Energie verte : les problèmes d’approvisionnement freinent la ruée sur le photovoltaïque
L’explosion du prix de l’énergie a dopé l’intérêt des particuliers pour les panneaux solaires. Mais les carnets de commande sont remplis et les délais s’étirent. Le point avec Benjamin Wilkin, directeur d’Energie commune, ASBL active dans l’information, la sensibilisation et la formation sur les énergies renouvelables.
A quel point la demande est-elle importante aujourd’hui ?
Elle est deux à trois fois supérieure à ce qu’on a connu au cours des précédentes bonnes années, comme en 2012 et en 2020. Le nombre de commandes est énorme mais nous sommes aujourd’hui confrontés à un gros problème : les installations ne suivent pas. Il y a notamment un souci avec les onduleurs, ces boîtiers qui pilotent l’installation et qui transforment le solaire en courant alternatif, et qui font partie des objets qui n’échappent pas à la pénurie de matériel électronique que nous vivons. Comme les carnets de commande sont pleins, il faut s’attendre à un période d’attente qui peut aller jusqu’à un an. Augmenter les effectifs ne résoudrait rien puisqu’il s’agit d’une question de disponibilité du matériel.
Qu’est-ce qui explique cette indisponibilité ?
Elle est due à une pénurie de puces. Le phénomène est mondial : les fabricants ne sont pas assez nombreux et l’offre n’est pas assez importante que pour satisfaire la demande en électrique. L’Europe a pour objectif des développer cette industrie mais cela ne pourra pas se faire à court terme.
Il y a aussi le problème de la bulle photovoltaïque…
En Belgique, le photovoltaïque n’est rien du tout par rapport au marché mondial, qui connait une croissance importante un peu partout. Globalement, c’est un marché qui n’arrête pas d’augmenter de façon exponentielle. Chez nous aussi, il évolue à la hausse mais il ne fait que rejoindre le reste du monde. Il est d’ailleurs intéressant d’analyser la communication faite par certains acteurs autour de cette bulle et du désenchantement par rapport aux certificats verts car en réalité les aides ont diminué pour la simple et bonne raison que les prix des panneaux solaires ont chuté. Il n’y a donc plus vraiment de raison d’imaginer des subsides, sauf pour ceux qui n’ont pas accès au financement. Surtout que des solutions existent déjà comme le prêt à taux zéro qui peut être obtenu auprès de la Société wallonne du crédit social.
Qu’est-ce qui dope le plus la demande selon vous : le prix de l’énergie ou la conscience écologique ?
Clairement, les demandes sont avant tout motivées par le prix de l’énergie. De nombreuses personnes y voient sans doute aussi un intérêt environnemental mais dans 85% des cas, ce sont les incitants économiques qui les poussent à sauter le pas. Jusqu’il y a peu, il est vrai qu’il fallait attendre huit à dix ans pour voir les premiers effets. Un horizon lointain qui décourageait les gens qui voulaient obtenir une diminution rapide de leur facture. Mais aujourd’hui, les délais de rentabilités sont beaucoup plus courts et les effets immédiats. Ca montre aussi que le marché est quelque part orienté en fonction des émotions, tantôt liées au prix de l’énergie quand il est à la hausse, tantôt à des questions de scepticisme, quand il est en recul.
Et au budget des familles…
Aujourd’hui pour 4500 euros, on peut disposer d’une installation très correcte pour une consommation raisonnable pour 25 à 30 ans. Mais nous ne sommes pas habitués à investir sur le long terme. On met tout en balance. Avec le photovoltaïque, on se situe au niveau énergétique et économique. C’est une question de commodités. Quand on place une fenêtre de toit, on ne se demande pas si ce sera rentable. Avec les panneaux solaires, on réfléchit au remplacement d’un service dont on bénéficie déjà grâce aux autres sources d’énergie. L’investissement est donc vu comme une dépense accessoire, sauf s’il permet de faire baisser la facture…
Encore faut-il être propriétaire ?
Peu de gens investissent à long terme s’ils ne sont pas propriétaires. Mais de nouveaux modèles économiques sont sur le point d’arriver, comme le fait de partager l’électricité renouvelable entre plusieurs occupants d’un bâtiment. Des cadres légaux ont aussi été mis en place pour créer des communautés d’énergie. Ca va permettre à ceux qui ne sont pas propriétaires d’accéder au photovoltaïque, notamment en achetant l’électricité excédentaire de son voisin qui, lui, a une plus grande capacité (NDLR : les directives européennes ont été transposées en droit wallon par le décret adopté par le Parlement wallon le 4 mai 2022. A Bruxelles, l’initiative fait partie du Plan Air Climat Energie). Il y a vraiment un gros engouement pour ces solutions : on compte déjà plus d’une centaine de demandes d’initiatives de partage. Mais il faudra compter une année pour les mettre en place.
D’autres freins sont régulièrement cités. La taille du toit ou l’orientation de la maison, par exemple…
A partir de 10 à 15 mètres on peut démarrer une installation. Aujourd’hui on dispose de panneaux à haut rendement qui permettent de couvrir une base de consommation intéressante. Quant à l’orientation, il faut savoir qu’il n’est pas forcément nécessaire d’avoir un logement orienté plein sud. S’il est orienté est-ouest, c’est même presque plus intéressant. On peut alors équiper les deux toitures et répartir la production sur une période plus longue au cours de la journée. Cela permet d’être plus en phase avec la répartition de votre installation qui va produire un peu moins à midi mais plus le matin et le soir, ce qui correspond davantage à nos habitudes de vie en matière de consommation.
Le fait qu’il y ait trop peu de soleil chez nous pour que l’installation soit rentable, c’est aussi une croyance ?
Ca fait 15 ans qu’on se bat contre cette idée. Si on table sur les 6 mois durant lesquels l’ensoleillement est maximal, on obtient déjà un apport suffisant pour couvrir tout un tas de besoins. Bien sûr, il faut penser efficacité énergétique mais aussi sobriété. L’énergie renouvelable permet que nos comportements aient un impact moindre sur la consommation mais il faut aussi que celle-ci soit revue à la baisse.
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