Fabian Maingain va-t-il marcher sur les traces du père ?
Olivier Maingain est président de DéFI depuis 1995. Son fils Fabian, lui, a réussi à convaincre au sein de son parti. Au point d’en devenir la coqueluche. Et le futur président ?
Ah, la famille ! Aucun » fils de » n’y échappe. L’étiquette renvoie en permanence à la présomption d’hérédité et à la revendication d’identité. Fabian Maingain sert parfaitement l’illustration : son père, Olivier, est libéral, président de DéFI (ex-FDF ou Fédéralistes démocrates francophones), député fédéral et bourgmestre ; le fils, libéral aussi, élu DéFi, était député régional sous la précédente législature (il ne se représentait pas le 26 mai dernier) et échevin à la Ville de Bruxelles. La présomption d’hérédité est donc aux » fils de » ce que le » délit de faciès » est aux étrangers. Une sorte de culpabilité que rappelle sans cesse le regard des autres et contre laquelle toute affirmation d’innocence reste vaine. Elève, il est pris à partie par des professeurs qui commentent, parfois durement, les déclarations paternelles. » Vous savez, mon père, soit on l’aime, soit on ne l’aime pas. L’impact n’est pas toujours positif « , signale-t-il au Vif/l’Express.
Il faut passer du temps, réellement, avec les gens qu’on souhaite représenter, écouter leurs problèmes.
A sa naissance, en 1986, son père n’est pas encore élu mais déjà président des jeunes FDF. A 16 ans, il prend sa carte de militant au FDF, dont Olivier est le président depuis sept ans, en cartel avec le Mouvement réformateur (MR). Quand il se présente aux communales à Bruxelles en 2006, son père emporte Woluwe-Saint-Lambert. En septembre 2011, alors que le FDF entérine brutalement son divorce d’avec le MR, après dix-huit années de vie commune, le petit parti se fait peur. Fragilisé, il sait qu’il jouera son avenir électoral et financier lors du scrutin communal suivant, un an plus tard. On en appelle au symbole. Fabian, 26 ans, se retrouve en première ligne, en tête sur une liste de 49 candidats. Tous se mobilisent autour de sa candidature, même si quelques-uns râlent. » Ce choix ne se discutait pas : le nom de Fabian s’imposait, parce qu’il incarnait le parti en étant le fils de son père « , relève une figure historique du parti. Enfin, quand en 2014, il entre au parlement bruxellois (en étant placé avant-dernier sur la liste), son père siège déjà au Parlement fédéral depuis vingt-trois ans.
Alors, » fils de » ? » Le réduire à ça relève de l’insulte « , répond Emmanuel De Bock, 40 ans, chef de groupe au parlement bruxellois. Il n’est d’ailleurs pas facile d’avoir un seul nom pour deux vies. Son oncle l’a expérimenté lorsqu’en 2009, il se présente sur une liste CDH. Directeur d’établissement secondaire, recruté par le cabinet de l’Enseignement, Alain Maingain se retire aussi vite, agacé par la caricature que les médias font de lui : il dit n’avoir été présenté que comme le frère d’Olivier et que leur confrontation intéressait davantage que ses idées sur l’éducation. Des proches assurent qu’Alain se serait incliné à la demande de Robert Maingain, leur père ( NDLR : décédé en 2013) : « Maingain est un nom politique et Olivier en est le seul héritier. » »
« Mon nom m’a prédéfini »
L’aîné des trois enfants Maingain s’imaginait loin de la politique, cette ogresse dévoreuse de temps, d’énergie, de vie. Ses amis l’ont souvent entendu dire qu’il n’en ferait jamais. » Adolescent, j’étais en très fort rejet. Ce monde prenait mon père et me coûtait des moments pénibles à l’école secondaire. » Il ne colle sans doute pas à l’image de rejeton programmé. Comme son père et ses deux oncles, Alain et Bernard Maingain – avocat dont la réputation dépasse les frontières -, il fréquente le collège Saint-Michel, l’un des dix établissements jésuites en Belgique francophone. Malgré une présence réduite, Olivier Maingain est un parent encadrant et très exigeant à l’égard de la réussite scolaire. Au collège, la discipline est stricte et Fabian ne se montre pas studieux ni obéissant. L’apprentissage ne se fait pas sans accroc. L’ado rejoint un établissement moins élitiste et se tourne vers une filière technique de transition : » On y voit une « voie de garage ». La conséquence, c’est qu’elle reste un choix par l’échec, à cause d’une insuffisance en français ou en mathématiques… Mais les professeurs que j’y ai rencontrés m’ont permis de raccrocher le wagon « , résume Fabian Maingain, qui reçoit dans son vaste bureau avec vue sur la Grand-Place.
Par la suite, il fait un crochet par les sciences économiques ( » Je ne suis pas matheux « ), puis s’inscrit en science politique à l’ULB, dont il sort diplômé en 2011. Il travaille un temps dans l’administration, attaché au service des marchés publics de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et, finalement, il choisit la politique. » J’ai très vite travaillé « , poursuit le trentenaire qui, durant ses études, sert à La Bastoche, brasserie en vogue dans le quartier de l’ULB. Etre » fils de… « , Fabian Maingain assume. Mais pas » fils à papa « .
