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Valérie Glatigny réagit à la grève des enseignants: «Quand on met une maison en ordre, il faut bien faire le ménage» (interview)

Sylvain Anciaux

Au lendemain de la journée de grève de l’enseignement, la Ministre de l’Enseignement Valérie Glatigny (MR) revient sur la réforme du secteur qui suscite l’inquiétude et la colère des acteurs sociaux et professoraux. La libérale comprend les inquiétudes, mais confirme ses convictions.

Valérie Glatigny sort d’une réunion avec la fédération des Pouvoirs Organisateurs lorsqu’elle ouvre la porte de son bureau au Vif. Au lendemain du mouvement de grève qui a vu les acteurs sociaux et scolaires de tous les niveaux vent debout contre ses projets pour l’enseignement, la ministre passe son temps à expliquer les détails des réformes à venir, à introduire l’idée d’un enseignant adepte d’une carrière flexible, à justifier ses décisions par le contexte économique et, enfin, à déplorer les fausses informations qui circulent au sujet de son projet de décret. Elle tient aussi quelques promesses, ce qui est toujours risqué, en début de législature.

Mardi, les enseignants – de la maternelle aux universités – sont descendus dans la rue. Jamais une telle mobilisation de ce secteur n’avait été observée depuis le début des années 2000. Cela vous a-t-il étonnée? Allez-vous revoir votre copie?

Valérie Glatigny: Je comprends que ça ne fasse pas plaisir de devoir faire des économies, mais notre situation budgétaire l’exige. Avec 1,287 milliard de déficit, on essaye d’éviter de couper dans les missions essentielles des écoles, dans les salaires des enseignants, dans l’indexation… Aujourd’hui, on a 5.400 options dans le qualifiant, parmi lesquelles 2.700 concernent moins de dix élèves. Et pour la moitié de celles-ci, il existe une autre offre à moins de dix kilomètres. Si l’on veut préserver les missions essentielles de l’école, on doit éviter les doublons et redondances.

Mais on ne va abandonner ni les élèves, ni les profs. Quand on dit qu’on ne va plus financer que 97% des cours, et plus 100%, on parle bien de cours, pas de profs. Le chiffre des 500 équivalents temps plein menacés est sorti pour faire peur. On affronte une pénurie massive de profs, en particulier en technique et professionnel, donc il est hautement improbable qu’il y ait des pertes d’emplois, en tout cas pas aussi massives qu’annoncé.

Je comprends aussi que les élèves réagissent, mais cela ne me semble pas outrageux de réorienter ceux qui ont déjà un CESS vers l’enseignement pour adultes, une haute école ou une université, surtout que deux millions d’euros ont été prévus pour les accompagner. Nous ne recevons pas de dotation du fédéral pour financer les étudiants majeurs. Cela ne nous pose pas de problème de les financer s’il n’existe pas de formation ailleurs, comme pour l’optométrie, la sécurité ou les prothèses dentaires.

L’enseignement, c’est un socle commun de la société, où se partagent des valeurs communes. Quel est le message envoyé quand on coupe dans son budget ?

Dans l’enseignement pour adultes, il existe des formations générales. Cet enseignement est dévalorisé, et je ne l’accepte pas. On fait comme si j’envoyais les gens à l’IFAPME pour qu’ils ne soient jamais diplômés, mais c’est un faux procès que l’on me fait. Avec l’arrivée du tronc commun, il était prévu que des profs de formation en coiffure, en mécanique ou autre allaient devoir compléter leurs horaires.

Vous pointez des mesures prises dans le passé, des fake news sur les réseaux sociaux… Mais votre communication n’est-elle pas optimisable? Pourquoi ne pas avoir amené le projet de décret au comité du Pacte d’excellence? N’est-il pas là pour ça?

Je veux bien imaginer que si l’on fait une réunion avec les fédérations de PO et les syndicats autour de notre situation budgétaire, ils vont m’amener des pistes d’économies. Mais les intérêts sont tellement divergents. Les organisations syndicales seront attentives – et c’est légitime car c’est leur travail – aux questions de statuts. Les fédérations de PO n’ont pas toutes les mêmes intérêts. Je ne suis pas sûre qu’ils pourraient m’amener des pistes d’économies pour rendre la carrière plus dynamique et plus en phase avec les attentes de jeunes.

Vous les rencontrez toutes les six semaines. N’ont-ils rien dit de pertinent?

