Fin de la TVA à 6% sur les démolitions-reconstructions pour les promoteurs: « C’était un élément-clé pour créer 30 000 logements en plus par an »
Pour Embuild, la fédération du secteur de la construction, la fin du taux réduit sur les démolitions-reconstructions pour les promoteurs, d’application dès 2024, s’oppose à la nécessité de (re)bâtir des logements abordables et de qualité.
En mettant fin à ce taux réduit sur les démolitions-reconstructions, le gouvernement envoie-t-il un mauvais signal pour la rénovation massive de logements?
Niko Demeester, administrateur délégué d’Embuild : Le fait que ce régime ne soit pas prolongé pour les professionnels, alors qu’il l’est pour les particuliers, est en effet un très mauvais signal, pour deux raisons. Un: on sait qu’il faut augmenter le rythme des démolitions-reconstructions à long terme. Une grande partie de notre parc immobilier est totalement vétuste, alors que la population croît. Il nous faut trente mille unités de logement en plus par an pour les sept années à venir, à la fois durables et abordables. Or, la différence de coûts entre une TVA à 6% et à 21% est phénoménale. Ces 6% constituaient un élément clé pour les professionnels, d’autant que les particuliers ne seront pas capables de produire ces trente mille unités annuelles supplémentaires , ni de reconvertir une vieille usine pour créer cinquante nouveaux appartements. Deuxième raison: la démolition-reconstruction est nécessaire pour bâtir rapidement des logements à très haute performance énergétique. Les rénovations à petit pas, étalées sur dix ans, ne suffiront pas à atteindre des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le temps imparti.
Indépendamment des coûts, les démolitions-reconstructions sont des opérations complexes, en particulier quand elles portent sur plusieurs biens et impliquent de nombreux propriétaires. D’où la nécessité de les confier à des promoteurs?
Tout à fait. Il y a un rôle de régie à endosser pour planifier les besoins, mettre en cohérence les positions subjectives et objectives des différents propriétaires, à l’image de ce que fait le syndic d’une copropriété. Ce rôle de régisseur est au cœur du métier de développeur immobilier professionnel. Plus encore quand on sait qu’il faut combiner le «stop» à l’étalement urbain avec une forte augmentation du nombre de logements dans les années à venir. A Tournai, par exemple, où l’activité hospitalière du Chwapi sera concentrée en un seul endroit, les anciens sites seront reconvertis en quartiers de logements. Mais qui entreprendra de telles reconversions? Certainement pas des particuliers.
Lors des discussions précédant l’annonce du gouvernement, il était question d’envisager au moins une TVA réduite à 12%. Une voie médiane était-elle possible?
On comprend les contraintes budgétaires de l’Etat. C’est pour cela que nous avions mis sur la table cette proposition visant à pérenniser non pas un taux à 6% mais à 12% sur l’ensemble du territoire, pour les particuliers comme pour les professionnels. Cela aurait généré un incitant nécessaire, tout en réduisant légèrement la tension budgétaire. Malheureusement, le politique n’a pas retenu cette position de compromis.
Une autre lecture consiste à dire que cette réduction de TVA a essentiellement bénéficié aux promoteurs, sans répercussion sur le prix final des logements loués ou mis en vente. Que répondez-vous?
C’est une discussion pertinente, pour laquelle il y a lieu d’être transparent. Si les particuliers ou les politiques ont l’impression que les promoteurs ont mis le différentiel de TVA dans leur poche, on a un problème. Mais il faut bien comprendre comment fonctionne le marché de la promotion. Un professionnel n’a pas intérêt à vendre au plus cher au client, car s’il n’arrive pas à vendre, il aura perdu de l’argent. Le prix d’un appartement issu d’une démolition-reconstruction a-t-il baissé de 15%? Non, mais parce qu’entre-temps, les coûts pour les promoteurs ont explosé. A cause des crises Covid puis énergétique, les prix des matériaux ont augmenté de 35%. Depuis l’an dernier, le coût du travail a augmenté de 10% à la suite de l’indexation automatique des salaires. Quand on sait que la main-d’œuvre représente environ 50% du coût d’un projet de logement, cela influence inévitablement le prix de vente. Sans cette baisse de TVA, la hausse des coûts aurait été encore plus importante.
Le rétablissement d’une TVA à 21% incitera-t-il certains professionnels à se réorienter dans la construction de logements neufs sur des terrains vierges?
C’est une hypothèse, mais il est trop tôt pour le dire.
D’autres obstacles, peut-être plus déterminants que le coût, existent-ils quand il s’agit de démolir et reconstruire un bâtiment?
Le défi futur est d’augmenter le nombre d’habitations dans les centres des villes et villages. A chaque fois, c’est l’occasion de redynamiser un quartier obsolète. Bien sûr, il y aura X problèmes, à commencer par la multiplicité des propriétaires. Mais c’est bien cela qu’il faut faire. Récemment, Gand a organisé un référendum sur la crise du logement (NDLR: pour freiner la privatisation de l’immobilier public communal et créer un parc de terrains publics). L’année dernière, à Amsterdam, des manifestations ont eu lieu pour dénoncer le fait qu’il n’était plus possible d’y acheter quoi que ce soit. On va droit vers une crise majeure du logement. Et la solution passera par la reconversion massive de quartiers, d’anciennes usines, de bureaux… Le promoteur devra travailler avec les autorités publiques qui, elles aussi, ont tout intérêt à faire revivre des quartiers vétustes.
Le gouvernement ne reviendra pas, à court terme, sur sa décision. Quelle est désormais votre priorité?
On est occupé à négocier avec le secteur, pas pour revoir la décision, mais pour au moins en affiner les modalités transitoires. Les promoteurs ou investisseurs qui reconstruisent des logements destinés à la location dans 32 centres urbains pourront bénéficier du taux réduit de TVA de 6% l’année prochaine, à condition que le permis d’urbanisme soit déposé cette année. Ailleurs, il faut éviter des situations dramatiques, où un promoteur demanderait une majoration de plusieurs milliers d’euros aux particuliers ayant déjà acquis un bien sur la base d’une TVA à 6%, mais dont la concrétisation n’aboutira pas avant 2024. Nous espérons que le politique sera à l’écoute afin de définir une bonne période de transition, qui n’entraîne pas de choc pour les projets en cours. Au prochain gouvernement fédéral, nous revendiquerons prioritairement la réouverture du débat sur le caractère abordable du logement. La TVA sur la démolition-reconstruction sera un élément clé des discussions.
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