Enseignement : l’étrange omniprésence des consultants de McKinsey
Etienne Denoël, patron de McKinsey Belgique et ami de Joëlle Milquet, est parvenu à imposer sa firme de consultance comme partenaire du Pacte pour un enseignement d’excellence. En cassant les prix. Mais, sans le dire, le PS et le CDH l’avaient choisi avant même qu’un appel d’offres soit lancé.
Spa, début mars 2016. Dans les salles lumineuses de l’hôtel Radisson Blu Palace, une cinquantaine de personnes, représentant les douze groupes de travail rivés à l’élaboration du Pacte pour un enseignement d’excellence, s’activent. Vissés à leurs écrans, les consultants de McKinsey publient à tour de bras graphiques et tableaux. A la fin du séminaire, ils ont tapissé tout un mur de Post-It reprenant les propositions avancées et les ont classées en fonction de leur coût, leur efficacité et leur impact sur l’inégalité dans les classes. « C’était bluffant », lâche Bernard De Vos, le délégué général aux droits de l’enfant, qui préside l’un des groupes de travail. Ces « men in black », comme on les appelle ici, sont d’une efficacité redoutable. D’une rapidité déconcertante. Ils ne participent ni aux groupes de travail ni au Groupe central, sorte d’état-major du Pacte composé de membres du cabinet de l’Enseignement, de l’administration, des pouvoirs organisateurs, des associations de parents, des syndicats et copiloté par Laurence Weerts, représentante de la ministre, et Frédéric Delcor, secrétaire général du ministère de la Communauté française. Ils n’en sont pas moins omniprésents.
Un homme doit particulièrement savourer ce moment spadois : Etienne Denoël, patron de la branche belge de McKinsey. Depuis 9 ans, il oeuvre pour prendre sa place dans ce long processus. Pour mettre un pied – privé – sur le terrain de l’enseignement – qui relève d’une politique publique. Et remporter les marchés attachés à la production du Pacte.
Selon les informations du Vif/L’Express, il est même pour beaucoup dans le concept de cette vaste réforme fondée sur un réel travail participatif, qu’il évoque dès 2007. Bien avant tout appel d’offres, il s’est également fendu d’une feuille de route pour le Pacte qui a, dans les grandes lignes, été appliquée ensuite par le gouvernement de la FWB (Fédération Wallonie-Bruxelles). Rétroactes.
Nous sommes le 31 juillet 2014. Etienne Denoël reçoit, dans ses bureaux de l’avenue Louise, à Bruxelles, Joëlle Milquet, toute fraîche ministre de l’Enseignement, ainsi que Jean-Luc Adams, chef de cabinet adjoint pressenti. La ministre n’a pas encore rencontré les pouvoirs organisateurs, ni les syndicats : elle n’est en place que depuis neuf jours. Le patron de McKinsey y présente une note de 8 pages, consacrée à l’élaboration d’un pacte pour l’enseignement obligatoire en FWB. L’opération pourrait et devrait être menée en douze mois seulement. Cela tombe bien : la ministre Milquet est pressée d’agir dans un dossier emblématique, qui ne manque pas de visibilité.
Ce document, que Le Vif/L’Express a pu consulter, détaille les différentes phases du plan (diagnostic, sélection des options de réformes retenues, mise en oeuvre…), les ressources humaines et financières à mobiliser, la constitution du groupe de pilotage… « Nous pourrions nous charger d’animer les travaux, de structurer les plans de travail, de conduire certaines analyses critiques, de préparer les décisions pour le gouvernement et de synthétiser les recommandations », précise McKinsey dans son document.
Coût de l’opération ? Rien que pour les six premiers mois d’une partie de ce plan, le chiffre de « plusieurs millions d’euros » est avancé. Une somme dont la Communauté française ne dispose pas. « Nous avions parlé d’un financement privé, via des mécènes », poursuit Etienne Denoël dans sa note, laissant entendre que de précédentes conversations sur le sujet ont eu lieu. Quand ? Entre qui et qui ? Et dans quel cadre ? Ces questions sont pour l’instant sans réponses. Ni McKinsey ni Joëlle Miquet n’ont souhaité s’exprimer à ce sujet dans nos colonnes.
« Sur la base de contacts très préliminaires, plusieurs acteurs seraient prêts à soutenir la démarche mais certains d’entre eux souhaitent que le secteur public s’engage financièrement avant de les solliciter », précise encore le document. Quand ces contacts préliminaires ont-ils été pris en amont, avec qui, et pourquoi, dans le chef de McKinsey, effectuer ces démarches s’il n’est pas assuré d’embarquer dans l’aventure ?
