Factcheck: la Belgique, un des pays européens qui accueille le plus de réfugiés?

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Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Pour certains, la crise de l’accueil est due à un manque de places. Pour d’autres, elle est causée par un manque de volonté politique. Remous au sein de la Vivaldi. Pour tenter d’y voir plus clair, Le Vif s’est penché sur les chiffres disponibles en matière d’accueil des réfugiés.

Ce mardi sur LN24, la question de l’accueil des réfugiés en Belgique a de nouveau été abordée. Mathieu Michel (MR), Secrétaire d’Etat à la Digitalisation, était l’invité de la matinale. Il s’est exprimé sur la crise de l’accueil, qui divise le gouvernement ces derniers mois.

Alors que des centaines de personnes dorment toujours dans la rue, certains se demandent pourquoi le gouvernement ne leur donne pas accès à des bâtiments publics. Une compétence gérée par Mathieu Michel, qui est notamment en charge de la Régie des bâtiments.

« Nous mettons ces bâtiments à disposition de Fedasil (l’agence fédérale responsable des demandes d’asile, NDLR), qui décide ensuite quels bâtiments peuvent accueillir les réfugiés, en fonction de différents critères comme la superficie, la sécurité, l’accès à des sanitaires décents…».

Pour le Secrétaire d’Etat à la Digitalisation, la crise de l’accueil s’explique par le trop grand nombre de demandeurs d’asile sur le sol belge. « Si on n’est pas en capacité d’accueillir ces personnes de manière digne, il faut se poser la question de savoir si le flux d’entrée n’est pas trop important ».

La question migratoire agite la coalition Vivaldi et en particulier Ecolo, qui tape du poing sur la table depuis plusieurs mois. « Ecolo dit qu’il faut créer plus de places (d’accueil, NDLR) mais au niveau européen, on est un des pays qui accueille le plus. Si on ouvre grand les portes et que derrière on ne sait pas gérer, pour moi ça n’a pas de sens ».

La Belgique, terre d’accueil majeure pour les réfugiés en Europe ?

Toute personne qui arrive sur le sol belge peut faire une demande de protection internationale, plus connue sous le nom de demande d’asile, auprès de l’Office des étrangers. Cette demande est ensuite examinée par le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA).

En 2022, l’Office des étrangers a enregistré 36.871 demandes de protection internationale. C’est 42% de plus qu’en 2021, et 46% de plus qu’en 2020. Durant ces deux années, la pandémie de covid-19 a fortement réduit les déplacements de population d’un pays à un autre.

Depuis, le nombre de demandes d’asile en Belgique a largement dépassé celui observé en 2019. L’an passé, 3.073 personnes ont introduit une demande chaque mois. Un chiffre qui a même grimpé à 4.000 pour les mois de septembre et d’octobre 2022. D’après le CGRA, de tels chiffres n’avaient plus été observés depuis l’automne 2015.

En janvier dernier, quelque 2.777 demandes de protection internationale ont été introduites auprès de l’Office des étrangers.

Oui, la Belgique accueille beaucoup de réfugiés par rapport à sa population

D’après le CGRA, « la Belgique se situe clairement dans le groupe des États membres qui reçoivent le plus grand nombre de demandes par rapport à leur population ».

Sur le graphique ci-dessous, le nombre de réfugiés pour chaque pays est rapporté à la taille de la population. En effet, 1000 demandeurs d’asile qui débarquent en Allemagne n’ont pas le même impact que 1000 demandeurs d’asile qui arrivent en Belgique.

En 2021, la Belgique a accueilli 89 réfugiés et demandeurs d’asile sur son sol pour 10.000 habitants. Si on devait établir un classement de l’accueil européen, elle se classerait en 10ème position, derrière des pays comme l’Allemagne, la Suède, la Turquie ou encore le Luxembourg.

Proportionnellement, l’Etat belge accueille par contre plus de demandeurs d’asile que la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, pour ne citer qu’eux.

« L’origine de cette crise de l’accueil est politique »

Une personne qui introduit une demande d’asile sur le sol belge n’accède pas à une aide financière mais a droit à l’accueil, apprend-on sur le site de Fedasil. Autrement dit, l’Etat est obligé de fournir un logement aux demandeurs d’asile le temps que leur procédure d’accueil suive son cours.

En 2022, l’Etat belge a été condamné à plusieurs milliers de reprises pour manquement à ses devoirs en matière d’accueil des demandeurs d’asile. Une condamnation qui entraine le paiement d’astreintes, puisque le gouvernement ne respecte pas une décision de justice.

La situation est telle que Fedasil a dû mettre en vente ses meubles pour régler le paiement d’une partie des astreintes. « Vous vous rendez compte ? », s’exclame Marco Martiniello, spécialiste des questions de migration (ULiège). « Des huissiers se rendent sur place pour saisir du matériel tellement l’Etat s’assied sur les décisions de justice en matière d’asile ».

Pour le chercheur universitaire, la politique migratoire de l’Etat belge est un échec, depuis de nombreuses années déjà. « Faire de la politique, c’est prévoir. Le phénomène de migration n’est pas nouveau, mais il semblerait que certains préfèrent s’occuper des prochaines élections que de s’occuper de ces personnes qui dorment dans la rue ».

Marco Martiniello y voit « soit un manque de compétence, soit un manque de volonté. En ce qui me concerne, je pencherais plutôt pour la seconde option. Dans les deux cas, la situation est grave et insoutenable pour tous ces réfugiés ».

La migration augmente et continuera à augmenter

En 2020, le phénomène de migration concernait 3.6% de la population mondiale, à savoir 281 millions de personnes. C’est 128 millions de personnes en plus par rapport à 1990, et trois fois plus qu’en 1970.

Pour Marco Martiniello et d’autres observateurs, les mouvements de population vont continuer à s’accélérer avec, entre autres, le réchauffement climatique, qui va rendre certaines parties de la planète inhabitables.

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