Bernard De Commer

Enseignement: les pis-aller des enquêtes Pisa? (carte blanche)

Un carte blanche de Bernard De Commer, enseignant retraité, ancien membre du défunt Conseil de l’Education et de la Formation.

LAROUSSE définit ce terme de pis-aller comme suit : ce à quoi l’on se résout, faute de mieux.

Certains, aujourd’hui, se rabattent sur ces enquêtes PISA alors que, à mon avis, nous avons nos propres évaluations et qui sont tout autant pertinentes.

Mais voyons, toit d’abord, ce qu’il en est de PISA.

Depuis 2000 et la toute première enquête PISA jusqu’à la toute récente 2022, les médias n’ont eu de cesse de mettre en avant les lacunes en matière d’enseignement en Communauté française, pas toujours avec les nuances qui s’imposent.

Relativement aux enquêtes 2000, le Conseil de l’Education et de la Formation reconnaissait les « faiblesses significatives » de l’enseignement francophone « qu’il serait vain de nier » et « regrettable de ne pas pouvoir pallier rapidement des carences qui conduisent à des inégalités inacceptables »[1]

Et donc notre propos n’est pas de nier ces faiblesses, mais d’insister sur le fait que « une hiérarchie très nette existe entre les filières d’enseignement » et que « c’est dans la filière qualifiante que les résultats obtenus sont les plus faibles » et que « les élèves en retard scolaire sont ceux qui obtiennent aussi les moins bons résultats. Constat qui pousse à remettre en question la pratique du redoublement ». [2]

Ces enquêtes ne devraient pas avoir pour objectif de comparer notre enseignement à celui des autres pays de l’OCDE un peu sur le mode des distributions de prix, que les plus âgés d’entre nous ont bien connues. Mais bien de lutter contre les inégalités qu’il génère.

Et nous rejoignons la Ministre Caroline Désir quand elle déclare que « le tronc commun n’était pas en vigueur lors de PISA 2022 » mais que « les chercheurs de l’ULiège soulignent que ces réformes s’inscrivent dans la bonne  direction »[3]

Et de rappeler que  «  le tronc commun » justement «  encourage un décloisonnement des apprentissages, raison pour laquelle tous les référentiels suggèrent des croisements entre disciplines. Ce qui est aussi une manière de renforcer la maitrise des apprentissages et leur sens, aux yeux des élèves. »[4] L’idée étant évidemment de limiter autant que faire se peut les orientations précoces dans telle ou telle filière. Et de lutter contre le redoublement.

Et que le Pacte pour un enseignement d’excellence veut agir en profondeur sur toutes les dimensions de l’école, les apprentissages bien entendu (référentiels, rythmes scolaires, école inclusive), les personnels de l’enseignement (pilotage des écoles, cadre de soutien aux écoles en difficulté,…).

Encore faut-il que cette réforme soit acceptée par les équipes éducatives. Et sur ce qui me revient du terrain, ce n’est pas toujours le cas. Mais les directions d’école qui se définissent comme les coachs pédagogiques de leur établissement devraient convaincre les derniers récalcitrants en créant un espace de dialogue dans les écoles.

Et nous avons à notre disposition des outils d’évaluation performants : le CEB (Certification d’études de base) pour l’enseignement fondamental, le CE1D  pour les élèves fin de deuxième secondaire (aujourd’hui 3ème étape du continuum pédagogique) et le CESS en fin de secondaire.

Ces outils permettent, entre autres, de se pencher sur les élèves et les populations scolaires en difficulté. La FAPEO (association des parents de l’enseignement officiel) écrit sous la plume de Jessica MATHY  « Loin d’être orienté en amont, notre système fait largement confiance aux équipes éducatives pour opérer d’elles-mêmes le changement sur le terrain. Chaque école reçoit un tableau de bord reprenant les données qui lui sont propres et connaît les résultats des évaluations externes. Aux équipes pédagogiques de décider du suivi et des changements à opérer en aval. Cette démarche fait peser un poids important sur les épaules des équipes éducatives, pas toujours informées des réalités dans lesquelles elles s’inscrivent et rarement conscientes des grands enjeux et des performances globales auxquels la Fédération Wallonie-Bruxelles et notre enseignement sont confrontés. »[5]

Sans négliger pour autant les aspects propres à la didactique des contenus : revoir en profondeur l’apprentissage de la lecture comme le soulignaient Dan VAN RAEMDONCK et Patricia SCHILLINGS dans l’émission DECLIC du 2 décembre 2023 ; s’intéresser, pour l’apprentissage des mathématiques, à la méthode de SINGAPOUR qui intéresse de près nos voisins français.

Mais il serait naïf de croire que l’école, à elle seule, est à même de résoudre tous les dérèglements sociaux, la paupérisation matérielle et culturelle d’une frange importante de la population. Il importe de croiser la politique de l’enseignement avec les politiques de l’emploi, du logement, de la santé, culturelles, d’intégration, etc. Et c‘est un fameux défi dans la mesure où ces politiques débordent largement des compétences de la Communauté française.

Et peut-être y a-t-il aussi quelque chose à faire à ce niveau-là. Comme, par exemple, donner aux Régions, avec l’enseignement toutes ces compétences aujourd’hui diluées dans différents niveaux de pouvoir.


[1] CEF. Evaluation des compétences des élèves. A propos du Programme International de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves de 15 ans (PISA 2000). Avis n° 77, 1er mars 2002.

[2] De PISA 2000 au Contrat pour l’école. Bernard De Commer. Courrier hebdomadaire du CRISP 2005 n° 1878-1879.

[3] SUDINFO. Le 8 décembre 2023.

[4] www. enseignement.be index.php? page=28597&navi=4920

[5] Comment évalue-t-on notre système éducatif.  Juin 2013.

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