Ecoles, parents, stages… Les impacts en cascade du nouveau calendrier scolaire
Cinq périodes de sept semaines de cours entrecoupées de deux semaines de congés et des vacances d’été raccourcies: tel est désormais le calendrier scolaire en Belgique francophone. Avec des répercutions financières et organisationnelles parfois importantes pour les directions d’école, les parents, les organisateurs de stages, les mouvements de jeunesse et le tourisme, entre autres.
Le lundi 29 août 2022 est une date historique pour la Belgique francophone: jour de rentrée pour 900 000 élèves, de la maternelle au secondaire, il rompt, pour la première fois depuis la naissance du pays, avec la tradition qui faisait retourner les enfants à l’école en septembre, voire même en octobre (encore durant le XXe siècle, pour que les fils et filles d’agriculteurs puissent aider aux champs). Le Vif fait le point sur ce que le nouveau calendrier scolaire changera pour vous.
En 2023, ce sera même un jour plus tôt: le 28 août, les prochaines vacances d’été démarrant le 7 juillet. C’est l’un des effets du nouveau calendrier scolaire, à Bruxelles et en Wallonie francophone. Le plus spectaculaire, à cette heure, mais pas le plus important. Le changement majeur, en effet, est le découpage de l’année en cinq périodes de sept semaines de cours, chacune ponctuée de deux semaines de relâche. Elèves et enseignants auront donc toujours 182 jours d’école, toujours quinze jours de trêve fin décembre mais tous les autres congés habituels sont bouleversés: en novembre, la semaine qu’on appelait «congé de Toussaint» est doublée ; comme celle «de carnaval», en février ; enfin, les deux semaines «de Pâques» sont repoussées à début mai, un mois après la fête religieuse. L’ensemble des élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) sont concernés: maternel, primaire et secondaire, de l’enseignement général, technique, professionnel, spécialisé, artistique à horaire réduit et de promotion sociale.
Ce grand bouleversement est le fruit de la réforme des rythmes scolaires, régulièrement évoquée, souhaitée, suggérée et repoussée depuis trois décennies puis finalement adoptée au printemps dernier, dans le cadre du vaste Pacte pour un enseignement d’excellence. Son objectif est de «rééquilibrer le temps passé à l’école tout en conservant 14 semaines de vacances mieux réparties sur toute l’année», en tenant compte du fait que «réduire les vacances d’été atténue les effets du décrochage scolaire actuellement observés à la rentrée des classes du fait d’une trop longue rupture scolaire. Cela permet aussi de diminuer le stress et la fatigue tout au long de l’année grâce à une meilleure répartition des périodes de cours et de congés.» Tant pour les élèves que pour le corps professoral.
Bienfaits espérés et congés décalés
L’offre d’activités extrascolaires pour les enfants sera-t-elle suffisante? Et y aura-t-il un effet de hausse de prix pour les familles?
Jusqu’ici, la réforme a plutôt été saluée par les différents acteurs du monde scolaire, même si des directions d’établissements relèvent le surcroît de travail administratif qu’elle induira, en fin d’année scolaire. La Ligue des familles, de son côté, l’estime «justifiée par la volonté de mieux adapter l’organisation de l’année scolaire aux besoins (biologiques, physiques, cognitifs) des enfants, en répartissant mieux les temps de repos et les temps d’apprentissages» et à même de «lutter contre l’échec scolaire et les inégalités sociales dans l’enseignement – une nécessité alors que notre enseignement demeure, malheureusement, parmi les plus inégalitaires au monde».
On jugera une première fois dès l’été prochain les bienfaits espérés, sachant que la FWB a déjà annoncé que «selon les années, la règle des sept semaines de cours suivies de deux semaines de congés pourra être adaptée et passer à six ou huit semaines de cours pour avoir un maximum de congés en commun avec les autres Communautés». C’est que le nouveau modèle n’ est en vigueur que pour l’enseignement francophone: en Flandre et en Communauté germanophone, où la rentrée s’effectue le 1er septembre, l’ancien régime est toujours appliqué, soit une semaine de congé à la Toussaint, une au Carnaval et deux à Pâques. Soit, pour les familles ayant des enfants inscrits qui dans une école francophone, qui dans une école néerlandophone ou germanophone, des périodes de vacances différentes – concrètement: décalées les unes par rapport aux autres. C’est l’une des conséquences négatives de la réforme. Comme l’est, pour les familles monoparentales, celles avec enfants en bas âge et celles à faibles revenus notamment, l’allongement des vacances de novembre et de février, qui exigera une réorganisation en matière de prise de congés professionnels et une augmentation probable des frais de garde et d’activités extrascolaires.
