Etienne de Callataÿ: la Wallonie ne se redresse pas, « c’est du pipeau »
Il aurait pu être ministre des Finances si la suédoise s’était ouverte à la société civile. Le chief economist de la banque Degroof ne se montre guère tendre à l’égard du gouvernement Michel. Pas plus qu’à l’encontre de l’opposition…
Le Vif/L’Express : Cet entretien aurait pu se dérouler au 12, rue de la Loi. Plusieurs journaux vous avaient annoncé comme probable ministre des Finances. Que s’est-il passé ?
Etienne de Callataÿ : Mon nom est apparu dans la presse sans que j’ai été consulté par quel que parti que ce soit. Des journalistes m’ont appelé pour voir ce que j’en pensais. J’ai répondu que, si on me le proposait, j’avais un a priori favorable. D’autant qu’être dans un gouvernement avec une minorité francophone ne me posait pas de problème de principe. C’est la logique fédérale. Même chose pour la participation de la N-VA. Ce n’est pas le Vlaams Belang. Comme l’a si bien écrit Primo Levi, l’un des principaux survivants de la Shoah, il ne suffit pas de se dire que cela aurait été pire avec un autre pour légitimer une action politique, mais bon, ici, l’exigence éthique était satisfaite.
Auriez-vous souscrit à l’accord de gouvernement tel qu’il est ?
Non. Mais pas à cause de la réforme des retraites ou du saut d’index sur lesquels se focalisent les partis de gauche et les syndicats. Ce qui me dérange a trait aux droits des plus faibles, aux personnes incarcérées, aux réfugiés, à la coopération au développement, ainsi que cette impression de complaisance vis-à-vis de la « petite » fraude fiscale. Certains passages donnent l’image d’une droite qui défend les intérêts corporatistes de certaines professions.
Le MR est-il piégé par la N-VA ?
Sur le plan communautaire, le risque vient moins du MR que du PS et du CDH qui, en critiquant sans nuance l’action du gouvernement fédéral, joueraient le jeu de ceux qui veulent régionaliser la sécurité sociale. Il est anachronique de refuser de calquer la politique socio-économique de la Belgique sur celle qui prévaut chez la plupart de nos voisins. Je pense à l’indexation des salaires ou à l’absence de limitation dans le temps des allocations de chômage. Nos pays sont plus interdépendants que jamais, surtout en Europe, donc l’intégration est une nécessité. Croire qu’on peut demeurer un ultime bastion en matière d’indexation est une grave erreur.
On sait que le plus grand perdant, en cas de scission, sera la Wallonie. Mais celle-ci ne se redresse-t-elle pas, comme le disent ses responsables ?
Non, c’est du pipeau. On observe sans doute un ralentissement dans la dégradation de la situation. On peut lancer tous les plans Marshall qu’on veut, mais tant que l’enseignement francophone affichera des résultats aussi médiocres aux tests Pisa, le sud du pays ne peut espérer rejoindre le nord, même à moyen terme. Il ne faut pas oublier que la Wallonie, avec un secteur public et parapublic plus développé, est moins sensible à la conjoncture que la Flandre. Elle aurait dû être moins affectée par la crise et rattraper le nord. Avec le retour de la croissance, l’écart risque de se creuser à nouveau.
Propos recueillis par Thierry Denoël
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