Au cours de l’année scolaire 2023-2024, le taux d’absentéisme des enseignants pour cause de maladie a atteint les 8,9%. Un niveau jamais égalé. © Getty Images/500px Prime

L’absentéisme pour maladie atteint des records chez les enseignants: tout comprendre en 7 points

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Jamais les enseignants n’avaient déserté autant les classes pour cause de maladie. Avec un taux d’absentéisme moyen de 8,9% (et un pic au-delà des 10% au cours de l’hiver), l’année scolaire 2023-2024 a même dépassé les niveaux pandémiques. Décryptage en sept points-clés.

La rentrée scolaire, ces nouveaux élèves à intégrer, ces nouvelles matières à dispenser et… déjà, ces absences à combler. Dès le début de l’année, certains enseignants sont (ou tombent) malades et ne sont pas en mesure d’assurer leur charge de cours. En septembre 2023, le taux d’absentéisme pour maladie atteignait ainsi les 6,8% en Fédération Wallonie-Bruxelles, selon les données de l’Administration générale de l’Enseignement (AGE). Un chiffre qui croît inlassablement au fil des années: en septembre 2018, il s’élevait seulement à 4,6%, avant de dépasser la barre des 5% en 2020.

Ces chiffres bruts cachent d’importantes disparités selon les tranches d’âge, les provinces, ou le niveau d’enseignement concerné. Voici sept enseignements à tirer.

1. Une augmentation de 36% en 4 ans

Le taux d’absentéisme des enseignants pour cause de maladie a connu une hausse significative au cours du lustre écoulé. Entre l’année scolaire 2018-2019 et l’année 2023-2024, ce taux global (moyenne de septembre à juin) est passé de 7,2% à 8,9%. Entre 2019-2020 (6,5%) et 2023-2024, il a même progressé de 36,9 points de pourcentage.

2. Le fondamental le plus touché

C’est en maternel et en primaire que les professeurs sont le plus souvent malades. Le taux d’absentéisme global dans le fondamental ordinaire atteignait ainsi les 9,6% au cours de l’année 2023-2024, contre 8,8% dans le secondaire ou 6,4% dans les Hautes écoles. Un constat peu surprenant aux yeux de Roland Lahaye, secrétaire général de la CSC Enseignement. «La charge de travail est plus importante dans le fondamental, explique le syndicaliste. Le professeur y accumule toutes les responsabilités: il est le seul maître à bord pour gérer sa classe, ce qui peut participer à la maladie ou à l’épuisement. Les horaires y sont également plus conséquents qu’ailleurs.» A noter que l’absentéisme est également très marqué dans l’enseignement spécialisé (9,4%), en raison des difficultés inhérentes à la profession.

3. L’hiver, période la plus critique

Le taux d’absentéisme pour maladie évolue à mesure que l’année scolaire progresse. Alors que le mois de septembre connaît le taux le plus faible, l’hiver est plus compliqué à gérer. Le mois de décembre 2023 a ainsi battu tous les records, avec plus d’un professeur sur dix (10,2%) en congé maladie. L’absentéisme a même atteint les 11,1% à cette même période dans le fondamental. Au retour des beaux jours, ce taux diminue généralement, sans pour autant atteindre les seuils de la rentrée: en juin 2024, il dépassait encore les 8,4% en moyenne.

Ces données concordent avec celles de JobEcole, une plateforme d’offres d’emploi (courte ou longue durée) pour les enseignants du réseau libre. «Ces chiffres sont très révélateurs, confirme le fondateur Sébastien Goffe. On observe effectivement toujours un pic dans le nombre d’annonces postées après le congé d’automne et durant l’hiver, notamment en raison des maladies saisonnières qui circulent. Plus de 11% d’absents rien que pour cause de maladie, c’est déjà énorme! Mais ajoutez à cela les postes qui n’ont toujours pas trouvé preneur depuis le début de l’année en raison des pénuries, et on arrive à des taux très impressionnants.»

4. Les 50-65 ans sur les rotules

Les professeurs les plus âgés sont ceux les plus absents pour cause de maladie. Sur l’année scolaire 2022-2023, le taux d’absentéisme s’élevait à 13,3% dans la catégorie des 50-65 ans, contre à peine 3,79% pour les 20-29 ans, 6,95% pour les 30-39 ans et 8,52% pour les 40-49 ans. «Cela fait des années qu’on dit que les enseignants sont sur les rotules en fin de carrière, tonne Roland Lahaye. Ces chiffres le prouvent à nouveau et ils ne cessent malheureusement d’augmenter. Sans véritable aménagement et amélioration des conditions de travail, on fonce droit dans le mur.»

5. Les femmes davantage concernées

Si les femmes sont largement surreprésentées au sein du personnel enseignant (73% contre 27% d’hommes), elles sont également proportionnellement les plus touchées par la maladie. En juin 2024, elles étaient 9,1% à être souffrantes, contre 6,3% d’hommes.

6. Le Hainaut, lanterne rouge

Des disparités provinciales s’observent également dans le taux d’absentéisme. Ainsi, il était légèrement plus élevé dans les écoles wallonnes (8,9%) que bruxelloises (8,6%) au cours de l’année scolaire 2023-2024. Sur la même période, le Hainaut (9,8%) et le Brabant wallon (9,1%) connaissaient en moyenne le plus grand nombre de professeurs malades, contrairement au Luxembourg (7,2%).

7. Un taux légèrement plus élevé qu’ailleurs

Par rapport à d’autres secteurs professionnels, les enseignants sont légèrement plus absents pour cause de maladie que la moyenne, notamment en raison de leurs conditions de travail, avance Sébastien Goffe. «Mettez un professeur dans une petite classe surchauffée de 25 élèves en plein hiver, il tombera évidemment plus facilement malade qu’un employé qui fait du télétravail.» A titre de comparaison, le taux d’absentéisme des fonctionnaires fédéraux s’élevait à 6,63% en 2022. Par contre, au Service public de Wallonie (SPW), il atteignait déjà les 8,24% en 2021. La différence entre profs et employés du secteur privé apparaît également minime, bien qu’il soit difficile d’obtenir des données couvrant l’ensemble des entreprises et des secteurs. Les derniers chiffres fournis par le sécrétariat social Securex, basés sur 197.477 travailleurs de 23.688 entreprises, faisaient état d’un taux moyen d’absentéisme de 8,2% au cours de l’année 2023. «Globalement, le taux d’absentéisme chez les enseignants n’est pas exagéré comparé aux autres secteurs, insiste Roland Lahaye. La visibilité de la fonction fausse parfois la perception du grand public: évidemment, lorsqu’un prof est absent, l’élève est directement touché, qui en informe consécutivement ses parents. L’absence est donc beaucoup plus visible et commentée que celle d’autres secteurs professionnels.»

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