Gardes et activités: inquiétudes et bonne affaire
Par ailleurs, comme s’interroge notamment la Ligue des familles dans une étude publiée en juillet dernier, «l’offre d’activités pour les enfants sera-t-elle suffisante à ces périodes? Les opérateurs s’appuyant beaucoup sur les jeunes et le bénévolat seront-ils en situation de recruter suffisamment de personnes pour organiser les activités (l’enseignement supérieur n’étant pas concerné par la réforme)? Y aura-t-il un effet de hausse de prix des activités pour les familles, et donc une diminution de l’accessibilité des loisirs pour les enfants?» Autrement dit: comment s’adapteront les garderies, les mouvements de jeunesse, les organisateurs de stages, etc? Avec quels moyens, logistiques et budgétaires? La FWB a débloqué des fonds pour que ces secteurs puissent répondre à une demande plus large, plus fréquente et sur plus de durée, mais sans vraiment les rassurer, à deux mois d’un possible premier rush.
De la même façon, pour ceux qui en ont les moyens, ces périodes de détente étirées devraient rebattre les cartes des destinations touristiques: on pourra partir plus souvent et plus loin. Il y aura des retombées pour les opérateurs, belges comme internationaux. Qui se frottent déjà les mains.
Cette rentrée scolaire, le 29 août 2022, marque donc un changement à effet domino, largement au-delà des cours de récréation, des classes et des salles des profs des écoles francophones de Bruxelles et de Wallonie. Et ses répercussions dépasseront allègrement les besoins biologiques, physiques et cognitifs des enfants. C’est en ce sens qu’elle est véritablement historique. .
Les directions trimeront
L’introduction des nouveaux rythmes scolaires ne devrait pas trop bouleverser le travail des enseignants, qui saluent, comme les directions, les bénéfices de la réforme pour le bien-être des élèves et pour le leur. Le maintien d’un même nombre de jours en classe (182) plaide à ce niveau pour une stabilité, qui rend, semble-t-il, superflue la mise en place d’un nouveau découpage des apprentissages, par exemple. «D’autant que les examens, quand il y en a encore, restent programmés aux mêmes périodes», affirme Philippe Barzin, secrétaire général du Conseil de l’enseignement des communes et des provinces (CECP).
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Toutefois, la nouvelle organisation pourrait permettre aux enseignants d’avancer parfois plus vite «puisque les enfants seront normalement plus en forme», indique Marc Vande Weyer, directeur de la section fondamentale de l’Institut Marie immaculée, à Anderlecht. Ou de maximiser le temps en classe puisque, «avec des épreuves externes déjà fixées à la fin juin, le nombre de jours blancs sera limité au minimum en secondaire», ajoute Anthony Spiegeler, directeur de l’école Nespa, à Genappe.
Sauf que, relève Bertrand Denutte, secrétaire de direction au collège Pie X, à Châtelineau, «puisque le timing de fin d’année est plus serré, les jours blancs moins nombreux et qu’il faut terminer les examens le 29 juin, les directions devront organiser les conseils de classe sur deux jours pour respecter le délai des recours après la remise des résultats et, le cas échéant, réunir un nouveau conseil de classe, qui est une obligation légale, avant le 7 juillet. Ce sera chaud pour les professeurs.»
Quid des enseignants néerlandophones et des carrières mixtes?
Les nouveaux rythmes imposeront une refonte des calendriers généraux de beaucoup d’écoles.
Les nouveaux rythmes imposeront, en revanche, une refonte des calendriers généraux de beaucoup d’établissements. «Beaucoup devront décaler les dates habituelles des fancy-fairs, classes vertes et autres parce qu’elles tombent désormais dans des périodes de congés», affirme Christine Toumpsin, directrice de l’Institut Notre-Dame d’ Anderlecht et présidente du Collège des directeurs du fondamental libre. «Indiscutablement, les écoles devront se plonger dans leurs calendriers et les refondre une fois pour toutes», confirme Philippe Barzin.
