Fact-check| Non, la Flandre n’est pas aussi lésée qu’elle l’affirme concernant les transferts Nord-Sud
Oui, les transferts d’argent existent en Belgique, et sont incontestables autant qu’inévitables. Mais la réalité est plus complexe que ce que la Flandre, et en particulier Bart De Wever, aime affirmer. Concernant les pensions, le Nord du pays reçoit même plus que le Sud…
« Nous transférons des milliards et maintenons à flot des parties du pays en faillite. Mais on ne nous respecte pas. » Ainsi prolongea Bart De Wever le mince, dans ses voeux 2022, la légende du Bart De Wever le moins mince de 2005, qui fit sensation en débarquant au pied des ascenseurs de Strépy avec un camion bourré de faux billets de cinquante euros. Cette monumentale infrastructure wallonne construite, déplore la Flandre depuis des décennies, avec un argent belge pourtant incommensurablement plus employé à élargir des ports flamands et des autoroutes flandriennes. Bref, les transferts Nord-Sud sont, en Belgique, une grande passion septentrionale, où ils sont vus comme un ignoble manque de respect.
Ces transferts existent, et sont incontestables autant qu’inévitables: dans un pays donné, les régions les plus prospères contribuent toujours plus à la redistribution que les territoires les plus pauvres.
En septembre 2021,un article passionnantde laRevue économique de la Banque nationale de Belgique (« Les transferts interrégionaux par le biais du pouvoir fédéral et de la sécurité sociale »), cosigné par quatre économistes, chiffrait pour 2019 la contribution nette flamande à 6,2 milliards d’euros, tandis que la région bruxelloise, elle, contribuait à hauteur de 900 millions d’euros à des transferts qui, au total, s’élevaient donc à 7,1 milliards en faveur de la Wallonie et de ses résidents. De quoi souffler un grand vent du nord dans les voiles nationalistes? Pas vraiment, en réalité. C’est d’ailleurs pourquoi on a si peu parlé de cette publication. Elle mériterait pourtant bien de bourrer la benne d’un camion qui viendrait décharger au port d’ Anvers.
D’abord parce que ce qui est présenté comme des transferts interrégionaux sont, en fait, majoritairement des transferts interpersonnels. Ce sont les actifs qui, individuellement, contribuent le plus, et les inactifs qui, personnellement, reçoivent le plus. Agréger cette solidarité interpersonnelle par régions est intéressant, mais pourrait tout aussi bien être fait par provinces: on s’apercevrait alors que le Brabant wallon est une province proportionnellement plus contributrice que celles d’Anvers et de Flandre-Orientale, et que la Flandre-Occidentale et le Limbourg sont bénéficiaires nets de transferts interprovinciaux, pour partie venus, donc, de Wallonie.
Ensuite parce que, observent les auteurs, ces transferts ont eu tendance à diminuer depuis la très médiatique livraison de Bart De Wever: ils sont passés de près de 2% du PIB flamand en 1995 à un peu plus d’1,2% en 2019. En raison du vieillissement plus important de sa population, la Flandre reçoit même, depuis 2003, plus d’argent belge qu’elle n’en donne pour financer les pensions et les soins de santé. Cette tendance est appelée à se poursuivre, et même à s’accentuer dès lors que la sixième réforme de l’Etat prévoit, à partir de 2024, une diminution progressive d’une série de contributions au budget wallon.
Enfin, et surtout, les quatre économistes, s’appuyant sur des données européennes, ont comparé la hauteur des transferts entre la région la plus riche et la région la plus pauvre des Etats membres de l’Union(voir infographie ci-dessus). Et ils sont en Belgique moins élevés qu’en Pologne et en Allemagne, qu’en France et en Roumanie, qu’en Espagne et au Portugal, qu’en Hongrie et aux Pays-Bas, et qu’en Grèce et en Suède. Mais personne ne le dit jamais. Peut-être parce qu’on respecte trop la Flandre, en fait?
Ce fact-check est issu du dossier « Flandre-Wallonie, en finir avec les idées reçues ». Retrouvez l’entièreté du dossier ici.
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