Bracke pensait briser le cartel SP.A – Groen, en vue de s’emparer du pouvoir dans la deuxième plus grande ville de Flandre. En réalité, le premier citoyen du pays s’est tiré plusieurs balles dans le pied. Il ne sera finalement pas, comme espéré, tête de liste aux communales de 2018. Dans la foulée, Siegfried Bracke a mis au jour l’indécence et le conflit d’intérêts générés par la présence de politiques dans le secteur privé. Enfin, il a entaché son parti, démontrant que la N-VA participait pleinement à un système qu’elle a tant prétendu vouloir changer.
N’en déplaise à Bart De Wever, les nationalistes flamands forment plus que jamais un parti traditionnel comme les autres. Tous subiront sans doute l’insatisfaction générale des électeurs. Mais au profit de qui ? Face aux idées extrêmes qui déferlent sur l’Europe, les Belges devront peut-être s’inspirer de mouvements citoyens pour réaffirmer leur attachement à la démocratie. Et pour être, un jour, unis pour le meilleur.
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