Nicolas Baygert
En finir avec la schizophrénie institutionnelle
Alors qu’au fédéral, le « stop communautaire » prévu par l’accord de gouvernement permet aux partis de la majorité de savourer une Pax Belgica, du côté des entités fédérées, les ingénieurs institutionnels n’ont guère l’intention de ranger leur boîte à outils.
En quelques semaines, la Fédération Wallonie-Bruxelles (ex-Communauté française) fut torpillée sur deux fronts. D’abord par Pierre-Yves Jeholet et Jean-Luc Crucke (MR), adeptes d’une Belgique à quatre Régions, rejoints par trois députés wallons PS prônant, dans une carte blanche, « la création de deux pôles régionaux forts et complémentaires ». Objectif: simplifier, rationaliser. La complexe lasagne institutionnelle confectionnée par plusieurs générations de Tops Chefs politiques s’avère actuellement trop sophistiquée, surchargée, voire indigeste – même pour les initiés.
Sus à la FWB? Un « suicide de l’unité francophone et un cadeau dangereux à la N-VA », estime Joëlle Milquet (CDH), digne héritière des députés PSC qui, en 1947 déjà, rejetèrent une motion fédéraliste inspirée de la conclusion du Congrès national wallon (1945) et du célèbre discours de Fernand Dehousse.
En finir avec la schizophrénie institutionnelle
Or, comment en vouloir aux effrontés régionalistes? Du côté wallon, la machine symbolique identitaire tourne à plein régime. Une opération de marketing territorial soutenue déboucha sur une valse de sigles (re-branding oblige) sur l’attribution de « mérites wallons », sur un parlement wallon renommé « parlement de Wallonie ». Un nation-building par petites touches cosmétiques censé accompagner l’émancipation institutionnelle à marche forcée inscrite dans la sixième réforme de l’Etat. Une consolidation identitaire qui, après la Flandre, s’inscrirait également dans un « processus inéluctable » vers l’autonomie? D’après les trois frondeurs socialistes, « seules les régions disposant d’une identité forte et d’un lien étroit entre leurs politiques économique, éducative et culturelle peuvent assurer pleinement leur redressement ».
S’opposent donc les régionalistes, ragaillardis par de nouvelles compétences, et les tenants du fait communautaire, partisans d’un patriotisme wallo-bruxellois défensif. Freinant des quatre fers devant toute velléité réformiste prompte à « nourrir le nationalisme flamand », les gardiens de la Fédération voient en celle-ci la première concrétisation du « Plan B », cette position de repli chère à l’ex-ministre-président bruxellois Charles Picqué. Un paradoxe, puisque la FWB – « fédération bouclier » – conforte la « deweverisation des esprits »; vision binaire de deux démocraties concomitantes que tout oppose. Pure création top-down, la FWB dut, dès le départ, esquiver des critiques portant sur sa dénomination « anticonstitutionnelle ». Aujourd’hui, face à une Wallonie enracinée, l’engouement reste plus que modeste et ce, malgré une fête instituée aux alentours du 27 septembre – une « Saint-Plan B ».
Il n’y a toutefois aucune logique à maintenir ce nation-building concurrentiel au sein d’un même espace démocratique francophone; cette cacophonie identitaire mue par une dynamique d’affrontement, voire un délire de persécution.
Tandis que certains paraissent dorénavant incapables de penser une communauté politique qui inclurait encore la composante flamande, un régionalisme à quatre supposerait un apaisement, une refondation institutionnelle inclusive, ouverte à la Flandre et aux germanophones, misant ainsi sur un pragmatisme territorial. Et s’il était là, le véritable « chantier des idées »? Un reboot du fédéralisme belge.
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