Une crainte plus particulière concerne les enseignants néerlandophones «native speakers» qui enseignent dans des projets en immersion en Fédération Wallonie-Bruxelles. «Ils pourraient être tentés de rejoindre l’enseignement flamand, affirme Marc Vande Weyer, dont l’école a développé un tel projet. Les périodes sans classe ne correspondant plus entre les systèmes d’enseignement, ces professeurs pourraient ne plus être en congé en même temps que leurs enfants. Cela me semble d’autant plus probable qu’il existe une pénurie d’enseignants en Flandre.» Bertrand Denutte ajoute que le nouveau modèle «bloque complètement les carrières mixtes: les enseignants prestant aussi en Haute école auront des problèmes de congés puisque les régimes des vacances deviennent différents».
Pour le reste, les directions n’écartent pas d’éventuels imprévus en cours d’année et, avant cela, une possible «mauvaise surprise» la première semaine d’école, comme le craint Christine Toumpsin: «Un taux d’absences anormalement élevé, soutenu par des parents qui auraient décidé de prolonger de quelques jours les vacances…»
L’appel aux proches a sonné
La Ligue des familles et les fédérations d’associations des parents de l’enseignement officiel (Fapeo) et catholique (Ufapec) sont unanimement convaincues du bien-fondé de la réforme des rythmes scolaires pour le respect des rythmes chrono-biologiques des enfants comme des enseignants. Mais la Ligue s’inquiète pour les parents, surtout ceux d’enfants absolument pas en âge de rester seuls à la maison: comment s’organiseront-ils avec quatre périodes de deux semaines de congé, en plus des vacances d’été? Quid, aussi, des parents séparés avec garde alternée: cela nécessitera-t-il d’adapter l’hébergement des enfants et de reformuler le jugement ou l’accord?
En mai dernier, 60% des parents sondés confiaient avoir déjà modifié leurs dates de congés.
Dans un sondage en ligne réalisé en mai dernier auprès de 5 076 parents par la caisse wallonne d’allocations familiales Camille, 59% considéreraient la réforme comme «une mauvaise nouvelle pour eux», précisément parce qu’elle pose le problème de garde. Dès lors, 55% indiquaient «prévoir de solliciter davantage leurs proches» pour s’occuper des enfants, plus de 60% confiaient avoir déjà modifié leurs dates de congé et 20% avaient revu les gardes alternées. Du côté de l’Ufapec, par la voix de Bernard Hubien, son secrétaire général, on estime qu’ «une partie des parents séparés qui pratiquent la garde égalitaire se réjouissent, même si des conventions doivent être aménagées, parce qu’une semaine complète permet de partager plus de temps et, pour certains, de partir, même si ceux qui peuvent prendre des congés à ces moments-là sont minoritaires».
80% s’attendent à des stages plus chers
Souci aussi pour les familles aux enfants scolarisés dans des Communautés différentes, donc avec des congés différents, ce qui constituera «un véritable casse-tête pour l’organisation de leurs parents», note la Ligue des familles. Pareil pour les enseignants dont les enfants suivent l’enseignement d’une autre Communauté: «Nous avons eu des contacts avec nos pairs néerlandophones, affirme Joëlle Lacroix, secrétaire générale de la Fapeo. Ils réfléchiront aussi à cette question. L’idéal aurait été qu’il y ait une homogénéisation directe. C’est le rôle des associations flamandes de parents d’en faire un débat public en Flandre.»
Reste la question, épineuse, des stages. Pas de quoi s’inquiéter, selon Bernard Hubien: «Il y a simplement un glissement des moments où on devra confier les enfants pour des stages ou autres activités.» Maxime Michiels, du service Etudes et actions politiques de la Ligue des familles, espère, lui, «que les organismes qui proposent des stages pourront étoffer leur offre pendant les périodes où ils n’en organisaient pas avant». Mais à quel prix? Dans le sondage Camille, jusqu’à 80% des répondants disent anticiper l’éventualité d’une augmentation du coût des activités de stage de leurs enfants.
Enfin, quelle sera la disponibilité des jeunes de l’enseignement supérieur? A la fois ceux qui doivent prester des stages dans les écoles de l’enseignement fondamental et ceux sur lesquels comptent les mouvements de jeunesse et les associations sportives ou culturelles qui organisent des stages. «Sans concertation avec l’enseignement supérieur, ils ne seront pas disponibles au bon moment», tranche Bernard Hubien. Ça s’annonce sportif, tout ça.
