Guy Martin
Fin d’une époque pour le PS: les leçons de Publifin et l’hégémonie du néoliberalisme
Le problème de Publifin est il un problème lié à des personnes ou à une fédération politique ? Ni l’un ni l’autre. Je ne le pense pas. Et il faut que nous en fassions l’analyse. Car mal poser le problème c’est se condamner à ne pas trouver de solution…
Publifin est un exemple de l’aboutissement d’une lutte fondée sur un modèle qui fait consensus depuis plus d’une trentaine d’années : le modèle néolibéral.
Publifin est un outil public qui apporte près de 100 millions de dividendes par an aux pouvoirs locaux de la Province de Liege et dont la valorisation en 20 ans est passée de 160 millions à 3 milliards d’euros et de quelques centaines de travailleurs à près de 3000. C’est un outil du redéploiement économique liégeois. Et il a bien intégré toutes les règles du néolibéralisme (Holding, …) pour optimiser les profits.
Dans notre société néolibérale quand on est socialiste réformateur, on ne veut pas faire la révolution. Si l’on veut se battre pour gagner, il est du « bon sens commun » d’utiliser les lois existantes fondées sur le modèle néolibéral… en particulier dans les secteurs stratégiques (énergie, information, finances).
Cela, probablement, crée incontestablement (et c’est peut être une des explications de l’information presqu’uniquement « à charge » diffusée par la presse qui est la propriété en Belgique de quelques familles) des réactions de la part des gens très riches. Ils ne perçoivent peut être pas d’un bon oeil qu’une puissance publique concentre tant de moyens (la fortune de Trump) sur une si petite région.
Mais cela crée aussi des réactions au niveau de la population concernant plus particulièrement les rémunérations des cadres (qui s’inscrivent dans une même logique néolibérale). C’est cette conjugaison qui en fait un mélange détonnant.
Publifin, au nom de la « realpolitik » a exploité au maximum les règles du néolibéralisme, conduisant ainsi, tel Janus avec une tête à deux visages…, à s’inscrire dans la logique néolibérale au niveau des moyens, pour la combattre au niveau des fins.
Mais, ne risque t il pas d’y perdre « son âme » ? Le choix des moyens n’infléchit il pas toujours la réalisation des fins ?
Ce que nous connaissons avec Publifin est un problème beaucoup plus large d’état d’esprit qui s’est installé ses 30 dernières années notamment au PS, comme dans les autres partis traditionnels. Et publifin n’est simplement qu’une illustration.
À mon estime, le problème n’est pas une fédération politique, ni les personnes qui la dirigeaient, ni les personnes qui dirigeaient Publifin mais bien plutôt le glissement progressif du PS en trente ans, au nom d’un réalisme politique, de la sociale démocratie vers le social libéralisme.
Dans son « bon sens commun » le PS a considéré que le néolibéralisme était la seule vérité pour pouvoir gouverner les populations au mépris des démunis toujours de plus en plus nombreux et de plus en plus démunis (voir les dispositions pour les chômeurs du gouvernement Di Rupo ou encore ses propositions du plan Busquin Di Rupo sur la privatisation de l’école publique sous forme d’asbl dans son plan dans les années 90, auxquelles André Krupa alors Président du CPEONS s’est opposé et l’a durement payé). Certes, lorsqu’on était socialiste on cherchait à « aménager » les choses pour les plus démunis. Mais toujours dans la logique du modèle néolibéral.
Or après 2008, de plus en plus de personnes de la classe moyenne comprennent le risque pour elles de basculer dans la précarité (ce qui les poussent à se dissocier du modèle des très riches) , une bonne partie de ceux ci n’ont plus soutenu les partis traditionnels qui adhéraient tous au consensus du néolibéralisme (ce qui explique le choix de partis extrémistes par une part de la population). Et les jeunes arrivistes du PS qui avaient grandit à l’IEV imprégnés de ce consensus, ont perçu qu’ils allaient y laisser leur peau…. Alors ils cherchent à se reconstruire une virginité devant leur électorat. Mais, meme en étant passé par l’IEV, ils n’ont pas compris que la solution n’est pas la désignation de quelques victimes expiatoires coupables du scandale, avant que tout ne revienne comme avant. La solution est ailleurs.
Comme l’écrit Errejón, en politique « les seuls maux qu’on peut soigner sont ceux qu’on peut nommer ».
u003cstrongu003eLes partis de gauche ont accepté l’idée qu’il n’y avait pas d’alternative à la globalisation néolibérale, que tout ce qu’ils pouvaient faire quand ils viendraient au pouvoir serait de conduire, disons u0022plus humainementu0022 l’ordre créé par le néolibéralismeu003c/strongu003e
Chantal Mouffe
Il faut changer de paradigmes pour réconcilier la population avec la politique, en particulier lorsqu’on se revendique du socialisme.
Car, comme l’écrit Chantal Mouffe : « …les partis de gauche sont responsables pour une grande part de cette reddition devant l’hégémonie néolibérale. Ils ont accepté l’idée qu’il n’y avait pas d’alternative à la globalisation néolibérale, que tout ce qu’ils pouvaient faire quand ils viendraient au pouvoir serait de conduire, disons « plus humainement » l’ordre créé par le néolibéralisme, par exemple avec un peu plus de redistribution. Et sans mettre en question l’hégémonie qu’avait établie le néolibéralisme. »
Ne conviendra-t-il pas pour les socialistes, de combattre l’hégémonie de ce modèle néolibéral (et c’est la force du PTB en wallonie seul Parti contre-hégémonique mais c’est aussi la puissance d’une initiative industrielle publique comme Publifin).
Or, dans la mesure ou on attend de la politique qu’elle contribue à changer le monde, si le modèle néolibéral est devenu le seul possible et qu’il n’y a plus de choix, , alors les technocrates peuvent gouverner et il n’y a plus besoin de politiques.
N’est ce pas ce que Mélenchon en France et Errejón en Espagne notamment commencent à faire en permettant à une population de redevenir un peuple….?
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici