Joyce Azar
« Et Allah dans tout ça ? »
« Les musulmans nous envahissent », prétendent de plus en plus de citoyens inquiets de voir leur culture et leurs valeurs se perdre. A l’affût de la moindre nouvelle qui conforterait leur thèse, ils pourraient s’emparer de la suivante : fin novembre, la radio-télévision publique flamande a annoncé qu’elle comptait désormais diffuser, deux dimanches par an, un office religieux de culte islamique.
Deux fois par an, c’est loin d’être considérable. Mais, de nos jours, le terme » islamique » à lui seul suffit à provoquer chez certains un réflexe pavlovien de méfiance et de rejet. » Le débat n’est pas là « , rétorque le ministre flamand des Médias, Sven Gatz (Open VLD), pour qui la VRT doit purement et simplement supprimer toutes les cérémonies religieuses de sa grille. Une volonté loin de faire l’unanimité.
Actuellement, et en toute logique dira-t-on, la VRT diffuse majoritairement des messes catholiques. Certains dimanches, elle accorde du temps d’antenne aux cérémonies orthodoxes, protestantes et, plus récemment, israélites. Personne, jusqu’ici, ne s’en était ému. C’était avant que le choix d’y ajouter un moment de prière musulmane ne soit officialisé. Les réactions n’ont pas tardé, aussi bien sur les réseaux sociaux qu’au sein du monde politique. Avec en tête celle, critique, du ministre flamand des Médias : » La décision de la VRT est interpellante. » Si Sven Gatz souligne que son appréhension n’est aucunement dirigée vers la communauté musulmane, on peut se demander pourquoi elle fait, dès lors, si brusquement surface. Quoi qu’il en soit, le débarquement du rite islamique sur les chaînes publiques Eén et Radio 1 a provoqué la remise en question d’une vieille tradition audiovisuelle : la diffusion de messages religieux par le service public.
Pour la N-VA, les offices religieux doivent absolument se dérouler en néerlandais. Une obligation qui permet de se demander ce qu’il adviendrait des chants en latin…
Le débat valait, semble-t-il, la peine d’être abordé au sein du parlement flamand. Sven Gatz y a été clair : » Les émissions religieuses ne font pas partie de la mission centrale de la radio-télévision publique. » Une opinion que ses partenaires de la majorité ne partagent pas. Pour la N-VA, toutes les idéologies ont le droit d’être représentées, mais les non-croyants doivent dès lors, eux aussi, bénéficier d’un moment médiatique. Autre condition, peu surprenante, des nationalistes flamands : les offices religieux doivent absolument se dérouler en néerlandais. Une obligation qui permet de se demander ce qu’il adviendrait des chants en latin… De son côté, le CD&V a fustigé le ministre en charge : » Nous n’allons tout de même pas vers une télévision d’Etat à laquelle on dicte ce qui peut ou pas être diffusé ? « , a lancé la députée Karin Brouwers. Une position qui va dans le sens de celle défendue par le président du conseil d’administration de la VRT, Luc Van den Brande ; pour lui, il est essentiel que l’indépendance de la programmation du service public soit respectée.
L’émission a donc bel et bien été enregistrée, dans une mosquée marocaine de Genk, et diffusée ce dimanche 10 décembre à l’occasion de l’anniversaire de la naissance du prophète Mahomet. La VRT remplit ainsi l’une de ses missions, inscrite noir sur blanc dans son contrat de gestion : permettre aux personnes incapables de se déplacer d’assister aux cérémonies, et contribuer au pluralisme et à la compréhension de l’autre en offrant au grand public une vision plus large des religions. Si la démarche ne plaît pas à tout le monde, une solution : zapper ou, mieux, éteindre sa télé.
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