La grande incertitude des stages
«Les parents voudront mettre leurs enfants en centre de vacances mais qui les encadrera?» Grégory Desbuquoit est responsable de la régionale Brabant-Bruxelles de l’association Latitude Jeunes, qui organise des stages et des camps de vacances. Sa plus grande inquiétude suscitée par les nouveaux rythmes scolaires? Le décalage entre les congés des enfants et ceux des étudiants du supérieur: «Les étudiants représentent 85% du total de nos effectifs.» Avec une période critique, le nouveau congé de printemps du 1er au 12 mai, quelques jours à peine avant le début des sessions d’examens dans le supérieur. «La solution à court terme consisterait à ne pas augmenter notre offre ou à légèrement la réduire pour avoir la certitude de pouvoir offrir un encadrement de qualité», anticipe Grégory Desbuquoit. Le responsable évoque aussi la spécificité de Bruxelles, à cheval entre deux Communautés aux calendriers scolaires différents.
Le problème des bénévoles étudiants inquiète également Nicolas Lambiotte, coordinateur pédagogique de l’association Jeunesses scientifiques. «Pour les congés de printemps et la manière de constituer des équipes, nous n’avons pas encore de solution, admet-il. On envisage d’autres catégories que les étudiants, comme les enseignants ou les éducateurs. Une dernière possibilité serait d’engager du personnel professionnel, mais il n’est pas sûr que ce soit viable pour nous sur le plan budgétaire.»
Nicolas Lambiotte aborde une conséquence indirecte de la réforme scolaire: la réduction des vacances d’été risque d’entraîner une pression sur les réservations de gîtes et de lieux où organiser des stages et des activités. Une plus forte pression de la demande sur une période et une offre restreintes. «Ce qui nous oblige à faire des choix pour les activités d’été parce que le timing est plus serré. Des activités qui ne pourraient pas être déplacées à un autre moment parce qu’on ne peut pas les organiser qu’en été.»
Quels effectifs à l’Adeps?
Un courrier a été adressé par la ministre aux établissements pour leur recommander de ne pas organiser des activités avec présence obligatoire ou décisives pour la poursuite de leur cursus
Qu’en est-il des stages sportifs de l’ Adeps, qui reposent aussi sur cette main-d’œuvre bénévole? Le cabinet de la ministre Valérie Glatigny, en charge du Sport et de la Jeunesse, répond: «Le recrutement des étudiants, pour les périodes de vacances scolaires, se fait tout au long de l’année avec des pics dans les dernières semaines avant les périodes concernées. Il est donc, à ce stade, impossible d’estimer les effets (positifs ou négatifs)» de la réforme. Le cabinet cite aussi certaines demandes d’assouplissements du programme du supérieur. «Un courrier a été adressé par la ministre aux établissements pour leur recommander de ne pas organiser, durant la semaine du 20 février, des activités avec présence obligatoire ou décisives pour la poursuite de leur cursus, ceci afin de permettre aux étudiants de combiner études et, par exemple, participation à des activités sportives ou dans les mouvements de jeunesse.»
L’ Adeps travaille à maintenir son offre actuelle de stages et à l’adapter à l’évolution de la demande potentiellement croissante. Aussi, «un groupe de travail a été créé au sein de l’Ares (NDLR: les acteurs de l’enseignement supérieur), à la demande de la ministre, afin de réfléchir à d’éventuelles modifications à apporter au calendrier académique, pour améliorer la qualité des apprentissages des étudiants». Vers une harmonisation des différents calendriers?
Pas de changements aux musées
S’occuper lorsque l’école est fermée est aussi possible dans les lieux culturels, les musées et centres d’art offrant aux enfants et aux familles des stages ou des workshops. Certains envisagent l’opportunité de s’ouvrir à plus de visiteurs, d’autres la possibilité de multiplier les activités. Pour les Musées royaux des beaux-Arts, à Bruxelles, la réforme n’engendra pas de véritables bouleversements. L’institution propose toujours deux périodes de stage en fonction de la langue. Pas de grand changement, juste une réorganisation du calendrier en fonction des différents rythmes communautaires.
Du côté de La Louvière, Keramis, le Centre de la céramique de la FWB, pas de problèmes linguistiques. Le musée propose une série de stages et ateliers pour les enfants, les familles et un public adulte. La réforme, y considère-t-on, «pose question parce qu’elle ouvre une année test mais elle nous permet d’augmenter notre offre d’animations et de nous ouvrir à un plus large public».