Joëlle Milquet, jusqu’alors ministre de l’Intérieur, n’a appris que le 21 juillet qu’elle deviendrait ministre de l’Enseignement. A-t-elle pu évoquer cette question avec le directeur de McKinsey entre le 21 et le 31, alors que son cabinet n’est pas encore composé ? Et si ce n’est dans ce délai, à quand remontent ces rencontres avec Etienne Denoël, qu’elle connaît par ailleurs et qu’elle tutoie ?
« McKinsey ne fait que son travail de lobbyiste, il n’y a rien de mal à cela », affirme un président de parti. La note du 31 juillet reprend largement le memorandum présenté par McKinsey le 14 juillet, alors que la Déclaration de politique communautaire (DPC) n’est pas encore adoptée. Dans la version de DPC rédigée par les 6 représentants du PS et du CDH, le Pacte d’excellence n’était pas mentionné. Dans la version finale, retouchée par les présidents de parti, un paragraphe le concernant a été ajouté, à la demande de Joëlle Milquet.
Le prix de McKinsey intrigue
Septembre 2014. Une douzaine de collaborateurs du cabinet de l’Enseignement le quittent, en désaccord avec la vision que la ministre a du Pacte et de la collaboration avec McKinsey. Certains d’entre eux avaient mis Joëlle Milquet en garde, l’avertissant que les visites régulières d’Etienne Denoël au cabinet, avant tout appel d’offres, pourraient semer le trouble.
Début 2015, une procédure de marché public est lancée pour réaliser un diagnostic de l’enseignement. Le cahier des charges prévoit une facture maximale de 80 000 euros. Quatre candidats se présentent, dont McKinsey. « McKinsey a été sélectionné sur la base de critères qualitatifs, ses compétences ne sont pas en cause », assure le professeur Marc Demeuse, qui faisait partie du jury d’attribution. Ce qui peut, en revanche, être questionné, c’est la hauteur de ses prix. Car McKinsey ne demande que 38 000 euros HTVA là où les autres concurrents réclament 58 000, 70 000 et 78 000 euros. 38 000 euros, c’est ce que coûte un chercheur employé à temps plein pendant une demi-année. De toute évidence, le montant demandé par le consultant ne correspond pas à son coût réel. « Il s’est dit à l’époque que McKinsey avait cassé les prix pour emporter le marché », glisse un proche du dossier.
Légalement, le commanditaire d’un marché public est tenu d’interroger le candidat qui propose un prix considéré comme anormalement bas. Ce que fait le cabinet de l’Enseignement. » Le gouvernement a été informé qu’une partie des prestations de McKinsey étaient couvertes par un mécénat de McKinsey Belgique et d’acteurs tiers », a répondu Marie-Martine Schyns, qui a succédé à Joëlle Milquet comme ministre de l’Enseignement, au parlement.
Réponse dont le gouvernement francophone se satisfait. Il ne s’enquiert pas de la valeur réelle des prestations fournies par le consultant, ni ne se penche longuement sur les motivations des mécènes ou de McKinsey à agir de la sorte.
Certains avocats considèrent toutefois qu’il y a là entorse au principe de concurrence entre les candidats au marché public. « Il est curieux que les autorités communautaires n’aient pas creusé plus la question de ce mécénat, épingle une avocate. Selon moi, la justification de ce prix très bas n’est pas acceptable et un concurrent évincé pourrait aller en justice. » « On sait comment ça marche, embraie une de ses consoeurs également spécialisée en marchés publics : travailler gratuitement ou à prix réduit crée des contacts privilégiés entre les contractants. Ethiquement, c’est problématique. » D’autres avocats estiment en revanche que les concurrents vaincus n’ont qu’à chercher eux aussi des mécènes…
La Cour des Comptes s’en mêle
Pâques 2015. Le directeur de McKinsey rencontre, à son initiative, les dirigeants de la fondation Baillet Latour. Objectif : obtenir un soutien financier. « Nous pensons qu’un enseignement de qualité doit permettre à la société d’être plus équilibrée, ce qui nous tient à coeur, expose Alain De Waele, secrétaire général de la fondation. Nous avons soutenu McKinsey par le biais d’un don, payé en une fois pour deux ans, dont nous n’attendons pas de retour. » La fondation Baillet Latour ignore le montant global du travail effectué par McKinsey pour la FWB, comme elle ignore tout des autres partenaires du projet. Et elle ne souhaite pas révéler l’ampleur de son coup de pouce financier. Idem pour la fondation Libeert. « Notre contribution est très inférieure à celle des autres mécènes », déclare le président Jean-Loup Libeert.
La première mission de McKinsey s’achève en juin 2015. Durant l’été, Etienne Denoël approche à nouveau le gouvernement de la Communauté française : il est prêt à continuer à travailler pour le Pacte, gratuitement cette fois. Les services gratuits échappent à la réglementation sur les marchés publics. Il n’y a d’ailleurs pas de marché lancé, dans ce deuxième cas.