En réalité, son envie fut précoce. Lui-même raconte que c’est à 19 ans qu’il est né à la politique. Il joue au rugby à Neder-Over-Heembeek, territoire longtemps délaissé par la Ville de Bruxelles (il y vit aujourd’hui). Le parking et les abords du club sont faiblement éclairés et les actes de vandalisme fréquents. Le jeune homme se fait relais et interpelle les autorités communales. » Puis, les gens venaient à moi, avec d’autres dossiers. Je voulais faire bouger les choses. » Mais c’est évidemment au sein de sa famille qu’il met un premier pied dans le » métier » politique. Chez les Maingain, c’est une ambiance familiale qui, sans qu’on y prenne garde, façonne une conscience politique. Olivier, éduqué chez les jésuites, les spécialistes du » en même temps » (1), et par un père autoritaire, initie très tôt la fratrie au débat, au sens de la répartie, et partage son regard passionné sur les actualités politiques et économiques. » Finalement, je pense que mon nom m’a prédéfini. C’est ce qui m’a construit « , expose le jeune échevin. Suivant la devise des jésuites, leur père leur répétait simplement : » Il faut être à un endroit où on peut être utile. A vous de choisir comment. »
Des trois enfants, seul Fabian décide donc d’embrasser la politique (son frère est président et entraîneur du club d’athlétisme Royal White Star, et sa soeur, diplômée en droit public et international) . Son père est-il son poisson-pilote ? Quand il en parle, c’est évidemment avec admiration : » C’est un homme de fortes convictions – un atout indispensable aujourd’hui en politique -, fidèle à ses valeurs et son engagement. » Habile, il cite aussi Bernard Clerfayt, pour » son pragmatisme et son positionnement économique « , et Didier Gosuin pour » ses qualités de gestionnaire « .
Capacité à rassembler
Demande-t-il l’avis de son père ? Et inversement ? » Je ne suis pas privilégié et je ne suis pas dans ses confidences. » Son père, lui, le trouve » tenace et déterminé « . Mais » Fabian ose l’ouvrir. Etre son fils lui donne sans doute plus de liberté « , note Emmanuel De Bock. Ainsi, il fait partie de ceux qui ont imposé puis fait accepter le décumul – soit un non-cumul d’une fonction exécutive locale avec celle de député ainsi que la non-rémunération de mandats dérivés – au sein de son parti, l’un des plus cumulards, et face à des doyens récalcitrants sur le sujet . » Au début, il n’a pas fait de bruit, confie un proche de son père. Il faut reconnaître qu’il y a eu une évolution. Il a pris de l’assurance et de l’étoffe. » Lorsqu’on évoque l’épisode, Fabian Maingain se dit » fier de sa formation qui a su se réinventer sur le cumul « . » Je félicite ceux qui ont compris « , lâche-t-il en souriant généreusement. Le sourire justement : si rare chez son père, il est chez lui si large qu’il brouille les traits, dévoile les dents.
La comparaison surgit, inévitable. Fabian n’est pas un orateur, mais comment prendre la parole derrière quelqu’un qui cisèle ses mots, ses répliques avec un savoir-faire d’horticulteur ? Sur son positionnement politique, libéral sur les questions de société, le fils se situe sur une aile plus à droite, en se réclamant de Bernard Clerfayt en matière économique (à l’inverse de son père). D’aucuns d’ailleurs lui reprochent son goût pour les slogans et le jugent pas loin du populisme lorsqu’il déclare : » On a quelqu’un qui vient voler l’argent des plus pauvres pour s’assurer un revenu complémentaire » (visant Yvan Mayeur dans l’affaire du Samusocial) ou » Les masques tomberont au moment du vote » (ciblant le décumul soumis au vote au sein du parlement bruxellois). Il est spontané, extraverti, bon vivant, Olivier Maingain est plutôt raide, méfiant, » british « . Le second ne s’attarde pas à boire des verres et peut paraître distant, pudique, quand le premier s’immerge dans la » machinerie » comme dans une joyeuse mêlée, avec ce côté sociable qu’il revendique lui-même. Il aborde la politique comme un » travail de contacts » qu’il décrit ainsi : » Il faut passer du temps, réellement, avec les gens qu’on souhaite représenter, écouter leurs problèmes, pour ensuite trouver des solutions « , pointant que sa génération » ne fonctionne pas sur un mode d’échange paternaliste « .
Sur le terrain, son comportement de parfait élu local, ne rechignant ni devant la distribution de tracts ni devant les goûters des anciens, parvient à convaincre au sein du parti. » Fabian est certes le fils de son père, mais il n’est pas le « fils politique » d’Olivier Maingain, ajoute l’un de ses complices. Il possède cette capacité à rassembler, à entraîner dans son sillage. Il réussit à faire la synthèse entre les trois « courants » du parti. » Chez DéFI, il serait ainsi devenu un peu la coqueluche. Au point de voir en lui le futur président du parti (avant le scrutin de mai dernier, Olivier Maingain avait annoncé qu’il céderait ensuite la présidence) ? L’intéressé admet qu’il s’agit d’une question légitime mais affirme ne pas avoir de projet de carrière. Ce qu’un ami conclut : » De son ambition, Fabian n’en parle pas… Il est plus intelligent que vous ne le croyez… »
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