Europe : un sursaut de lucidité

Après le blocage de novembre dernier, un accord va-t-il émerger autour du cadre budgétaire 2014-2020 ? De rabotage en rabotage, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a proposé aux 27 Etats membres (unanimité requise !) de descendre le plafond des engagements à 960 milliards d’euros et celui des paiements à 908,4 milliards sur la période, un écart très important qui fait courir le risque d’un déficit structurel.

Des montants énormes ? Il faut savoir que 94 % de ces dépenses retournent dans les Etats membres. En outre, le budget de l’UE ne pèse que 1 % de son PIB. Pourtant, depuis des mois, c’est la foire d’empoigne entre, d’une part, les partisans de coupes drastiques, tels le Royaume-Uni (toujours tenté de prendre le large), les Pays-Bas, la Suède ou la Finlande, et, d’autre part, ceux qui optent pour un budget plus ambitieux, telle la France, la Belgique et l’Italie qui mettent l’accent sur davantage de croissance.

L’occasion aurait été belle de sortir par le haut et de développer de grands chantiers pour stimuler la compétitivité. En lieu et place, et sous réserve de l’approbation d’un Parlement européen soumis à forte pression, les 27 s’apprêtent à léguer un budget d’austérité à ceux qui prendront la relève en 2014, après les élections européennes.

La faute à la crise ? Elle a bon dos, la crise. Car si elle peut justifier des ajustements dans un budget, elle est aussi la conséquence de moins d’Europe. Au lieu de nous aiguillonner vers plus d’intégration et de solidarité, elle n’a fait que renforcer les logiques nationales. Comme dit Guy Verhofstadt, cela coûte moins cher de coopérer que d’avancer tout seul.

Le problème est plus profond. L’Europe ne fait plus rêver ses dirigeants. Dans les couloirs de la Commission, l’ultralibéralisme tient lieu de pensée unique. Dans les capitales, beaucoup sont tentés par un populisme à court terme, qui vire souvent au nationalisme voire à la xénophobie, et qui trouve dans la « bureaucratie » (très relative) européenne un bouc émissaire idéal. « On ne veut pas payer pour les autres » est un slogan à la mode, mais qui ne fait pas montre de beaucoup d’esprit communautaire.
Pourtant, les citoyens appellent à davantage d’intégration et se félicitent des avancées majeures qui ont pour nom euro, Erasmus, libre circulation, défense des consommateurs…. Mais sans intégration politique, on manquera l’essentiel. Or le temps presse.

L’Union est en déclin et perd du terrain face aux pays émergents comme la Chine, le Brésil ou l’Inde. L’image terrible de ces sidérurgistes hurlant leur désarroi à Strasbourg, sans que personne ne les entende dans l’hémicycle, est l’illustration de cet autisme européen qui risque de nous faire avancer à reculons dans le monde globalisé. Un sursaut de lucidité s’avère donc urgentissime.

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