Extrémisme : des perquisitions qui arrivent un peu tard

L’extrémisme qui conduit tant de jeunes à s’engager sur les pas d’Al Qaeda aurait dû être prévenu bien plus tôt, par un débat d’idées qu’on a soigneusement évité.

Du temps de sa splendeur, le cheikh Ayachi Bassam tenait salon à Molenbeek, au Centre islamique belge, entouré par sa garde de jeunes convertis, souvent issus de couples mixtes, tout fringants dans leurs habits de talibans. Folklorique ? C’est de leurs rangs, pourtant, que sont partis en Syrie Raphael Gendron, décédé au combat, et l’un des fils Ayachi, qui commande aujourd’hui les Faucons de Sham. Des paroles aux actes.

Lorsqu’elle était ministre de la Justice, en 2006, Laurette Onkelinx (PS) avait bien commandé une vague de perquisitions dans ces milieux troubles mais, sept ans après, le dossier n’est toujours pas clôturé. La justice a fait ce qu’elle a pu, avec beaucoup de moyens technologiques et juridiques mais peu de présence effective sur le terrain. Parce qu’il manque des enquêteurs proches de l’origine religieuse ou ethnique des suspects, que le contact avec le « terrain » se fait à toute heure du jour et de la nuit et que cette disponibilité coûte cher. En revanche, la police fédérale, soucieuse de ne pas apparaître comme « raciste », s’est peuplée d’islamologues capables de discuter de tel ou tel point du Coran sans prendre parti.

La propagande incessante, via Internet et les télévisions satellitaires et les rencontres de rue, qui pousse ces jeunes à partir, certains par idéalisme, d’autre pour fuir une existence ennuyeuse ou gagner leurs galons d’émir, n’est pas contrée efficacement. Le dénigrement de la société belge, l’autoflagellation, la position victimaire encouragée par des pans entiers de la recherche sur l’immigration, du secteur associatif et d’un certain monde politique empêchent de voir que la Belgique a aussi des qualités. Qu’elle s’est battue pour sa ou ses libertés, qu’elle a bâti un système de solidarité qui n’a rien à envier à l’impératif de justice sociale de la « zakat » (l’un des cinq piliers de l’islam), que sa sociabilité et son hospitalité valent bien les qualités de coeur qu’on trouve chez tant de musulmans lambda. Mais un pays hanté par son déclin ou sa dislocation n’a pas beaucoup de « valeurs sûres » à offrir à sa jeunesse la plus remuantes mais aussi la plus vivante. D’où la secrète fascination que leur départ pour la Syrie suscite chez bon nombre d’observateurs, qui y trouvent l’ombre de leurs engagements refoulés.

Car la Belgique se caractérisant par sa méfiance à l’égard des débats d’idées ou des positionnements géopolitiques, la sentimentalité lui tient parfois lieu de réflexion. Peu de responsables politiques ont mentionné le fond du problème, c’est-à-dire la légitimité d’un engagement aux côtés des opposants de Bachar al-Assad, cruel dictateur s’il en est mais dont le système est la clé de voûte d’un équilibre beaucoup plus large. Notre ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders (MR), n’a-t-il pas appelé fougueusement à son renversement – au début du conflit ? Or nos « alliés » dans la région sont les pays du Golfe d’où provient l’idéologie suprématiste que l’on déplore aujourd’hui chez les membres de Sharia4Belgium ou chez les égarés du champ de bataille syrien. Un éclaircissement serait le bienvenu.

Marie-Cécile Royen

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