Pensions: les enseignants travailleront plus longtemps pour moins sous l’Arizona
Les enseignants font partie des grands perdants des projets de réforme des pensions du gouvernement Arizona. Décryptage.
C’était inscrit dans les intentions des négociateurs de la coalition entre l’Alliance flamande (N-VA), les centristes francophones et flamands, les libéraux francophones et les socialistes flamands de Vooruit, c’est désormais un programme. Un plan élaboré par l’Arizona qui n’épargne guère les enseignants, y compris ceux du supérieur. En résumé, et en une phrase: ils devront travailler plus longtemps – deux années – pour une pension inférieure. Explications.
Dès 2025, une année de carrière sera dorénavant prise en compte après 156 jours de travail effectif, contre 104 jours jusqu’ici. Cela concerne tous les agents des services publics mais les profs sont particulièrement touchés. En effet, un diplômé d’une formation pédagogique ne peut entrer en fonction qu’à la rentrée scolaire, soit en septembre. Impossible donc pour lui de prester 156 jours durant cette première année qui, par conséquent, compte pour du beurre pour le calcul de la durée de la carrière. Mécaniquement donc, cette mesure allonge leur carrière d’une année.
Il y a aussi, à partir de 2032, la modification progressive du mode de calcul des années de travail nécessaires pour obtenir une pension complète. Dans le jargon, il s’agit de modifier le régime dit des «tantièmes préférentiels», où une année travaillée vaut plus qu’un an dans le calcul de la carrière, en raison de la pénibilité reconnue du travail. Résumons: aujourd’hui, chaque année travaillée est multipliée par 1,05 et quand un enseignant travaille 40 ans, il est réputé avoir travaillé 42 ans, soit une pension complète. Ce « coefficient bonus » sera réduit, à partir de 2027, de 0,005, jusqu’en 2032. Concrètement, avec le nouveau mode de calcul, lorsqu’il travaille 40 ans, il est réputé avoir travaillé 41 ans. Ce qui prolonge encore sa carrière d’une année.
Au total, une addition de deux ans en rab. Ainsi, si un enseignant finit sa formation à 23 ans (ce qui est tôt), il devra travailler jusqu’à 65 ans. Un exemple qui vaut pour celui qui n’a connu aucune interruption de carrière.
Une perte de 400 à 500 euros nets
Tout aussi préjudiciable, la méthode de calcul du montant de la pension à laquelle songe l’Arizona. Actuellement, le montant est calculé sur la moyenne des traitements des dix dernières années, c’est-à-dire les barèmes les plus élevés. C’est avantageux évidemment: en fin de carrière, on gagne généralement plus que lorsque l’on entre sur le marché du travail. C’est l’une des raisons pour lesquelles les pensions des fonctionnaires sont généralement plus élevées que celles des salariés.
Progressivement, à partir de 2027, ce montant sera estimé sur l’ensemble de la carrière, comme c’est le cas pour les employés. Dans l’opposition, on a fait les comptes et on estime que cette modification entraînera une perte de 400 à 500 euros nets sur la pension mensuelle.
L’Arizona veut aussi toucher à la prépension des enseignants
La disponibilité précédant la pension de retraite (DPPR), qui permet aux enseignants de dételer plus tôt, est également concernée. Actuellement, pour les enseignants nés après 1957, les DPPR ne sont plus possibles avant 58 ans et avec au moins 20 ans de carrière. En 2022, par exemple, 23% des profs étaient en DPPR et la moitié d’entre eux avaient entre 61 et 62 ans. Ces années en prépension sont prises en compte telles quelles dans le calcul des années de travail nécessaires pour une pension complète. A partir de 2027, cette période ne compte plus si elle représente 50% de la carrière. Cette limite diminue chaque année de 5% pour atteindre 20% en 2033.
La déclaration de politique communautaire (DPC) prévoit, elle, des aménagements de fins de carrière, en allégeant progressivement l’horaire des profs à partir de 55 ans sans perte de salaire.
Enfin, comme décidé par le précédent gouvernement, il ne sera plus possible d’épargner des jours de maladie, en vue de partir plus tôt en pension. Actuellement, tout agent statutaire des administrations, des corps spéciaux (policiers, pompiers) et des entreprises publiques a droit à 21 jours (calendrier) de congé de maladie par an, moyennant un certificat – 30 jours au sein de la police. Après ce délai, son traitement est raboté à 60%. Ces jours sont également «capitalisables». Au bout de dix ans d’ancienneté, par exemple, celui qui a une santé de fer aura accumulé 210 jours.
A partir du 1er janvier 2026, fini ce régime, pour passer à une assurance incapacité/invalidité, à l’instar de ce qui se fait dans le secteur privé. En clair, ils recevront leur salaire complet pendant un mois lorsqu’ils sont malades, puis 60% du salaire journalier brut par la suite.
Les enseignants, eux, ont droit à 15 jours (ouvrables) de maladie annuels. Ils peuvent les cumuler d’année en année, en partie ou en totalité, pour constituer un «capital», plafonné toutefois à 182 jours, soit une année scolaire. Un régime qui pousserait des profs à partir sous couverture médicale, six mois, voire un an, avant la pension. Luc Toussaint, président de la CGSP-Enseignement, précise que «ce plafond est spécifique aux enseignants francophones». «Il n’existe ni chez nos collègues flamands ni dans d’autres fonctions publiques.» Il s’agit, en effet, d’une compétence de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB).
Supprimé au fédéral et maintenu en FWB le «pot-maladie» alors? Abolir ce système de capitalisation de congés de maladie n’est pas inscrit dans la déclaration de politique communautaire (DPC). Pour l’heure, «la question est en réflexion, explique Roland Lahaye, secrétaire général de la CSC-Enseignement. Mais elle sera bien sur la table au moment d’aborder les discussions sur la pénurie des enseignants.» Dans une interview sur La Première, la ministre de l’Enseignement Valérie Glatigny estimait que, sur ce sujet, «il existe, au sein de la population, une certaine incompréhension», ajoutant que «le plus important est de valoriser le métier, y compris aux yeux du public et de rappeler le rôle central que joue l’enseignant dans notre société».
Les enseignants devront travailler trois années de plus pour une pension inférieure.
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