Réforme du calendrier scolaire dans le supérieur : “C’est révolutionnaire mais nous ne sommes pas encore prêts”
La réforme voulue par Valérie Glatigny (MR) est en discussion. Si la ministre de l’Enseignement supérieur veut l’imposer rapidement, les conditions de sa réussite sont encore loin d’être réunies selon les acteurs du milieu académique.
Elle n’a pas encore été votée qu’elle fait déjà beaucoup jaser dans le milieu académique francophone. La ministre de l’Enseignement supérieur Valérie Glatigny (MR) veut calquer le calendrier des universités et hautes écoles sur celui de l’enseignement obligatoire (primaire et secondaire).
Après une nouvelle discussion au sein de l’ARES (Académie de Recherche et de l’Enseignement Supérieur) ce mardi, Valérie Glatigny a enfoncé le clou ce mercredi 15 janvier, au micro de La Première.
« Cette réforme va avoir lieu parce qu’on se rend compte que l’année actuelle est élastique et qu’il n’y a pas de réel moment de rupture. Nous pensons que les étudiants vont réussir davantage si on rythme mieux l’année académique. Nous souhaitons mieux baliser la progression vers la réussite avec un
rythme comme suit: les apprentissages, les évaluations, le repos. Chaque période sera bien identifiée. »
Voici à quoi ressemblerait le nouveau calendrier, dans lequel une année académique se divise désormais en trois périodes.
De la fin aout à la fin décembre
12 semaines devront être consacrées à l’apprentissage au minimum, tandis que les sept autres seraient consacrées à l’étude, l’évaluation, et la remédiation.
Une liberté d’organisation serait laissée aux établissements, qui auraient également la possibilité de suspendre certaines activités d’apprentissage lors du congé d’automne (Toussaint).
La période d’avant les congés hivernaux serait consacrée aux évaluations, précédées éventuellement d’une semaine de blocus.
Quoi qu’il en soit, les étudiants du supérieur auraient droit comme les plus jeunes à 2 semaines de congé pour Noël. De vrais congés, cette fois, puisque leur évaluation aurait eu lieu avant.
De début janvier à la fin mai
Pour cette seconde période, le principe reste le même : 12 semaines d’apprentissage suivies par un bloc consacré à l’étude, l’évaluation, et la remédiation.
Les cours pourraient cette fois-ci être suspendus par les universités lors des congés de détente (Carnaval), déjà moment de pause dans l’enseignement obligatoire.
Quant au blocus d’été, il pourrait cette fois-ci coïncider avec le congé de printemps (ex-Pâques), qui a lieu vers fin avril/début mai.
De la fin mai à la fin aout
Ici sont concernés les étudiants en situation d’échec après la session d’examens estivale. Soit le plus gros changement découlant d’une éventuelle adaptation du calendrier.
Plus de deuxième session à cheval sur les mois d’août et de septembre, mais bien avant même le début du mois de juillet.
Du 20 mai à la mi-juillet seraient organisées remédiations, deuxième session et délibérations pour les étudiants du supérieur. Autrement dit, tous les étudiants sauraient s’ils ont réussi ou non à la mi-juillet.
S’ensuit donc la deuxième partie de ce troisième et dernier bloc, réservée aux stages et aux mémoires, ainsi qu’aux jobs étudiants. Un mois et demi, jusqu’à fin aout et la prochaine rentrée, qui pourrait aussi être mis à profit par les enseignants pour la partie ‘recherche’ de leur métier.
Réactions mitigées dans les universités francophones
“Pour nos étudiants, avoir de vrais congés pendant lesquels ils peuvent souffler est important, et ce sera le cas dans le futur calendrier”, pointe Valérie Piette, vice-rectrice à l’enseignement de l’ULB. “Autre point positif, cette réforme veut éviter les sessions à rallonge en segmentant mieux l’année”.
“Pour autant, plusieurs points restent en suspens, comme la question des mémoires. On nous dit qu’une période y est spécialement réservée mais elle est insuffisante. Si un étudiant doit revoir son mémoire en un mois, c’est galère. De même, les enseignants ont parfois 30 mémoires à relire, ça prend du temps !”
“Ce qui me tracasse aussi, c’est le manque de réflexion actuel autour des méthodes d’enseignement et pratiques d’évaluation. Si on réduit les périodes de blocus, il faut absolument changer la façon d’évaluer sinon on va droit dans le mur”.
L’UMONS est quant à elle favorable à ce nouveau rythme, tout en signalant qu’une réflexion est nécessaire “afin de proposer un modèle solide aux bénéfices de tous, étudiants, enseignants mais aussi tout le personnel d’encadrement et d’accompagnement.”
Du côté de l’UNamur, on y voit une possibilité “de stimuler la diversité des pratiques pédagogiques, en favorisant l’émergence de pédagogies innovantes déjà initiées dans l’université et qui se voient parfois bridées par les rythmes académiques actuellement en vigueur.”
L’université recommande cependant que “la mise en œuvre de ce nouveau calendrier ne soit pas précipitée afin de permettre entre les modalités actuelles et futures, une transition harmonieuse et porteuse de valeur ajoutée pour les étudiantes et étudiants. »
Pour la FEF, c’est ‘oui’ sur le fond, mais ‘non’ sur la forme
“Nous n’avons pas compris pourquoi la ministre Glatigny avait fait cette déclaration, pour être honnête”, avoue Emila Hoxhaj, présidente de la Fédération des Etudiants Francophones (FEF).
“Nous n’en sommes qu’au stade des discussions, le vote sur ce projet sera pour la fin mars. Pire, j’entends parler de consensus autour de cette réforme du calendrier, mais il y a 230.000 étudiants en Fédération Wallonie-Bruxelles ! La plupart d’entre eux sont opposés à la réforme comme elle est proposée actuellement”.
Pour la présidente du mouvement étudiant francophone, la réforme ne prend pas assez en compte les réalités de terrain du supérieur. “Un étudiant en polytechnique doit suivre 14 semaines de cours avant d’être évalué. C’est plus que les 12 semaines de cours proposées. Comment va-t-on faire, ces étudiants auront donc 2 semaines en moins que les autres pour étudier ?”
Enfin, la FEF voit dans cette réforme une future inégalité entre universités. “Certains établissements voudront quand même organiser des sessions d’examens, quand d’autres n’en auront pas les moyens. On risque de se retrouver dans une situation où les étudiants choisiront leur université en fonction de l’organisation ou non de périodes de blocus”.
Selon nos confrères de la RTBF, cette nouvelle mouture du calendrier entrerait en vigueur, au mieux, pour la rentrée 2025-2026.
Quant à Valérie Glatigny, elle aimerait l’instaurer plus tôt.“Je ne vais pas m’enfermer dans un timing mais il y a un consensus général pour avancer le plus rapidement possible. C’est également mon intention avec ce point d’attention pour la transition. L’objectif est de lancer ce nouveau calendrier avant la fin de la législature. »
D’ici le 30 mars et le vote prévu autour de ce projet de réforme du calendrier scolaire du supérieur, les choses pourraient encore évoluer. Peu importe la forme qu’elle prendra, cette réforme risque en tout cas de continuer à faire jaser dans les semaines et les mois voire les années à venir.
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