Michel Vandenbosch
Expérimentation animale : pourquoi il faut montrer la réalité
Récemment, les médias du monde entier ont mis les projecteurs sur un laboratoire à Hambourg, en Allemagne, dans lequel des animaux sont soumis à des tests de substances. Une enquête en caméra cachée a révélé l’enfer vécu par les animaux dans ce laboratoire de l’horreur : les images témoignent de cas de grave négligence et même de scènes sanglantes.
J’ai aussi été heurté de voir que les singes portaient un numéro d’identification tatoué sur la poitrine. Les réactions des entreprises et des scientifiques qui réalisent (ou font réaliser) des expériences sur les animaux semblent sortir tout droit d’un manuel, tant elles ressemblent à ce qu’on entend à chaque fois qu’éclate un scandale en matière d’expérimentation animale : « nous prenons le bien-être animal au sérieux », « nous respectons les règles », ou encore « sans nous, la recherche scientifique s’arrêterait ». Cette dernière affirmation est particulièrement discutable : il existe un courant de chercheurs scientifiques qui se détournent du modèle animal, justement parce qu’ils veulent améliorer leurs recherches. L’avenir de la science est exempt d’expérimentation animale. C’est dans son propre intérêt. Cela étant dit, que nous apprend l’enquête filmée ?
Malgré toutes les belles paroles des chercheurs qui ont recours aux animaux, des atrocités perdurent dans certains laboratoires. Malgré toutes les structures mises en place pour évaluer les tests sur animaux, des horreurs insoutenables continuent d’être filmées par des caméras cachées. Et malgré les affirmations selon lesquelles les laboratoires sont soumis à des contrôles de la part des autorités, des opérations sous couverture restent nécessaires pour que la réalité soit révélée. Ce sont les investigations des organisations de défense des animaux qui font éclater cette bulle. La même situation a été observée en Belgique en 2016, lorsque GAIA a réalisé une enquête similaire à la VUB (Vrije Universiteit Brussel). Les images ont donné lieu à un débat avec l’Université, qui par la suite s’est engagée à prendre les mesures qui s’imposaient. Ces mesures ne sont pas le résultat d’un engagement décidé par les scientifiques en faveur de leurs animaux. Ni d’une demande des autorités responsables des inspections, dont on peut s’interroger sur l’efficacité et le manque de transparence. De telles avancées dépendent visiblement de l’action des organisations de défense des animaux. D’autant plus qu’on peut s’interroger sur l’efficacité et le manque de transparence de ces inspections.
Revenons aux cruautés observées dans le laboratoire allemand. Les entreprises et les universitaires belges qui collaborent avec cet institut affirment qu’ils se préoccupent du bien-être des animaux de laboratoire et qu’ils suivent le dossier. Mais qu’en est-il concrètement ? De plus en plus souvent, les tests sur animaux sont sous-traités à des laboratoires spécialisés tels que celui de Hambourg. Les entreprises qui commandent la conduite d’expériences ne sont donc plus directement responsables de ce qu’elles font subir aux animaux. Ferait-on un procès d’intention en pensant qu’il s’agit d’une stratégie de leur part pour se mettre à l’abri ? Ces entreprises réalisent-elles des audits afin d’évaluer la qualité de la recherche et le respect du bien-être animal ? Ou est-ce qu’elles se satisfont de ce qui figure sur le site internet du laboratoire en question : « Si vous cherchez un partenaire d’excellence et expérimenté qui respecte les directives nationales et internationales, nous vous offrons la qualité maximale, forts de nos 50 ans d’expérience » ?
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Jan Steyaert, professeur de biochimie et co-fondateur d’Ablynx, une entreprise belge qui collabore avec le laboratoire incriminé en Allemagne, a sans doute raison sur un point : dans ce cas-ci, la réglementation européenne n’a pas été contournée (Het Nieuwsblad, 15/10/19), elle a été enfreinte. De toute évidence, les autorités ont échoué dans leur devoir de contrôle. On peut être pour ou contre la législation encadrant l’utilisation d’animaux de laboratoire – selon qu’on l’estime trop laxiste ou au contraire trop sévère -, mais elle existe, et son application ne demande que de la volonté politique.
Mais il y a des situations pires encore : certaines entreprises collaborent avec des laboratoires en dehors de l’Union européenne, où les règles minimales en matière de bien-être animal ne s’appliquent même pas. Que doivent y subir les animaux ? Des chercheurs belges (financés avec l’argent des contribuables belges) travaillent donc aussi avec des laboratoires qui ne sont soumis à aucune règle et, a fortiori, à aucun contrôle.
Aussi inconfortable soit-elle, la vérité est que les scientifiques et les entreprises qui font réaliser ou commandent des tests sur des animaux portent leur part de responsabilité lorsqu’il s’avère que ces animaux subissent des cruautés parfaitement inutiles. Tant qu’ils se cacheront derrière des règles qui ne sont pas respectées et qu’ils ne prendront pas les mesures nécessaires, ces chercheurs et ces entreprises ne prendront pas le bien-être animal au sérieux.
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