Recherche lieu de camp désespérément
Pour les mouvements de jeunesse, la modification du calendrier scolaire n’était pas une surprise, ils avaient même été consultés. Mais parmi les différents scénarios sur la table, celui qui a été finalement adopté ne fait pas vraiment leur affaire. «36,6% de nos camps sont organisés lors de la première quinzaine de juillet et devront être postposés, cela touche 35 000 personnes», chiffre Camïlle Termote, chargée des relations extérieures pour les Guides. Les Guides, les Scouts, les Scouts pluralistes, le Patro et les Faucons rouges – les cinq mouvements de jeunesse en Belgique francophone, où sont affiliés environ 100 000 jeunes de 5 à 18 ans – ont d’ailleurs publié ensemble, en janvier dernier, un plaidoyer afin de sensibiliser le monde politique et le grand public à leurs difficultés.
Le plus gros challenge pour l’été à venir: dénicher de nouveaux endroits de camp, alors qu’il y a déjà pénurie, pour que tous les animés puissent trouver leur bonheur dans un laps de temps resserré. Première piste pour relever le défi: utiliser les locaux des mouvements de jeunesse eux-mêmes. «La ministre Valérie Glatigny (NDLR: en charge de la Jeunesse, MR) a débloqué un subside spécial pour que les groupes qui sont locataires ou propriétaires du bâtiment dans lequel ils organisent leurs animations pendant l’année puissent le mettre aux normes et accueillir des camps», signale Camïlle Termote. Budget: 1,2 million d’euros, avec des enveloppes de maximum 20 000 euros. Soit un potentiel d’une soixantaine de nouveaux lieux. Un coup de pouce appréciable, mais insuffisant puisque les mouvements de jeunesse estiment qu’il faudrait entre quatre cents et six cents endroits supplémentaires pour leurs membres, en constante augmentation.
Large spectre
Autre levier à activer: la décentralisation. Alors que plus de 70% des camps se concentrent dans les provinces de Luxembourg, de Namur et de Liège, l’idée est d’investir davantage le Hainaut et le Brabant wallon. «En ce qui concerne le type de bâtiments, le spectre est très large, ça peut être une école, la salle d’un club sportif, une salle communale ou même une maison individuelle dotée de grandes pièces», relève Lionel Bulpa, de l’asbl Atouts Camps, qui a récemment été boostée financièrement par la ministre Glatigny et dont une des missions est de délivrer des labels aux endroits de camp, bâtiments et prairies.
Si l’opération prospection ne donne pas assez de résultats, il faudra réduire la durée des camps pour tous les caser.
Les exigences sont assez basiques pour accueillir un camp: les locaux doivent disposer au minimum d’une attestation de sécurité-incendie, d’eau potable, de toilettes et d’une cuisine, et pour les prairies, c’est encore plus simple. A la clé: autour de 1 500 euros pour la location d’un bâtiment et de 750 euros pour une prairie. «Si les propriétaires ont des doutes, nous sommes là pour les accompagner, les conseiller et répondre aux questions», lance Lionel Bulpa dans un appel qui ressemble à une bouteille à la mer. Si l’opération prospection ne donne pas assez de résultats, il faudra passer au plan B: réduire la durée des camps pour tous les caser. Animés et animateurs grincent déjà des dents.
Trains, trams et bus s’adaptent
Un autre secteur devra s’adapter à cette nouvelle temporalité d’apprentissage scolaire et à ses variations dans le pays : le transport public. « La réforme des rythmes scolaires aura des conséquences dans le domaine ferroviaire dès lors que certains de nos trains traversent plusieurs Régions et Communautés, spécifie Marianne Hiernaux, porte-parole de la SNCB. D’une part sur le Plan de transport, de l’autre sur l’organisation des travaux à l’infrastructure et les produits proposés en périodes de vacances scolaires.»
L’adaptation passera par l’élargissement de l’offre du pass Youth Holidays à chaque vacances, sans distinction entre les élèves du sud et du nord du pays. «Pour 2022, le pass est disponible jusqu’au 31 août inclus, et le sera durant les deux semaines des congés d’automne et celles des congés d’hiver. Ce ticket est proposé au prix de 18 euros pour une semaine ou 29 euros pour un mois et permet aux moins de 26 ans de voyager de façon illimitée partout en Belgique.» Sinon, pas de modifications d’horaires avant, peut-être, les congés de février et mai.
