Fact-check: non, la Flandre ne réalise pas 83% des exportations belges
Selon Bart de Wever, la Flandre réalise 83% des exportations belges. C’est faux, et de mauvaise foi.
« Nous réalisons 83% des exportations. » Ainsi constata Bart De Wever, dans son dernier discours du Nouvel An. C’est non seulement faux du strict point de vue mathématique, mais c’est aussi, et surtout, d’une effroyable mauvaise foi.
Les mathématiques, d’abord: selon les chiffres officiels de l’Institut des comptes nationaux (ICN), en 2019, la dernière année normale avant la pandémie, les exportations flamandes représentaient 67,6% des exportations totales de la Belgique. Pour atteindre le niveau avancé par Bart De Wever, il faudrait ajouter la part bruxelloise à sa part flamande. Peut-être voulait-il par là insister sur le statut de capitale de la Flandre de Bruxelles, et rendre ainsi honneur au dynamisme des exportations bruxelloises, qui sont passées de 14,5% à 18,6% du total belge entre 2009 et 2019. Il a là le bénéfice de la bonne foi: bon historien et ardent patriote, le bourgmestre d’Anvers ne peut ignorer les racines flamandes de Bruxelles.
Mais, les yeux posés sur l’embouchure de l’Escaut, il ne peut pas non plus ignorer les contraintes de la géographie physique.
Et c’est là que survient la pure mauvaise foi. Car si Bart De Wever et sa Flandre ont raison d’être fiers de leur économie, prospère et tournée vers l’extérieur (le taux d’ouverture de l’économie flamande, soit la moyenne des exportations et des importations divisée par le PIB, est, avec 91%, plus de deux fois plus élevé que celui de la Wallonie), il a tort, et une certaine Flandre avec lui aussi, d’appuyer cette fierté sur une comparaison interrégionale, comme si les Flamands exportaient plus de biens et de services parce qu’ils sont plus courageux, ou plus forts, ou plus beaux que les Wallons. L’ économie mondialisée, aujourd’hui encore davantage qu’hier, vogue sur les océans, et si la Flandre domine les mers, c’est parce qu’elle borde celle du Nord. Ce n’est pas l’esprit industrieux de nos nordistes ni la paresse congénitale de nos sudistes qui ont précipité la mort de l’industrie wallonne. C’est l’inévitable basculement vers la mer de tout un appareil productif tourné vers l’exportation.
L’atout portuaire
Sur les quelque 120 000 emplois directs pourvus par l’économie portuaire en Belgique, plus de 100 000 le sont dans les ports flamands d’ Anvers (près de 70 000), de Gand (30 000), de Zeebruges (10 000) et d’Ostende (5 000). Ces infrastructures sont, en tout ou en partie, publiques, leurs patrons sont des élus locaux et les emplois y sont très encadrés: le pouvoir syndical des dockers rendrait jaloux le plus influent délégué CGSP d’une municipalité hennuyère. Autour de ces ports, équipés par des milliards d’euros de travaux publics, investis très judicieusement depuis plusieurs décennies, par la Flandre un peu et par la Belgique beaucoup plus, notamment en contrepartie des sommes déboursées pour accompagner socialement les innombrables fermetures dans la vieille industrie wallonne, se sont implantées les entreprises les plus modernes et les plus tournées vers l’exportation, ainsi que les centaines de milliers d’emplois qu’elles procurent.
Les économistes appellent ça « l’effet d’agglomération », et il se fait qu’aujourd’hui c’est autour des ports maritimes, surtout celui d’Anvers – qui fusionnera cette année avec celui de Zeebruges, pour égaler celui de Rotterdam comme premier port d’Europe – que bat le coeur de l’appareil productif belge, si loin des collines et de l’eau douce des provinces wallonnes.
Voir Bart De Wever railler la maigreur des exportations wallonnes, c’est entendre un voisin qui a un jardin se plaindre que vous, qui n’en avez pas, ne contribuiez pas assez à l’achat de sa propre tondeuse à gazon.
Ce fact-check est issu du dossier « Flandre-Wallonie, en finir avec les idées reçues ». Retrouvez l’entièreté du dossier ici.
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