Joyce Azar
En Flandre, une rentrée sous l’ombre du voile
Les rentrées passent et se ressemblent. Chaque année, peu avant septembre, les mêmes sujets refont surface au nord du pays : pénurie d’enseignants, baisse du niveau des élèves et, au coeur des discussions, l’interdiction du port du foulard islamique.
C’est désormais presque une tradition : la question du voile à l’école accapare les médias et s’immisce dans le débat public. Cette fois pourtant, le contexte est tout autre. La polémique intervient sur fond d’une montée de l’extrême droite et de tractations politiques dans le cadre du prochain gouvernement régional.
L’importance accordée aujourd’hui à l’identité flamande atteint tous les domaines susceptibles d’être concernés. S’agissant du voile, les épisodes tendent à prendre l’allure d’un soap opera sans fin. Depuis 2013, l’interdiction de symboles religieux et philosophiques à l’école est généralisée au sein de l’enseignement communautaire flamand, alors que le Conseil d’Etat avait préalablement jugé que la mesure violait la liberté de religion. Au fil du temps, les affaires judiciaires se sont enchaînées. L’an dernier, le tribunal de Tongres avait jugé que deux adolescentes de Maasmechelen étaient en droit de se voiler au sein de leur établissement. Il y a quelques semaines, à Louvain, le verdict concernant une lycéenne allait dans le même sens : aucune circonstance particulière ne justifiait, selon le juge, une telle interdiction. Quelques jours plus tard, à Gavere, c’est le gouverneur de la province de Flandre-Orientale qui a lui-même suspendu la décision du conseil communal d’introduire cette même restriction dans le règlement des écoles locales, arguant que la mesure n’était pas suffisamment motivée.
Pour éviter que les élèves de confession musulmane continuent à faire appel à la justice, et pour » assurer la neutralité de l’enseignement officiel flamand « , les nationalistes flamands ont exprimé leur volonté d’inscrire l’interdiction des signes religieux à l’école dans la loi, via un décret. L’intention se retrouve d’ailleurs dans la note de Bart De Wever pour le prochain gouvernement flamand. La N-VA risque toutefois d’être confrontée à un obstacle : pour être adoptée, la mesure doit réunir la majorité des deux tiers du parlement flamand, mais les chrétiens-démocrates du CD&V sont divisés sur la question. La solution pourrait dès lors venir d’un appui de l’opposition, provenant principalement du Vlaams Belang. Mais dans le cas d’une approbation, la réglementation n’est pas à l’abri d’un éventuel recours devant la Cour constitutionnelle ou la Cour européenne des droits de l’homme.
En mai dernier, une étude à grande échelle de la KULeuven a démontré que les écoles secondaires flamandes qui ne rejettent pas les différences culturelles parviennent à mieux réduire l’écart de réussite entre les élèves issus de l’immigration et le reste de la classe. Ce résultat ne semble pas pour autant être pris en compte par les politiques, alors que le recul alarmant du niveau des écoliers flamands inquiète tous les partis. Des mesures en vue d’améliorer les notes scolaires pourraient s’avérer plus constructives et moins polarisantes que celles que l’on tente de faire passer au nom du respect des droits des femmes et de la laïcité.
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