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Enquête sur les subsides: trois idées pour éviter les caprices des ministres

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Les 80 000 subsides facultatifs distribués par les ministres de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne sont pas tous des caprices. N’empêche, il y a moyen de faire mieux… Voici comment.

Même encadrées comme elles le sont déjà, les subventions facultatives qu’octroient les ministres peuvent s’entourer d’une vague impression d’arbitraire. Et cette impression n’est pas toujours totalement dénuée de fondement.

Ce type de subsides n’existe d’ailleurs plus au niveau fédéral, à la fois parce que la fédéralisation a dépourvu ce niveau de pouvoir de beaucoup de ses capacités, mais aussi parce que la méthode facultative ne cadre plus fort avec les exigences contemporaines de bonne gouvernance. Ces subventions peuvent, pourtant, être un instrument de politique publique par lequel un élu peut mettre en œuvre relativement rapidement – dans le privé, on dirait «avec agilité» – ses priorités, celles pour lesquelles l’électeur l’a choisi, lui plutôt qu’un autre.

Mais elles ont mauvaise presse pour au moins trois raisons. Parce qu’elles s’intègrent bien à une méfiance généralisée envers le monde politique, d’abord. Parce qu’elles semblent toujours nécessairement injustes à ceux qui ne les reçoivent pas ou à ceux qui estiment qu’ils n’en reçoivent pas assez, ensuite. Enfin, parce qu’un système dans lequel des associations doivent se baser sur la décision d’une personne pour payer leur personnel ou leurs frais de fonctionnement, fondamentalement, n’est pas un système sain.

Ces habitudes politiques, souvent taxées de manque de transparence et encore plus souvent accusées de copinage, pourraient s’exercer un peu plus vertueusement. Le Vif a l’honneur de suggérer trois astuces aux ministres wallons et de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour rendre cette extrémité du régime de liberté subsidiée moins contestable.

1. Respecter ses propres engagements

La transparence est un remède toujours apprécié contre la méfiance. C’est du reste en son nom que, dès l’été 2017, les nouveaux partenaires wallons CDH et MR justifiaient la publication du premier cadastre des subsides jamais mis en œuvre en Belgique. La Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région de Bruxelles-Capitale ont emprunté la même direction, si bien que l’on pourrait croire cet inextinguible soif de transparence étanchée. Depuis, avec toute leur équipe, les gouvernement s’y engagent: toutes ces informations seront livrées dans une exemplaire limpidité.

Or, ce n’est pas le cas, et les assoiffés qui s’aventureraient, comme l’a fait Le Vif, à examiner ces cadastres resteront vite sur leur faim.

D’abord parce que les outils sont peu ergonomiques, que tout n’y est pas complet, et qu’ils ont tout pour ne pas être comparables. La Fédération Wallonie-Bruxelles met en ligne chaque année toutes les subventions de tous les types, tandis que le cadastre de la Région wallonne ne présente que les subsides facultatifs, et la Fédération Wallonie-Bruxelles publie chaque trimestre les noms des bénéficiaires, mais pas l’activité pour laquelle ils sont financés, alors que la Région Wallonne, elle, présente aussi bien l’appellation des bénéficiaires que le projet pour lequel on les subsidie.Ensuite parce qu’entre l’engagement théorique et sa mise en pratique, il y a une gigantesque distance, que Le Vif a pu mesurer en préparant ce dossier.

Pour l’obtention des données wallonnes, en particulier, la recherche prit les apparences d’une quête. Au secrétariat général du SPW, l’employé wallon chargé de récolter ces données et de mettre le cadastre à jour était, nous a-t-on dit il y a plusieurs semaines déjà, en burn-out depuis plusieurs mois, et le cadastre en ligne n’a plus été alimenté correctement depuis une belle poignée de trimestres.

Il a fallu alors s’accorder avec chaque cabinet ministériel, sous le pilotage de celui du ministre-président, pour recevoir les données censées être accessibles presque automatiquement sur Internet. Et toutes ces données n’ont pas été livrées avec le plus ergonomique sens de la transparence. Il y a eu des fichiers Excel et des fichiers PDF impossibles à convertir. Plusieurs milliers de subventions ne contenaient pas le code postal du siège du bénéficiaire, qu’il a fallu identifier et localiser ligne par ligne

2. Installer un guichet unique

Comme les communes cherchent de plus en plus à engager un subsidiologue pour apaiser leur frustration et attirer de l’argent, les associations susceptibles de percevoir un financement déplorent parfois être passées à côté d’un appel à projets, ou, encore plus souvent, ignorer avoir droit à une subvention. Et comme les entreprises, auxquelles sont proposés (oui, c’est un paradoxe) plusieurs guichets uniques pour accéder aux divers types d’aides publiques, les associations et organisations concernées devraient pouvoir trouver rapidement les possibilités qui se présentent à elles. Aujourd’hui, l’onglet «bénéficiaires» du site sur lequel est censé être mis en ligne le cadastre actualisé des subsides wallons renvoie à trois liens différents (le site de la Wallonie, les compétences de la Région et la composition du gouvernement), dont un n’est plus actif.

Et l’onglet précise bien que «la demande de subvention est à adresser au ministre dont les compétences correspondent à votre activité».

Un guichet unique, géré par l’administration, qui orienterait ensuite les demandes vers les ministres ou les départements compétents, atténuerait peut-être cette frustrante impression de dépendre d’un bon vouloir édilitaire. Et ce guichet unique ne priverait pas, en bout de procédure, l’édile en question de l’exercice de son bon vouloir.

3. Aller vers l’automatisation des droits

Une autre piste, plus radicale, est empruntée à une vieille revendication, jamais satisfaite parce qu’impayable, des partis de gauche. Elle serait plus juste et plus efficace, mais plus coûteuse, et enlèverait toute autonomie de décision aux ministres et même à l’administration. Face à l’énorme proportion de non-recours aux droits caractérisant certaines aides sociales, que leurs bénéficiaires potentiels ne réclament pas, la possibilité de les attribuer de manière automatique, en croisant certaines bases de données, est souvent réclamée. On le promet sans pouvoir le faire pour les aides sociales, on pourrait tout autant le faire sans nécessairement le promettre pour les subsides facultatifs: toute personne morale présentant certaines caractéristiques recevrait ainsi l’argent qu’elle aurait reçu si elle avait connu le ministre qui les attribue. Ou si le lien sur lequel elle avait cliqué menait quelque part.

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