Et si je vous emmenais en vacances… dans un verre de vin ? Derrière les croupes
Et si je vous emmenais en vacances… dans un verre de vin. Par la grâce d’une bouteille, fermer les yeux, faire appel à ses sens et visiter un coin de France, d’ailleurs… En somme, voyager dans le temps et l’espace, juste le nez dans le verre, la langue pétrie de souvenirs.
Sur l’étal, on ne voyait qu’elle : une côte à l’os, superbe, persillée. Tranchée épaisse, comme il se doit, emballée amoureusement par des mains calleuses, dans son papier immaculé. Elle patiente, la belle, tandis que je fouille la cave, à la recherche de son partenaire particulier. Il lui faut un rouge, évidemment. Bourgogne ? La sensualité d’un santenay ? Le village de l’eau et du vin : » L’eau et le vin, je veux l’eau et le vin, la pierre et le raisin, je veux l’eau dans tes mains et le vin quand il convient. » Du duo, nous sommes passés au trio, ce disque qui tourne, Bashung sur la platine. Malheureusement, sur les étagères, plus de santenay. Mais pas loin, à quelques culs de bouteille, trône un corton-bressandes vénérable, avec ses 19 ans. D’ailleurs, pour préserver son étiquette, quelqu’un lui a offert un corset de plastique alimentaire. Un détail iconoclaste pour ce vin qui est l’essence de la sensualité.
De la Bourgogne, on connaît les croupes et les vallons, les clos qui renferment les secrets des moines, et les transmissions de patrimoine. On sait moins cette discrète Bressandes, où la terre ferrugineuse et caillouteuse donne des accents lancinants au pinot noir. Moins connue que d’autres crus du coin, moins roublarde que les Renardes, moins snob que les vignes du Roy, Bressandes a un charme fou. Qui a dit qu’il fallait forcément des rondeurs pour séduire ? Elle se déroule tout à l’horizontale, plate, les têtes de vignes se confondant, rangées les unes derrières les autres. Pas de fantaisie, militaire ou non, ici. Efficacité, élégance : une histoire simple. La viande a reposé, elle est à la bonne température : une noix de beurre, et la voici se dorant la pilule, avant de se faire saisir tendrement. Le vin dégage déjà dans le verre un parfum de cassis, puis de mûre sauvage. En le faisant ondoyer, ce sont les arômes de sous-bois qui apparaissent. Un peu d’humus, les fruits noirs et cette odeur indescriptible de la terre mouillée après une trop longue et chaude journée. Tout en dentelles, le pinot noir glisse contre la viande, saignante. La terre et le sang mêlés : ode à la vie, ode à la poésie.
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