L’organisation des travaux suivra, quant à elle, un calendrier fixé un an et demi à l’avance par le gestionnaire de réseau Infrabel, donc avant que la réforme scolaire ait été décidée. «Mais certaines modifications ont été discutées. Dans la mesure du possible, des travaux seront planifiés en fonction des nouveaux calendriers scolaires», précise la porte-parole. La SNCB ajoute que les étudiants du supérieur représentent un plus grand pourcentage d’usagers que les élèves du secondaire et du fondamental. Les prochains mois permettront d’analyser le comportement des usagers et d’envisager une adaptation de l’offre de transport ferroviaire pour l’année 2023.
Stib et TEC s’adaptent
Côté Stib, métros, trams et bus bruxellois s’adapteront au calendrier scolaire francophone dès la rentrée, avec des horaires allégés durant les congés de novembre, décembre, février et mai, où les lignes desservant d’importantes écoles flamandes à Bruxelles seront renforcées. Enfin, au TEC, la fréquence des bus est augmentée à partir du 29 août, avec ralentissement des cadences durant les congés scolaires. Le tout en concertation avec la SNCB sur les lignes de correspondance.
Une aubaine pour le tourisme wallon
Quatre fois deux semaines de congé et des vacances d’été rabotées aux marges, c’est pain bénit pour le secteur touristique. Même si, resitue Frank Bosteels, porte- parole de Connections, «la Flandre représente 70% du marché belge des voyages organisés». N’empêche, «l’impact de la réforme francophone devrait être important: durant les semaines de Toussaint et de carnaval, l’offre était limitée en matière de distance ; quatre à cinq heures de vol maximum, donc l’Egypte, la Turquie, les Canaries… Désormais, Asie, Caraïbes, Antilles et Amérique du Sud sont envisageables, en enlevant une certaine pression sur les périodes de Pâques et de Noël. La haute saison ne cessera plus jamais!» Avec des répercussions sur les tarifs? «Non. La demande sera plus importante mais plus étalée. On ne sera pas obligé de pratiquer des prix élevés, et on négociera avec les hôtels en ce sens.»
De leur côté, «les acteurs de la montagne communiqueront davantage sur les “ailes de saison”, l’automne et le printemps, avec des destinations attrayantes toute l’année, comme Chamonix et les alentours des lacs (Annecy, Léman…)», prédit Dimitri Papageorges, relais de Savoie Mont Blanc en Belgique et de nombreuses destinations alpestres françaises et suisses. Aussi, l’hiver, «la première semaine de janvier sera l’unique où les Belges seront seuls sur les pistes, avec les Néerlandais. De nombreuses stations proposeront donc des offres spécifiques.» Chez Atout France, on a «hâte d’accueillir cette clientèle deux fois plus longtemps! Pour découvrir des régions qu’elle n’aurait peut-être pas pensé visiter en une semaine: Bourgogne, Centre-Val de Loire, Normandie, avec un détour par Lyon ou Rennes.»
Une aubaine pour la Wallonie
Pour la Wallonie, «c’est une vraie opportunité, se réjouit Pierre Coenegrachts, directeur général- adjoint de Visit Wallonia: pour les guides touristiques, des plages de travail allongées durant des périodes d’habitude considérées comme creuses ; pour les attractions, un élargissement de ce qui était déjà quasiment une haute saison (les vacances d’automne) ; pour le tourisme intérieur, un long week-end de plus dans l’année, avec le décalage entre les vacances de Pâques, pour les néerlandophones – la principale clientèle – et celles de printemps pour les francophones ; pour les hôtels et restaurants, la saturation constatée à Pâques évitée.» Quid des campings et villages de vacances? «Peut-être une perte la première semaine de juillet et la dernière d’août, mais compensable en mai, qui, avec l’ Ascension et la Pentecôte, pourrait constituer, à terme, une nouvelle saison à part entière.»
Concernant le personnel, «pas de souci pour les congés néerlandophones: les jobistes sont surtout des étudiants de Flandre. Pour les francophones, hors été, on devra peut-être aller chercher du côté du secondaire.» Une hausse des prix est-elle probable? «A priori non. Mais la haute saison correspond aux congés scolaires. Et s’il y a davantage de hautes saisons, il y a plus de tarifs haute saison…»
Enfin, Westtoer, l’office du tourisme de Flandre-Occidentale, se réjouit de cette «extension de la saison touristique». D’autant que «la côte est devenue une destination des quatre saisons. Le secteur est prêt.»
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