Une fois encore, McKinsey se fera en partie payer par des mécènes en plus de travailler sur fonds propres: les fondations Baillet Latour, proche du groupe AB-Inbev, et Libeert, très intéressées par l’enseignement, mettent la main à la poche. La FWB, qui n’avait pas prévu de marché public pour la suite des travaux, faute de moyens financiers – le budget de fonctionnement prévu pour le Pacte s’élève à quelque 2 millions d’euros en 2015 et autant en 2016 – saisit l’aubaine. Une convention à titre gratuit est aussitôt conclue. « Que la Communauté française ne puisse financer elle-même ce processus est problématique », relève Bernard Delvaux, membre du Groupe de recherche interdisciplinaire sur la socialisation, l’e?ducation et la formation (Girsef) de l’UCL.
Il lui en aurait coûté de 6 à 8 millions d’euros, selon les chiffres qui circulent. « Nous n’avons jamais cherché à connaître la valeur de ce marché », assure Laurence Weerts, qui pilote le Pacte au sein du cabinet Schyns. L’argent ne transite d’ailleurs pas par les caisses de la FWB. « Pour une question aussi régalienne que l’enseignement, c’est spécial », s’étonne Barbara Trachte, députée Ecolo. La direction de McKinsey, qui avait été invitée à s’expliquer au Parlement, ne s’y est pas rendue. « En soi, l’appel à la consultance n’est pas problématique, poursuit Barbara Trachte. Mais personne ne peut concurrencer un candidat qui travaille pour rien. Et cela rend la FWB totalement dépendante de ce consultant. »
A la demande du parlement francophone, la Cour des Comptes va d’ailleurs réaliser un audit sur le financement du processus du Pacte. Elle a déjà commencé à contrôler le marché public de consultance qui y est lié.
Une volonté de missionnaire
Ces trois dernières années, McKinsey a collaboré gratuitement à 240 projets dans le monde. Par engagement social, sans doute. Mais l’enseignement francophone est aussi un marché et le secteur ne manque pas de potentiel, notamment sur le plan du développement du numérique. Les consultants sont aussi des hommes d’affaires. La convention de partenariat signée entre McKinsey et la FWB prévoit d’ailleurs qu’au cas où la fondation Baillet Latour cesserait de supporter financièrement McKinsey, celui-ci aurait le droit de mettre fin à la convention. Le consultant ne compte pas faire de bénévolat…
L’accord passé avec la FWB lui permet aussi d’obtenir toutes les données statistiques sur l’enseignement – ce qui fait grincer des dents parmi les chercheurs qui n’y accèdent pas aussi facilement. Mais il est contractuellement prévu que ces données restent la propriété de la Communauté française, ne peuvent être transmises à des tiers ni utilisées à d’autres fins que celles que prévoit le partenariat et que McKinsey est tenu à la plus stricte confidentialité. La convention ne prévoit pas de destruction ni de restitution des données une fois le travail accompli.
Alors ? Etienne Denoël est sincèrement passionné par l’enseignement, disent plusieurs témoins qui parlent de « mission » dans son chef. Il est d’ailleurs investi dans d’autres projets (Teach for Belgium, Professors, Fondation de l’enseignement, Pulse Fondation) et travaille aussi avec le Segec (Secrétariat général de l’enseignement catholique), gratuitement. « Il croit savoir ce qu’il faut faire pour sauver l’enseignement, analyse Bernard Delvaux. L’enjeu de sa présence dans les travaux liés au Pacte est clairement de peser sur les politiques d’éducation. » Et sans doute, plus tard, de pouvoir s’enorgueillir des résultats obtenus auprès d’autres pouvoirs publics.
Face à McKinsey, l’administration de l’Enseignement n’était pas de taille à rivaliser : elle ne dispose ni des moyens humains ni du support technique nécessaires pour abattre un travail aussi vaste en aussi peu de temps. « Parce qu’elle est appauvrie depuis des années et que les départs ne sont que partiellement remplacés », tempête le syndicaliste Joan Lismont, permanent communautaire du Setca-Sel.
Quant aux universités, elles n’auraient pas été en mesure de travailler dans des délais aussi serrés. Il aurait fallu les payer et trouver un délicat équilibre entre elles. La force de McKinsey, c’est qu’il se coordonne tout seul…
Et qu’il oeuvre depuis 2007 au moins, avec opiniâtreté, à se faire une place au soleil de l’enseignement. A l’époque, McKinsey signe une étude sur « Les clés du succès des systèmes scolaires les plus performants ». Une autre suit en 2010, consacrée aux « Clés de l’amélioration des systèmes scolaires ». Entre-temps, Etienne Denoël fait le tour des partis, syndicats, réseaux, directions d’écoles, associations de parents. Objectif dès 2007 : « Proposer au gouvernement, aux responsables politiques et acteurs cle?s du syste?me scolaire une approche possible pour ame?liorer la qualite? de l’enseignement obligatoire ». Nous y sommes. « Quand le pacte a été annoncé, tout le monde connaissait déjà Etienne Denoël », constate Bernard De Vos.
