André Flahaut
Enseignement de la langue arabe : ouvrir un débat constructif est possible
Mes propos relatifs à l’enseignement de la langue arabe dans les écoles ont suscité une très vive polémique. Des agitateurs et des démagogues ont tiré occasion de ma proposition pour exciter les craintes à grands coups de caricatures et de remarques à l’emporte-pièce.
Force est de reconnaître qu’il s’agit là d’un sujet sensible. Lequel, je le sais, nourrit fantasmes et passions. Je n’ignore pas combien l’actualité nationale et internationale apporte, chaque jour, son lot d’angoisses et de doutes. Je comprends et respecte l’inquiétude exprimée par beaucoup. Elle est légitime. Certains, parmi nous, se sentent menacés dans leur identité, leur histoire, leur avenir. Je reste à l’écoute de chacun, mais refuse d’encourager la haine et le ressentiment.
Un engagement pour la démocratie
Dès lors, plutôt que de brosser les peurs dans le sens du poil, il faut avoir le courage d’aborder les sujets qui dérangent – quitte, parfois, à déplaire. Le travail du mandataire politique est là : susciter le débat et la discussion, être à l’écoute, oeuvrer pour faire changer les opinions afin d’améliorer le quotidien de tous les citoyens.
Dans ce contexte, autant dire que ma sortie n’est pas improvisée. Elle se situe dans la continuité d’un engagement de longue durée – lequel remonte à plus de vingt ans – pour la citoyenneté, la Mémoire et les valeurs de la démocratie, que ce soit en tant que Président de la Chambre, ministre au fédéral comme en Fédération Wallonie-Bruxelles, ou mandataire au niveau local. Qu’on pense, par exemple, à mon action pour que la Bataille de Gembloux-Chastre (10 mai 1940) puisse trouver sa place dans les livres d’Histoire des écoles[1], mais aussi aux nombreuses visites, notamment à Auschwitz, que j’ai pu organiser avec des jeunes et des moins jeunes de tous horizons.
Une option parmi d’autres
Promouvoir l’enseignement de la langue arabe : et pourquoi pas ? L’intention n’est évidemment pas d’imposer quoi que ce soit à quiconque, mais d’ouvrir une réelle possibilité d’apprentissage au sein des établissements du réseau officiel de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En quoi cela devrait-il représenter une menace ou un problème ?
Comprenons qu’il ne s’agit nullement de substituer la langue arabe au français, au néerlandais ou encore à l’allemand. Nul n’entend remettre en cause l’apprentissage indispensable des langues nationales : c’est un évident gage d’intégration pour tous. Il ne s’agit pas non plus d’amputer les enseignements d’histoire ou de géographie de leurs heures de cours – ce que d’aucuns, par malhonnêteté intellectuelle ou par populisme, ont fait mine de lire dans ma proposition.
S’ouvrir et concrétiser des débouchés
Le but est avant tout de faciliter l’accès à la langue arabe aux élèves qui le souhaitent – qu’ils soient ou non issus de l’immigration -, comme ceux-ci peuvent souhaiter apprendre le chinois, le grec, l’italien, l’espagnol ou le portugais. C’est dans cette direction qu’avait d’ailleurs été pensé, dès le milieu des années 70, le programme d’ouverture aux langues et aux cultures (OLC). Un programme dont il faut, dès à présent, concrétiser les débouchés, en tâchant de mieux l’adapter aux réalités du terrain. En d’autres termes, certaines opportunités existent déjà, mais elles demeurent encore mal ou peu exploitées.
L’arabe – dans ses différents dialectes – constitue la cinquième langue la plus parlée dans le monde, avec 290 millions de locuteurs natifs. C’est une réalité avec laquelle il faut compter, notamment sur le plan économique et commercial. Au reste, il s’avère indispensable à mes yeux de promouvoir le partage culturel et de faciliter les rencontres, les échanges pour mettre un terme aux stéréotypes qui pourrissent notre existence sociale.
L’apprentissage d’une langue étrangère – quelle que soit cette langue – représente toujours une occasion de tisser des liens, de s’ouvrir et de s’enrichir des différences d’autrui. Cette ouverture, lorsqu’elle s’opère dans les deux sens, permet de construire une vie plus harmonieuse fondée sur le respect de chacun.
Pour un enseignement laïque de qualité
Enfin, soulignons que faute d’un enseignement officiel de la langue arabe en FW-B, celui-ci reste, dans bien des cas, la prérogative officieuse de structures liées à des mosquées – dont les trois quarts ne sont pourtant pas reconnus par les autorités de notre pays. Les enfants reçoivent donc un enseignement linguistique à travers une éducation religieuse. Cette situation peut se révéler potentiellement problématique pour le « vivre ensemble ».
En tout état de cause, si l’on entend prévenir la radicalisation, il est indispensable de permettre, dès à présent, un meilleur contrôle du contenu et de la qualité de cet enseignement linguistique.
[1] Déposée à mon initiative, une résolution soutenant le travail de mémoire de la Bataille Gembloux-Chastre a été votée à l’unanimité par le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles le 22 novembre 2017.
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