
Bientôt un examen externe en 4e primaire: pourquoi cette évaluation n’a rien d’un nouveau CEB
Dès la rentrée scolaire 2026-2027, une nouvelle évaluation externe commune sera organisée en quatrième primaire. Baptisé «CLÉ», cet examen non certificatif permettra de dresser une photographie des compétences acquises (ou non) par les élèves à ce stade de la scolarité.
Pas de trêve pascale pour le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le week-end dernier, l’exécutif francophone a entamé son conclave budgétaire sous de funestes auspices après la découverte d’un trou insoupçonné de 350 millions d’euros dans ses caisses. Avant de se lancer dans la chasse aux économies, la coalition Azur a toutefois pu s’accorder sur plusieurs dossiers cruciaux. A commencer par la mise en œuvre d’un nouveau test scolaire, validé vendredi en première lecture.
Cette nouvelle évaluation externe commune, baptisée «CLÉ» (pour Calculer, Lire et Ecrire), verra le jour dès la rentrée scolaire 2026-2027. Elle concernera tous les élèves de quatrième primaire. Loin de s’apparenter à un «pré-CEB», cette épreuve sera non certificative et aura uniquement pour objectif de «dresser une photographie» des compétences acquises par les élèves. «Il n’est pas question de délivrer un diplôme à l’issue de ce test, qui ne nécessite aucune préparation préalable», rassure la ministre de l’Enseignement, Valérie Glatigny (MR).
Prévenir plutôt que guérir
L’épreuve ne devrait donc pas engendrer de pression supplémentaire sur les épaules des enfants (ni des parents), insiste la libérale. D’autant qu’elle sera organisée en début d’année scolaire, précisément entre le 15 septembre et le 1er octobre. «L’idée est d’éviter la confusion avec les évaluations de fin d’année qui, elles, comptent pour le bulletin», détaille le cabinet de la ministre. En décelant rapidement les lacunes et les difficultés d’apprentissage, les enseignants disposeront ainsi de toute l’année pour y remédier, ajoute encore le cabinet. Une détection précoce qui s’avèrera également bénéfique pour la suite de la scolarité. «Nous sommes de plus en plus confrontés à des élèves qui, une fois arrivés dans le secondaire, voire dans le supérieur, ne comprennent pas les questions qui leur sont posées, ne savent pas lire un graphique, ou effectuer des calculs simples, regrette Valérie Glatigny. Ceci débouche sur un taux d’échec important, voire un décrochage scolaire.»
Globalement, l’annonce de la ministre est accueillie positivement par les acteurs de l’enseignement. «Organiser ce genre de test diagnostic –et non sommatif– en début d’année me parait intéressant comme procédé, souligne Ariane Baye, docteure en sciences de l’éducation à l’ULiège. D’autant qu’il s’inscrit dans la vision du Pacte d’excellence, qui entend consacrer davantage de moyens aux mesures d’accompagnement personnalisé pour les élèves.»
Un substitut aux évaluations existantes
Ce format d’évaluation devrait également permettre d’éviter un effet pervers des épreuves certificatives, à savoir le «teaching to the test», souligne Hugues Draelants, sociologue de l’éducation à l’UCLouvain. «Souvent, les épreuves externes communes telles que le CEB ou le CE1D orientent les activités d’enseignement tout au long de l’année, regrette le professeur. Le test est dans la ligne de mire des enseignants, des élèves et des parents. Il focalise toute l’attention et les apprentissages. Certains enfants passent des heures à réviser des épreuves des années antérieures pour s’y préparer, sans effet réellement bénéfique sur l’acquisition des compétences de base.»
En outre, le nouveau test CLÉ remplacera les évaluations non certificatives externes qui existent déjà en 3e ou 5e primaire. «Il ne s’agit donc pas d’une épreuve de plus qui pourrait susciter du stress supplémentaire dans le chef des élèves», observe Hugues Draelants. De quoi balayer les critiques habituellement formulées par les détracteurs du «culte de l’évaluation».
L’importance de la conception
Pour Ariane Baye, plusieurs points restent toutefois perfectibles dans le projet de la ministre. «Je suis assez surprise du moment de la scolarité choisi pour fixer l’épreuve, relève la directrice du Centre de recherche AIDE (Analyses et Interventions dans les domaines du Décrochage et de l’Exclusion) à l’ULiège. Je pense que le début de la troisième primaire aurait été tout aussi pertinent, si pas plus, car après deux années d’enseignement, il faut s’assurer que les élèves disposent déjà des bases suffisantes en lecture, en écriture et en calcul. J’espère que ce test commun en quatrième ne sera pas incompatible avec la mise en place d’autres diagnostics encore plus tôt dans le parcours, pour apporter une remédiation rapide et adéquate aux éventuelles lacunes.»
La spécialiste de l’ULiège s’interroge en outre sur la valeur ajoutée d’une telle évaluation, alors qu’elle existait déjà sous d’autres formes par le passé. Pour garantir une véritable amélioration qualitative du test, il doit être associé à plusieurs chantiers en amont et en aval, plaide Ariane Baye. A commencer par une conception adéquate. «Créer une telle épreuve, ça ne s’improvise pas, insiste la docteure en sciences de l’éducation. Cela nécessite un appui technique et scientifique, notamment de la part d’universitaires spécialistes de l’évaluation, pour s’assurer que le diagnostic final du test sera le plus précis possible. Les questions doivent être imaginées, formulées adéquatement et surtout testées sur un échantillon d’élèves pour s’assurer de leur pertinence.» Dans ces conditions, une entrée en vigueur de l’épreuve dès la rentrée prochaine paraissait donc totalement inenvisageable.
Le test CLÉ, pas le dernier?
Au-delà de sa conception, le test doit également être bien pensé en termes de «réception». «Il faut réfléchir à la diffusion des résultats auprès des enseignants, qui doivent être outillés pour les interpréter au mieux, poursuit Ariane Baye. Et une fois le diagnostic posé, ils doivent surtout être formés pour remédier de manière pertinente aux lacunes éventuelles. Bref, toutes les pièces du puzzle doivent encore être assemblées pour livrer des résultats performants.»
Le test CLÉ devrait toutefois fournir de précieuses informations aux enseignants et aux établissements scolaires, mais également aux pouvoirs décisionnaires. «Cela s’inscrit dans l’évolution du système éducatif ces dernières années, qui tend vers davantage de centralisation, avec une volonté de pilotage global par les résultats, note Hugues Draelants. Or, si on veut piloter, on ne peut pas le faire à l’aveugle. On a besoin de données à différentes étapes de la scolarité pour identifier les endroits où agir et améliorer les performances du système. Ce genre d’épreuves externes est donc amené à se multiplier dans le futur.»
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