La réforme des bourses d’études, un cadeau empoisonné laissé par Valérie Glatigny à sa successeure?
Valérie Glatigny (MR) a quitté son poste de ministre de l’Enseignement Supérieur pour des raisons de santé. Sa successeure au sein du parti, Françoise Bertieaux, doit gérer une réforme que tout le monde salue sur le fond, mais que beaucoup dénoncent sur la forme. Et qui est brûlante.
Françoise Bertieaux (MR) n’a pas encore prêté serment comme ministre de l’Enseignement Supérieur. Mais en démissionnant pour des raisons de santé, sa prédécesseuse Valérie Glatigny lui a refilé un dossier brulant entre les mains. La réforme des bourses d’études des enseignements fondamental et supérieur a déjà fait beaucoup d’étincelles dans la presse. En jeu ? Une nouvelle délimitation des aides accordées aux étudiants du supérieur et élèves du secondaire en difficulté financière. Ce jeudi 13 juillet, la divulgation des premiers éléments a mis le feu aux poudres. Dans un premier temps, certains médias évoquent un accès aux bourses restreint aux bénéficiaires du revenu d’intégration sociale (RIS). Une information d’abord démentie par le ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles Pierre-Yves Jeholet (MR), puis par plusieurs associations de terrain.
Plus d’argent pour les étudiants en kot, moins pour les autres
En résumé, la réforme table sur une réduction des aides financières aux jeunes qui vivent chez leurs parents, contre une augmentation des aides financières alloués aux étudiants en kot. « C’est le gros point noir de cette réforme, dénonce Sébastien Gratoir, membre du Forum – Bruxelles contre les inégalités. La majorité des étudiants boursiers vivent chez leurs parents, et sont lésés par le projet ». « On demande une réforme depuis 4 ans, et voilà qu’on nous donne des miettes, s’indigne Emila Hoxhaj, la présidente de la FEF, la Fédération des étudiants francophones. Avec ce projet, 8 étudiants boursiers sur 10 verront le montant de leur bourse baisser de 20% ».
D’après l’organisme de défense des étudiants francophones, 1 étudiant sur 5 reçoit une bourse d’études (voir infographie). En parallèle, 1 étudiant sur 3 serait en situation précaire. Pire, 1 sur 2 rencontrerait des difficultés financières pour faire ses courses d’alimentation. « Madame Glatigny sous-estime toute une série de coûts liés aux études, continue Emila Hoxhaj. L’alimentation n’en fait pas partie, alors que le coût pour un kot est évalué à 300€ par mois. Il faut se rendre compte qu’à Bruxelles, c’est 500 à 600€ mensuels… ».
Passer par le CPAS pour obtenir les bourses d’études ? « La mesure ne passera pas au Conseil d’Etat »
Dans une carte blanche parue sur le site du Soir, 15 associations saluent le fond du projet, mais se plaignent de la forme. Selon elles, la pauvreté et le coût réel des études sont mal évaluées dans la mouture actuelle, dont la méthodologie laisse à désirer. « Le nouveau seuil déterminant qui peut revendiquer une bourse d’études a été abaissé », déplore Sébastien Gratoir. À l’unisson, les associations contestent une mesure en particulier. « Les étudiants dont la situation est très précaire devront le prouver au CPAS avant de pouvoir demander l’octroi d’allocations d’études, explique Emila Hoxhaj. C’est une contrainte administrative en plus pour des jeunes qui ont déjà du mal à s’en sortir ».
« Si le CPAS refuse d’accorder le revenu d’intégration sociale à ces étudiants pour une raison X ou Y, ils devront se justifier auprès de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui pourrait ensuite refuser de leur accorder une bourse d’étude, analyse Sébastien Gratoir. Pour ces jeunes, on est un peu dans une double peine ».
La réforme des bourses d’études a donc embrasé le débat médiatique, alors qu’elle n’est pas encore sur la table du gouvernement. Pour l’instant, a précisé Pierre-Yves Jeholet, le projet est seulement en discussion. « De toute façon, précise Sébastien Gratoir, conditionner l’octroi des bourses à un accord du CPAS est illégal. On peut inviter les jeunes à le faire, mais pas les y obliger. Je m’attends donc à ce que le projet en l’état soit refoulé par le Conseil d’Etat ». Si Françoise Bertieaux espérait entamer sa fonction ministérielle en douceur, elle risque de vite déchanter dans les prochaines semaines, en découvrant la patate chaude de la réforme des bourses d’études sur son bureau.
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