Joyce Azar
En Flandre, le monde associatif dans la tourmente
Les organisations « basées sur l’origine ou les convictions » vont-elles bientôt perdre le soutien financier que leur accordaient jusqu’ici les autorités flamandes ? C’est en tout cas ce que laisse présager un paragraphe de la note de politique d’intégration de la N-VA, rédigée dans le cadre de la formation du prochain gouvernement flamand.
Fin août dernier, cette volonté avait fuité dans le quotidien De Morgen, provoquant une onde de choc dans le monde associatif du nord du pays. Au début septembre, 78 organisations de la société civile ont diffusé une lettre ouverte dans laquelle elles expriment leur profonde inquiétude.
Les signataires du texte proviennent des secteurs les plus divers, allant des mouvements de jeunesse aux syndicats, en passant par les mutualités, les associations de défense des droits des femmes ou LGBT, le réseau de lutte contre la pauvreté et, au premier plan, le Forum des minorités. Fonctionnant principalement grâce à des subsides flamands, celui-ci se retrouverait menacé de disparition si la proposition de la N-VA venait à être approuvée. Pour les nationalistes flamands, la mesure cadre avec la volonté de mener une politique d’inclusion. Mais d’après les signataires, » la suppression progressive des organisations soutenant l’égalité des chances et l’intégration » sera justement » néfaste à une société inclusive « . Ils préviennent aussi : » Sans nous, chaque citoyen deviendra une petite île qui devra se débrouiller seule pour survivre lorsque ses droits seront limités. »
Autre crainte des associations : celle de se retrouver forcées de fusionner. Lors de la précédente législature, les asbl qui assuraient le parcours d’intégration des nouveaux arrivants ont été regroupées au sein d’une seule et même agence. La réforme a mené au licenciement de 170 employés. Elle a aussi, selon les critiques, engendré une perte d’autonomie par rapport au gouvernement flamand. Et les bruits de couloir évoquent une nouvelle fusion, concernant cette fois les associations de lutte contre la pauvreté.
Aux yeux du professeur en sociologie de la VUB, Mark Elchardus, il s’agirait avant tout d’une question de » primauté politique « , et d’un retour du pouvoir aux » élus du peuple « . La déstructuration du monde associatif touche aussi d’autres pays européens, principalement ceux où un parti populiste est aux manettes. Si aujourd’hui le Vlaams Belang est officiellement exclu des négociations flamandes, les multiples entretiens entre la N-VA et le parti d’extrême droite ont laissé des traces.
Aujourd’hui, les organisations de la société civile forment un pont entre les autorités et les citoyens, en particulier les groupes minoritaires ou vulnérables. Pour beaucoup, une suppression des subsides mettrait à mal le pluralisme de la société. Le professeur en gouvernance publique de l’UGent, Bram Verschuere, reste toutefois optimiste. Il évoque un glissement d’une société civile classique vers des organisations moins traditionnelles : » On voit par exemple des gens s’unir autour du climat, du droit animal ou de l’intégration. » Reste à voir si d’autres problématiques susciteront le même engouement citoyen.
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