Le patron de McKinsey Belgique a l’oreille des socialistes, avec lesquels il a collaboré pour le Plan Marshall. « Pour le PS, l’expertise de McKinsey est un fait acquis et il est hors de question de le mettre en cause », souffle un proche du dossier. Le consultant dispose aussi de bons relais au sein du CDH. « Au cabinet, on n’a jamais entendu parler d’une autre possibilité de consultance que celle de McKinsey », prolonge un ancien.
Frédéric Delcors, patron de l’administration de la FWB, tutoie lui aussi Etienne Denoël. « Pour le PS, dont la gestion est très pragmatique, travailler avec McKinsey n’est pas contre nature, commente un professeur d’université. Le PS croit vraiment que son aide va permettre de réguler un système peu ou pas géré. » « Les décideurs politiques étant déjà empreints de cette idéologie d’évaluation et de leadership, ajoute un de ses confrères. McKinsey ne doit même pas les convaincre. » « On ne sent pas les responsables politiques assez mal à l’aise par rapport à McKinsey », lâche Eugène Ernst, secrétaire général de la CSC-Enseignement.
Du côté du gouvernement communautaire, on affirme ne pas voir pour quelles raisons on se passerait de l’aide de McKinsey, ni pourquoi l’enseignement ne pourrait pas bénéficier de l’argent de mécènes, comme le secteur de la culture. « McKinsey n’intervient pas dans le processus décisionnel, rappelle Laurence Weerts. Il n’y a par ailleurs eu aucun contact entre la FWB et les mécènes du consultant ». Ce que confirment les fondations.
McKinsey n’est pas présent au Groupe central, sauf lorsqu’il est invité à y faire une présentation. Et lorsqu’il produit un document, un rapport ou un tableau, le Groupe central lui demande souvent de les corriger. « Ce qui ressort de nos travaux, c’est le consensus des différents acteurs, que McKinsey soit d’accord ou non, martèle Laurence Weerts. Si McKinsey avait l’intention d’orienter les débats, son action serait neutralisée par le nombre d’acteurs qui siègent au Groupe central et qui ont chacun des intérêts différents. »
Un travail inédit
Le volume de travail abattu par McKinsey est unanimement reconnu. « Ce consultant a apporté une amélioration de la connaissance du système d’enseignement et une objectivation via le diagnostic posé. Cela n’avait jamais été fait, rappelle, entre autres, Etienne Michel, directeur général du Segec. Il a aussi amené une méthodologie, avec l’analyse d’impact sur base de critères de coût, d’efficacité et de praticabilité. L’aide de McKinsey a été fondamentale. Mais ce n’est pas son pacte. »
Tout le monde n’est pas rassuré pour autant. Les experts universitaires pointent les erreurs, les raccourcis ou les comparaisons hardies du consultant. L’un s’étonne que ce dernier évalue l’impact des mesures proposées sans tenir compte de leurs corrélations. « Ça n’a pas de sens de ne pas analyser l’ensemble », clame Fred Mawet, secrétaire générale de Changements pour l’Egalité. L’autre relève que pour le consultant privé, ce qui n’a pas été expérimenté ailleurs est systématiquement considéré comme non efficient. « McKinsey ne savait même pas comment fonctionne le calcul d’encadrement des élèves », s’indigne Eugène Ernst. « Je ne cautionnerais pas le rapport de McKinsey, martèle un professeur d’université. Sur le plan scientifique, il contient des erreurs. »
Sur le fond, « les valeurs défendues par McKinsey font peur à tout le monde académique », embraie un autre universitaire. Aux yeux de ces experts, le consultant considère en effet l’école comme une entreprise d’enseignement, qui doit être gérée par une direction bénéficiant d’une grande liberté mais tenue de rendre des comptes sur ses résultats. « Qui pourrait croire que McKinsey n’est pas libéral ? interroge un professeur d’université. Pourquoi dit-il, par exemple, que l’allongement de la formation initiale des professeurs est trop cher ? Très cher, d’accord, mais pourquoi trop ? Et par rapport à quoi ? On voit assez nettement les pistes prédéfinies. »
Le Groupe central se dit vigilant. « Globalement, on ne partage pas la vision de l’école du consultant, plutôt celle d’une école émancipatrice, relève un de ses membres. Mais on connaît McKinsey et personne n’est dupe. Si à un moment, on se rendait compte que ce qu’on a fait ne sert à rien, on partirait et tout le processus capoterait. » Ce qui serait politiquement désastreux. Et très embêtant pour McKinsey. Il fera tout pour l’éviter.
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