Fact-check: oui, c’est en Flandre qu’on crée le plus d’emplois (même s’ils coûtent plus cher)
Le déficit de compétitivité témoigne de la moindre robustesse de l’appareil productif wallon, comparativement à son homologue et rival flamand, plutôt qu’une trop grosse demande salariale.
« Les entreprises n’ont pas vocation à être aidées. Dans un monde parfait, avec un coût salarial compétitif, un coup éner gétique compétitif, de la main-d’oeuvre, etc., les aides seraient inutiles. » Ainsi lança le patron des patrons wallons, Olivier de Wasseige, dans une interview de rentrée accordée en septembre dernier à Trends-Tendances. Le travailleur wallon gagne-t-il trop? Le demandeur d’emploi wallon exige-t-il un trop gros salaire? Des syndicats trop puissants, une réglementation trop rigide, et une main-d’oeuvre trop gourmande empêchent-ils les entreprises d’embaucher, et les investisseurs d’investir? On sait que le « coût du travail » est une des raisons de la désindustrialisation massive des pays occidentaux, au profit de pays où les salaires sont plus faibles. A l’échelle de la Belgique, pourtant, c’est le contraire qui se produit: c’est dans la Région où les salaires sont les plus élevés qu’on crée le plus d’emploi, et dans celle où ils sont les plus faibles qu’on chôme le plus. En effet, alors que les allocations et les conventions collectives sont les mêmes partout en Belgique, les salaires offerts par le secteur privé sont, en fait, un peu plus faibles dans le sud morose que dans le nord prospère, ce qui limite d’autant la différence entre revenu de remplacement et salaire, et augmente, donc, les « pièges à l’emploi ».
La différence interrégionale Nord-Sud du salaire brut moyen croît en fonction du niveau de diplôme, ce qui tend donc à léser davantage la classe moyenne wallonne que son homologue flamande, et elle est parfois très importante dans certains secteurs: en 2019, un salarié flamand de l’industrie manufacturière gagnait en moyenne 3 895 euros bruts, contre 3 708 pour son homologue wallon, l’écart interrégional s’élevait à plus de cent euros dans la construction (3 367 euros bruts en Flandre contre 3 252 en Wallonie et… près de 500 dans la branche du « commerce de gros et de détail, réparation de véhicules automobiles, de motocycles et d’articles domestiques » (3 561 euros contre 3 078).
Ce déficit de compétitivité témoigne de la moindre robustesse de l’appareil productif wallon, comparativement à son homologue et rival flamand. Des industries qui périclitent ou qui disparaissent, et des investissements plutôt timides, couplés à des salaires restant plutôt élevés à cause de ou grâce à un cadre normatif et réglementaire restant majoritairement fédéral, minent, en revanche, la productivité du travail wallon, beaucoup plus faible que celle des autres pays. Le coût salarial unitaire, qui rapporte le coût de la main-d’oeuvre à sa productivité, est donc beaucoup plus élevé en Wallonie. « Le déficit en matière de coût salarial unitaire vient surtout de la productivité, inférieure de 14% à la moyenne belge et ce, depuis de très longues années alors qu’en matière de coût salarial la différence n’est que de 8% », déplorait, fin 2021, une note de l’Iweps. Le problème n’est donc pas que le travailleur wallon demande trop. Mais plutôt que son entreprise produit trop peu.
Ce fact-check est issu du dossier « Flandre-Wallonie, en finir avec les idées reçues ». Retrouvezl’entièreté du dossier ici.
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