Thierry Fiorilli

C’est beau comme Tada, l’école qui veut changer le monde (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

L’idée a jailli en 2012. Sofie Foets, 27 ans à l’époque, travaillait au Parlement européen, à Bruxelles. Lors d’une visite aux Pays-Bas, elle découvre IMC Weekendschool, une école du week-end pour les jeunes précarisés, orchestrée par des citoyens et des entreprises. Très consciente des «inégalités dans l’enseignement et des défis à relever dans certains quartiers» de la capitale belge, elle se dit qu’il faut y reproduire l’initiative néerlandaise. Elle démarche plusieurs grosses boîtes, comme CVC Capital Partners, l’un des plus grands fonds d’investissement au monde, qui embraie tout de suite, et Tada naît.

Tada, pour ToekomstAtelierAvenir, ou l’école du samedi, gratuite, pour des 10-14 ans des quartiers bruxellois défavorisés. Depuis dix ans, donc, l’asbl présente son projet dans 52 écoles de Bruxelles et y demande qui n’a pas d’activité le week-end – «signe de situation précaire» –, qui aimerait participer aux cours du samedi et (aux profs) qui a le plus besoin d’aide. Alors, elle sélectionne les candidats, «pour avoir toujours 50% de filles, 50% de garçons, 60% de francophones et 40% de néerlandophones».

Une fois l’accord des parents obtenu, pour ces enfants-là, c’est parti: trente samedis par an, pendant trois années, à raison de trois à quatre heures de formation et d’ateliers, dans cinq écoles de la capitale (Anderlecht, Schaerbeek, Saint-Josse et deux à Molenbeek), de visites de lieux professionnels et de découverte de métiers avec ceux qui les exercent. Bénévolement, des magistrats, des médecins, des journalistes, des politiques, des archéologues, des ingénieurs, des architectes, des chefs de chantier, tout ce qu’on peut imaginer comme représentants d’une profession, dévoilent aux gamins et gamines le chemin suivi, la réalité quotidienne, les efforts fournis, la passion qui s’y exprime, etc.

Il y a dix ans, l’asbl a commencé avec deux classes. Il y en a trente aujourd’hui.

Le but, explique Pieter De Witte, le boss de Tada, c’est que «les enfants réalisent qu’ils ont le même potentiel que n’importe qui d’autre et voient d’autres horizons, mais comprennent aussi, et surtout, la rigueur que ça implique, le professionnalisme de tous nos coachs, l’exigence de qualité indispensable». L’asbl avait commencé avec deux classes de 25 élèves ; elle en compte aujourd’hui trente, de 28 élèves chacune. Soit «un petit millier d’enfants, trois mille à quatre mille intervenants par an, plus de 1 200 alumni», parmi lesquels les plus anciens prêtent main-forte le samedi, «cinquante employés et un budget annuel de trois millions d’euros, provenant de partenaires ou de dons» et garantissant une organisation sans le moindre couac.

Après dix ans, le bilan est positif: «90% des jeunes clôturent les trois ans, découvrant toutes les thématiques proposées, avec un taux de présence de 80 à 85% et un taux de décrochage – dans le parcours scolaire classique – de 10% maximum, alors que la moyenne belge se situe entre 30 et 45%.» Et Tada est de plus en plus convaincue que si on ne se bouge pas, les quarante mille enfants bruxellois en situation précaire ne peuvent pratiquement qu’être exclus, à terme, du système. «On vise, modestement, à ce que celles et ceux sélectionnés pour l’école du samedi servent d’exemples et d’inspiration à leurs frères, leurs sœurs, leurs amis. Notre rêve, c’est que Tada contribue à réduire les inégalités et à créer un autre monde, une autre Bruxelles.» Tout qui veut aider cette splendide histoire est le bienvenu.

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