Factcheck : non, l’UE ne veut pas supprimer Noël
Selon Theo Francken, député de la N-VA, l’UE dispose d’un « plan d’action pour supprimer Noël ». Sauf qu’un tel plan n’existe pas. Dans un document interne de la Commission européenne contenant des recommandations pour une communication inclusive, il est proposé de ne plus utiliser le mot « Noël », mais ce document a été retiré entre-temps
Le 12 décembre, Theo Francken, député de la N-VA, publie sur son blog « Theo Tuurt », un article intitulé « L’otage vert ». Francken partage également le texte sur Twitter, et sur sa page Facebook, où le message atteint plus de 4600 personnes, selon une analyse réalisée par CrowdTangle. Dans cet article, Francken décrit comment, selon lui, « l’agenda écolo domine la Rue de la loi ». Francken illustre sa thèse par quelques exemples, dont l’un nous frappe particulièrement : « Ceux qui marquent des buts sans supporters dans les tribunes sont des Verts. Même leur ennuyeux programme de woke ou leur programme naïf de migration ont la cote. Ou encore, comment interpréter un plan d’action de l’UE visant à supprimer Noël ou à ouvrir les hôtels aux demandeurs d’asile ? ». Francken parle d’un « plan d’action européen pour supprimer Noël », mais ne s’étend pas sur ce point dans le texte.
Un tel plan existe-t-il vraiment ?
Le 26 octobre 2021, la Maltaise Helena Dalli, commissaire européenne à l’égalité, a présenté un guide de la Commission européenne sur « une communication inclusive ». Elle a partagé sur Twitter une photo d’elle posant avec le document de 30 pages à la main.
Ce document fait partie d’un plan visant à mettre en oeuvre une « Union de l’égalité » et à faire en sorte que « chacun se sente valorisé et reconnu dans les supports de communication de l’UE, indépendamment de son sexe, de son origine raciale ou ethnique, de sa religion ou de ses convictions, de son handicap, de son âge ou de son orientation sexuelle ». Dans le guide qu’elle propose, Mme Dalli explique comment le personnel de la Commission peut rendre sa communication interne et externe plus neutre sur le plan du genre et plus favorable aux LGBTQ+. Il est notamment conseillé aux fonctionnaires de ne plus s’adresser à un public en disant « Mesdames et Messieurs » mais en utilisant des expressions telles que « chers collègues », et de limiter l’utilisation des termes « M. » ou « Mme », sauf si la personne concernée le souhaite explicitement.
Joyeuses fêtes
Le guide de la communication inclusive conseille également de ne pas supposer que tout le monde est chrétien, et donc de supprimer la salutation habituelle de Noël et de parler plutôt de la période des fêtes. Le document conseille également de ne pas utiliser l’expression anglaise « Christian name », mais plutôt « first name » ou « forename ». Nous retrouvons les deux recommandations ci-dessus dans le document dans un tableau à la page 19.
Il n’est pas question ici d’interdire l’utilisation du terme » Noël « , il s’agit bien de » lignes directrices « , suivies d’alternatives possibles. Cela vaut d’ailleurs pour toutes les propositions du document : il s’agit de lignes directrices pour les fonctionnaires européens, et elles ne sont pas contraignantes. Pour être clair, il ne s’agit pas de lignes directrices ou de recommandations destinées aux citoyens de l’UE.
Una follia
Ces propositions ont provoqué des remous, notamment en Italie, après que le journal Il Giornale a publié un article sur le document interne le 28 novembre. Le journal fait valoir que les nouvelles règles proposées vont non seulement à l’encontre des conventions et traditions existantes, mais aussi du bon sens. Il Giornale voit même dans les nouvelles directives une tentative d’interdire le christianisme. Le journal ne publie aucun extrait du document avec l’article, ni ne fournit de lien vers le document concerné. La suggestion de bannir les termes chrétiens du langage utilisé par les fonctionnaires de l’UE, en particulier, suscite l’animosité. Matteo Salvini, chef du parti d’extrême droite Lega, a qualifié les directives de « una follia » sur Twitter. Le Vatican n’est pas non plus amusé et rappelle que le christianisme a apporté une grande contribution à l’Europe. Gerolf Annemans, député européen du Vlaams Belang, en parle également sur Twitter. Dans son Tweet, il ne mentionne pas explicitement qu’il s’agit d’une recommandation dans un document interne de la Commission, qui ne s’adresse pas aux citoyens européens.
