« Un signe révélateur » : pourquoi la pénurie d’enseignants est critique début janvier (et comment y remédier)

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

La rentrée scolaire de janvier est plombée par une pénurie criante d’enseignants. Les instituteurs primaires et les professeurs de néerlandais manquent principalement à l’appel. Le phénomène semble encore plus précoce que par le passé.

Urgent : recherche instituteur primaire à Wavre ». Pour les directeurs d’école, les veilles de rentrée scolaire sont devenues de véritables cauchemars. Et celle de janvier ne déroge pas à la règle. Depuis le début du mois, les appels à candidature pour des postes d’enseignants se multiplient sur les réseaux sociaux et autres plateformes spécialisées.

Une tendance qui semble malheureusement à la hausse. « Sur les deux semaines de vacances de Noël, nous avons reçu 35% d’offres d’emploi en plus que l’année dernière à la même période« , confirme Sébastien Goffe, fondateur de Jobécole, une plateforme qui met en relation des directeurs du réseau libre avec des candidats-enseignants. « Plus d’une centaine d’annonces ont été publiées, alors que les écoles étaient toujours fermées et que le personnel était censé être encore en congé. C’est un signe révélateur : la situation devient de plus en plus tendue et les directions d’école sont obligées de s’y prendre le plus tôt possible pour éviter de se retrouver le bec dans l’eau. » Une anticipation qui n’a pas empêché d’encore voir fleurir plus de cinquante offres pour des postes à pourvoir ce lundi.  

Maladies et réorientations

Si les périodes post-congé sont généralement critiques pour réussir à remplir les salles des profs, la rentrée de janvier l’est d’autant plus. D’abord, car la saison hivernale favorise les absences pour maladie. « Or, trouver un instituteur primaire pour un remplacement de 5 jours relève du ressort de la chance aujourd’hui, observe Sébastien Goffe. Dans le maternel ou le secondaire, aussi, cela devient de plus en plus compliqué. »

Surtout, plus l’année scolaire avance, plus il devient difficile de dégoter du personnel qualifié. « Les professeurs qui n’ont pas trouvé de poste en septembre se sont généralement redirigés pour ne pas rester au chômage, expose Joseph Thonon, président de la CGSP Enseignement. Ils ne vont pas quitter leur emploi de vendeur, par exemple, pour un petit intérim de trois jours. »

La réserve de « remplaçants » est aujourd’hui quasiment vide. Et elle s’amenuise de plus en plus rapidement au cours de l’année. Un phénomène qui s’explique par le « caractère exponentiel de la pénurie », insiste Roland Lahaye, secrétaire général de la CSC Enseignement. « Par le passé, les pénuries étaient plus faibles et se manifestaient ‘seulement’ aux alentours de février ou mars. Aujourd’hui, elles se sont déplacées au mois de décembre ou janvier, voire même dès le début d’année. »

Pénurie d’enseignants: ça coince partout

Si la pénurie est aujourd’hui quasi-généralisée, elle touche certaines fonctions plus que d’autres. Les instituteurs primaires manquent principalement à l’appel. Dans le secondaire, ce sont les professeurs de langues (surtout de néerlandais), de mathématiques et de sciences qui sont les grands absents. L’enseignement qualifiant manque également cruellement de bras. « Bref, les professeurs d’éducation physique sont les seuls à être épargnés », résume Roland Lahaye. Les écoles situées en région rurale sont également plus en difficulté que celles en centre-ville, précise Joseph Thonon, qui regrette toutefois qu’aucune statistique ne puisse circonscrire précisément l’étendue de ces pénuries en Fédération-Wallonie Bruxelles.

« Trouver un instituteur primaire pour un remplacement de 5 jours relève du ressort de la chance aujourd’hui »

Pour pallier ce manque d’effectifs, plusieurs pistes de solution sont sur la table. Le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique (Segec) propose par exemple de faire appel à des « enseignants-experts », sur la base du modèle d’application en promotion sociale. Ces recrues ne disposeraient pas de titre pédagogique, mais seraient prêtes à mettre leur savoir à disposition des élèves. « Elles seraient engagées pour des missions bien définies et dans un laps de temps limité, précise Arnaud Michel, porte-parole du Segec. Et leurs aptitudes seraient évidemment évaluées. » Un plombier indépendant pourrait par exemple venir donner six heures de cours par semaine dans le qualifiant.

« Des emplâtres sur une jambe de bois »

De leur côté, les syndicats plaident pour une revalorisation de la fonction d’enseignant, via un meilleur salaire et une limitation des tâches administratives. « Les professeurs sont devenus des gratte-papiers, déplore Roland Lahaye. Il est urgent de remettre leur vocation, à savoir la transmission du savoir, au cœur de leur métier. » « Il n’y a rien à faire : si on ne leur offre pas des conditions de travail décentes, la filière s’appauvrira de plus en plus, embraie Joseph Thonon. Tous les autres moyens proposés, comme ouvrir l’accès à la profession, ne seraient que des emplâtres sur une jambe de bois. »

Enfin, la CSC appelle à davantage d’aménagements tout au long de la carrière, comme une réduction du temps de travail, pour éviter l’épuisement et conserver les talents le plus longtemps possible. « La profession ne souffre pas seulement d’un manque d’attractivité. Elle connaît également beaucoup trop de départs, parfois dès les premières années de fonction », regrette Roland Lahaye.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire