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Le «CEB» en 1983 était-il plus difficile que celui d’aujourd’hui? Faites le test

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Trop facile, insuffisant, inutile… Le certificat d’études de base aurait tous les défauts. Parce que, voyez-vous, avant il était plus difficile, plus exigeant, plus costaud… Ça, c’est pour les on-dit.

Il y a le clan des «de toute façon»: «De toute façon, le CEB, ça fait des années qu’on le donne.» Le clan des anciens qui estime que le niveau de difficulté de l’examen recule: «De mon temps, c’était du costaud. Au cantonal, la barre était fixée à 60%. Je suis sûr que la dictée, par exemple, provoquerait un échec massif», «Pour rater le CEB, il faut vraiment faire des efforts». Qui se prend le retour de bâton de la jeune garde: «Cela fait quinze ans que je suis enseignante et ça fait quinze ans qu’on me dit que le niveau baisse

Créé en 2007 et obligatoire depuis 2009, le CEB est désormais commun à tous les élèves de sixième primaire. Avant 2007, les réseaux mettaient sur pied leurs propres évaluations externes. Dans les écoles officielles et communales, un examen cantonal était organisé par l’inspecteur cantonal. Dans les écoles libres catholiques, un examen interdiocésain était élaboré par le diocèse. Pour Le Vif, le Secrétariat général de l’enseignement catholique (Segec) a réalisé des «fouilles archéologiques» et nous a fourni un exemplaire de l’examen interdiocésain de 1983 (retrouvez les questions à la fin de l’article). Ceux qui l’ont passé à l’époque sont nés au début des années 1970. Ils ont aujourd’hui autour de 50 ans. Le but: comparer et se demander s’il est vrai que le CEB se révèle plus facile et qu’avant, c’était plus compliqué.

Cela fait quinze ans que je suis enseignante et ça fait quinze ans qu’on me dit que le niveau baisse.

D’abord, cette mise en garde: les examens cantonaux et interdiocésains avaient une allure plus locale, en conformité avec le niveau socioéconomique des élèves, et d’une région à l’autre, l’épreuve n’était pas équivalente. Le taux de réussite moyen était quasi similaire à celui d’aujourd’hui. Interrogé, un inspecteur retraité rappelle que, de 1999 à 2007, il s’élevait à environ 93,3%. Il se situe, à présent, autour de 90%.

Calculatrice autorisée

Les documents sous les yeux, d’emblée, ces premières observations. La classique dictée, de rigueur en 1983, a disparu. La calculatrice n’était jamais autorisée, quand elle l’est, depuis 2013, pour les épreuves de «grandeurs» (qu’on désignait «mesures»), «solides et figures» («géométrie») et «traitement de données» («logique» et «problèmes»). En 1983, seuls un crayon, une règle graduée, un compas et un rapporteur étaient tolérés. Une autre différence apparaît dans les mathématiques. Le questionnaire contient dix exercices de calcul mental, à exécuter en quinze minutes. Du calcul rapide dont l’objectif est de compter vite et, surtout, juste. Dans sa forme actuelle, ce sont deux opérations à réaliser en deux minutes. Il est demandé d’«estimer la réponse la plus proche». Contrairement à l’exemple de 1983, où l’on demande le nom de capitales, de replacer «archipel» ou «estuaire» sur une carte, de situer sur une ligne du temps des événements historiques ou de relier l’inventeur à son invention, le CEB propose des indications, des indices, des informations.

echercher la bonne information dans le bon document

L’interdiocésain s’étend sur une vingtaine de pages. Dans son édition 2022, les questionnaires du CEB s’étalent, eux, sur quelque 160 pages et 36 pages de portfolio de documents. Là réside le principal changement: la présence de ces livrets. Auparavant, l’écolier disposait de simples documents, une carte, un texte par exemple. Ceux-ci appuyaient avant tout le savoir lire, là où le CEB fournit des textes et des articles pour répondre aux questions de science, d’histoire, de géographie et d’éveil. Dès lors, l’élève doit rechercher la bonne information dans le bon document, et se plier à un va-et-vient constant. C’est une démarche supplémentaire, plus autonome, plus responsabilisante. Le but est d’abord d’évaluer les compétences, de valider six années de scolarité. Il ne s’agit pas d’un catalogue de connaissances, d’un classement, d’une épreuve éliminatoire. Par compétence, selon les consignes du ministère, on entend «la capacité à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de savoir-faire et d’aptitudes pour réaliser un certain nombre de tâches». En d’autres termes: éviter l’empilement de savoirs purs dont on ne fait rien, mais mobiliser, mettre en relation, des compétences acquises.

Les questions piégeuses

Ça se confirme dans l’examen interdiocésain de 1983. Dans ce modèle, on interroge l’orthographe d’usage et la «grammaire appliquée» – par exemple, mettre au pluriel, mettre au féminin, remplacer un groupe par un pronom, accorder les participes passés, identifier les types de phrases, etc. – et l’analyse de phrase – soit la nature et la fonction des mots. Des questions piégeuses. On se situe, ici, dans l’application pure, sans contexte. Dans la forme actuelle, ces matières sont reliées «pour se mettre au service de l’écriture». En effet, l’évaluation de l’orthographe et de la syntaxe est très encadrée et ciblée. Ainsi, elle n’est pas sanctionnée dans les parties «Ecrire» et «Savoir lire» ni dans les épreuves de mathématiques, d’éveil et de sciences. Dans le volet «Utiliser les unités grammaticales et lexicales», les correcteurs ne doivent pas pénaliser les noms propres ou les chiffres mal orthographiés.

Les épreuves de mathématiques, elles, s’inscrivent davantage dans la continuité. Elles conservent de nombreuses similitudes avec les interdiocésains et les cantonaux. Questions sur les formes et les volumes, les grandeurs, les pourcentages, les fractions, sur les aires… Mais plutôt que d’aligner d’abrupts exercices, le CEB mise sur une «situation problème» qui, par ailleurs, fait également appel à d’autres compétences, comme la lecture. Un exemple: quand, dans l’interdiocésain, on demande de calculer un périmètre et une aire, dans le CEB, on demande de tracer un polygone non carré qui aura le même périmètre que le carré en gras (présenté et dessiné dans un quadrillage). Le niveau de réflexion et d’abstraction n’est pas le même, évidemment. Dans le premier cas, il s’agit d’appliquer une formule. Dans le second, il faut réfléchir en plusieurs étapes (calculer le périmètre, imaginer un polygone non carré dont le périmètre sera identique au carré, le tracer selon les consignes).

Présentés à l’ex-inspecteur, les examens se révèlent, selon lui, similaires dans leur niveau d’exigence. Tout en précisant qu’il conviendrait mieux de parler de niveaux. Le niveau de culture scientifique monte, celui de la maîtrise de l’orthographe et de la syntaxe diminue. Ce qui, somme toute, correspond aux évolutions sociétales.

Envie de vous tester au «CEB» de 1983?

Nous avons sélectionné les questions les plus «corsées» de l’examen interdiocésain de math, de français et de « formation générale » de 1983. A vous de jouer:

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