Annemans nuance tout de même. Il ne s’agit pas de « supprimer Noël », mais de « ne plus parler de Noël ». Bien qu’une réponse à son propre tweet donne une impression différente :
Le 29 novembre, la Commission européenne a répondu à la controverse. « Nous n’avons interdit à personne d’utiliser le mot « Noël ». Nous sommes en faveur de l’inclusion », déclare-t-elle dans une réponse à l’agence de presse italienne Ansa. La Commission affirme également qu’elle est neutre sur la question de la religion, et que le document interne a été préparé à un niveau technique, dans le but de sensibiliser à la communication inclusive. Selon un article de Politico publié le 30 novembre, le document suscite également un mécontentement en interne. Un membre de la commission qui a souhaité garder l’anonymat aurait déclaré à Politico que la commissaire Dalli compense son manque de poids au sein du collège des commissaires en « sortant de son chapeau des directives inclusives qui sapent les règles les plus fondamentales ». Nous devenons fous. Avec Dalli, nous faisons l’expérience du surréalisme », note le commissaire. Cette agitation conduit la commissaire Dalli à retirer son document controversé le 30 novembre 2021.
« Certains exemples ont soulevé des inquiétudes, ce qui n’est pas inhabituel puisqu’il s’agit d’un « travail en cours », a tweeté Dalli le 30 novembre. « Nous examinons ces préoccupations et tentons d’y répondre dans une version actualisée », a-t-elle écrit dans une déclaration. Nous contactons Theo Francken et lui demandons sur quelles sources il s’est appuyé pour faire référence à un « plan d’action européen pour supprimer Noël » dans son article du 12 décembre. Il nous envoie par SMS un lien vers un article du Het Nieuwsblad, paru le 1er décembre. Il indique qu’une « tentative de bannir Noël du langage des fonctionnaires de l’UE » a provoqué un énorme tollé et que le commissaire européen Dalli a retiré son guide controversé sur « la communication inclusive ». Plus tard, Francken nous envoie également par e-mail le pdf du document retiré entre-temps.
Conclusion
Selon Theo Francken, député de la N-VA, il existe un « plan d’action européen pour supprimer Noël ». Ce n’est pas vrai. Dans un guide pour une communication inclusive adressée aux employés de la Commission européenne, la commissaire européenne à l’égalité Helena Dalli a proposé de ne plus utiliser le mot « Noël » par respect pour les personnes de religion différente. Les lignes directrices proposées devaient être non contraignantes et s’appliquer uniquement en interne, au personnel de l’UE, et non aux citoyens de l’UE. La Commission a déjà retiré la proposition de guide suite à des protestations, indiquant qu’elle travaillait sur une version actualisée. Nous estimons donc que cette affirmation est plus que probablement fausse.
Source
Facebook (12 décembre 2021, gearchiveerd)
Theo tuurt (12 décembre 2021)
Doorbraak (12 décembre 2021)
PAL NEWS (12 décembre 2021)
Twitter (26 octobre 2021)
European Commission Guidelines for Inclusive Communication
Il Giornale (28 novembre 2021)
Twitter (29 novembre 2021)
Open (29 novembre)
Bufale (29 novembre 2021)
Open (30 novembre 2021)
Politico (30 novembre 2021)
Twitter (30 novembre 2021)
Het Nieuwsblad (1 december 2021)
Conversation par Sms et mail avec Theo Franckenle 17 décembre 2021.
Toutes les sources ont été consultées la dernière fois le 17 décembre 2021.
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