« Ce n’est pas normal »: pourquoi les cours de natation boivent la tasse en milieu scolaire
Malgré leur caractère obligatoire en primaire et au premier degré du secondaire, les cours de natation disparaissement progressivement des horaires des élèves. En cause, notamment, un manque criant de piscines fonctionnelles en Wallonie et à Bruxelles.
Les « cours de piscine » passeront-ils bientôt à la trappe ? En cette nouvelle année scolaire, nombreux sont les parents en Fédération Wallonie-Bruxelles à s’étonner de l’annulation, voire de la suppression définitive, des cours de natation dans les programmes scolaires de leurs enfants.
La natation, incluse dans le cours d’éducation physique, fait pourtant partie intégrante de la formation des élèves, et ce, jusqu’à la fin de la deuxième secondaire. Les circulaires de la FWB le confirment : au terme de la deuxième primaire, l’enfant doit être capable « d’adopter une attitude de sécurité en milieu aquatique » ; à la fin de la sixième primaire, il doit pouvoir nager ; et au terme du premier degré du secondaire, « nager 25 mètres dans un style correct ».
Une hémorragie de fermetures
Malgré cette obligation, nombreuses sont les écoles à déroger à la règle. Et à pointer du doigt le peu d’infrastructures disponibles. « Il y a un manque cruel de piscines en Wallonie, sans parler de toutes celles qui sont en travaux », confirme Bernard Parée, président de la Fédération francophone belge de natation (FFBN). Les chiffres semblent aller dans son sens. En 2015, la Wallonie répertoriait 126 piscines publiques, dont 111 en activité. Huit ans plus tard, seules 91 piscines sont en service, selon les données communiquées par le ministre wallon des Infrastructures sportives, Adrien Dolimont (MR).
De son côté, la Région bruxelloise compte seulement 18 piscines accessibles. Alors que les piscines communales connaissaient déjà une saturation en 2012 et « peinaient à satisfaire la demande, particulièrement durant les heures scolaires », la situation ne va pas en s’améliorant, pointe un rapport de perspective.brussels. Le phénomène n’est toutefois pas limité au sud et au centre du pays. Selon des données récoltées par nos confrères de la VRT, le nombre total de piscines en Flandre est passé de 378 à 298 en vingt ans.
Les causes des fermetures successives sont simples : les piscines sont de véritables gouffres financiers pour les communes, déjà dans le rouge suite à la pandémie et la crise énergétique. En outre, de nombreuses piscines ont été construites dans les années 70 et nécessitent aujourd’hui un besoin urgent de rénovation. Mais les travaux s’éternisent, notamment en Wallonie. Alors que le « Plan Piscines », lancé en 2015, prévoyait la remise à neuf de 27 bassins, la grande majorité d’entre eux n’ont pas encore rouvert.
Un manque d’investissement?
Outre le manque d’infrastructures disponibles, l’organisation des cours de natation demande également du temps et des moyens aux établissements scolaires : location d’un car ou d’un autre moyen de transport, recrutement de personnel encadrant,… Alors que les piscines se raréfient, certaines classes doivent parfois parcourir des dizaines de kilomètres pour aller se baigner. « Si vous êtes dans une région où il faut faire une demi-heure aller et retour de bus pour aller à la piscine, c’est compliqué, reconnaît Bernard Parée. En ajoutant le temps de vestiaire, il faut parfois compter une demi-journée pour moins de deux heures dans l’eau. » Certaines écoles limitent dès lors les cours de natation à certaines classes, voire les suppriment totalement de la grille horaire.
« Certains professeurs font barrière à la tenue des cours de natation »
Denis Detinne, fondateur de l’ASBL PromoSport
Pour Denis Detinne, fondateur de l’ASBL PromoSport, le corps enseignant n’est pas suffisamment conscientisé à l’importance des cours de natation. « Certains professeurs font barrière à la tenue des cours. C’est honteux ! s’indigne-t-il. Quand il n’y a plus natation depuis plusieurs années, il faut remettre en place tout un puzzle d’organisation qui leur demande de l’énergie. Mais certains refusent de s’investir et privilégient leur petit confort. Ils ne mettent pas l’enfant au centre du projet et ça, ce n’est pas normal. »
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Si Denis Detinne reconnaît la hausse des tarifs et le manque d’infrastructures disponibles – qu’il chiffre à entre 60 et 70 bassins manquants pour absorber toute la population scolaire de la FWB – il appelle la Fédération à davantage de contrôle. « Si l’école dispose d’une piscine dans un rayon de 5 ou 10 km, il faut que les élèves aient cours. Point à la ligne. » Alors que la noyade reste la plus grande cause de décès chez les moins de 25 ans, les cours de natation sont indispensables, rappelle le fondateur de Promosport. « Être capable de nager, c’est pouvoir se sauver en cas de problème, et surtout, cela développe énormément la confiance en soi. »
Un nouveau fossé entre élèves
La disparition des cours de natation des grilles horaires risque également d’accentuer les inégalités entre élèves, s’inquiète Bernard Parée. « Les enfants en difficulté financière risquent de ne plus apprendre à nager, alerte le président de la FFBN. Alors que les parents plus nantis pourront inscrire leurs enfants dans des structures privées ou dans des clubs, d’autres ne pourront tout simplement pas se le permettre. »
Bien consciente du problème, la ministre de l’Education Caroline Désir (PS) renvoie les Régions à leurs responsabilités, « seules compétentes en matière d’infrastructures sportives». La socialiste appelle toutefois à « favoriser les synergies entre écoles et Pouvoirs Organisateurs » pour permettre à un maximum d’élèves de bénéficier de cours de natation.
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