Ils n’ont rien amené ! Le Pacte d’excellence était un moment unique et fécond dans l’histoire, où l’on s’est mis d’accord pour établir des priorités sur notre enseignement. Pour réaliser des investissements et des effets retours. On a investi massivement, avec 4.000 équivalents temps plein. Quand on met une maison en ordre, on commence par acheter une nouvelle commode, mais à un moment donné il faut faire le ménage. Ce ne fait plaisir à personne, et certainement pas moi après quatre mois de mandat, mais nous sommes dans une situation qui impose de faire des économies.

En octobre, Moody’s a dégradé nos perspectives. Si la dette devient incontrôlable, on ne saura plus rien faire. Le budget de la Fédération, c’est 65% pour l’enseignement obligatoire, dont 85% de salaires. Si l’on ne peut plus rien faire, où ira-t-on toucher ?

Faire des économies sans permettre la relance, ça ne sert à rien. Quel est votre plan de relance ?

On prévoit 15,9 millions de politique nouvelle. On ne fait pas que des économies. La priorité, c’est la pénurie d’enseignants. 3,5 millions seront dédiés à la reconnaissance de l’expérience utile pour les professionnels qui vont rejoindre l’enseignement afin de revaloriser légèrement leur salaire et d’attirer des profils. 1,5 million d’euros permettront d’étendre les pôles d’enseignants «volants» qui peuvent remplacer les profs absents. On consacre 2 millions d’euros à l’identification des élèves majeurs décrocheurs. 4.4 millions d’euros iront au rattrapage de l’équilibrage entre les réseaux, où il y avait un déséquilibre historique. Tout cet argent ira au subventionné. C’est un véritable refinancement de l’enseignement. 3,7 millions seront attribués au projet Cepage, une plateforme numérique pour mieux gérer la carrière des enseignants et leur paye. Et puis, certaines choses ne coûtent rien, comme un baromètre du respect qui permet de faire un audit sur le moral des enseignants.

Si on supprime la nomination, ce n’est pas pour faire des économies. Actuellement, on organise la pénurie d’enseignants.

Valérie Glatigny

Parlons de la fin des nominations. Quel sera le timing?

Ce qui est sur la table pour 2025 concerne les agents de la fonction publique de la Fédération Wallonie-Bruxelles (NDLR: compétence de Jacqueline Galant, NDLR). Pour les enseignants, ce qui est annoncé dans la déclaration de politique commune, c’est de donner un «CDI E» pour les étudiants qui sortiront formés en quatre ans pour la première fois, soit en 2027. On leur avait promis une revalorisation barémique, ils auront immédiatement un CDI pour qu’on les garde dans le métier au lieu de faire des intérims à répétition. Ils ont une perspective à durée indéterminée et une revalorisation barémique.

Quelles économies cela va-t-il permettre ?

Aucune ! Mon objectif n’est pas de faire des économies à tout prix. Une pénurie massive d’enseignants s’impose à nous. Si on supprime la nomination, ce n’est pas pour faire des économies, c’est pour répondre à la pénurie. La mission essentielle de l’école dont je parle, c’est d’avoir un prof devant la classe. C’est vrai, il y aura des coûts sur 40 ans pour la mise en place de ce «CDI E». C’est la preuve qu’on ne fait pas de coupes sombres par idéologie.

Le modèle de nomination fait-il rêver les jeunes ? Je n’en suis pas sûre. Le but, c’est d’attirer avec une carrière dynamique, une possibilité d’évoluer et d’effectuer d’autres tâches dans les écoles, avec la possibilité de passer d’un réseau à l’autre. Actuellement, on organise la pénurie d’enseignants. Tous les jeunes profs le diront, quand on commence, c’est très dur de s’organiser. Puis, en vieillissant, ça devient plus difficile d’être face à une classe. On pourrait dès lors imaginer un système de tutorat. On va aussi faciliter le fait de quitter l’enseignement et puis d’y revenir. Je comprends que cela fasse peur. Mais on imagine un nouveau métier afin qu’il corresponde davantage aux attentes de jeunes.

Jusqu’ici, la nomination était quand même vue comme l’un des derniers éléments qui facilitait le statut des profs.

C’est pourquoi on travaille sur le deuxième pilier de pensions via un système de capitalisation, qui sera d’ailleurs profitable à la Fédération via les intérêts générés. Bien sûr, il ne faut pas faire perdre des droits, bien que certains méritent d’être questionnés. Ce qui nous anime n’est pas la volonté de faire des économies à tout prix.

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