Emmanuel Bawin (Les Petits Riens) : « nous voulons être acteurs de changement »
L’ASBL Les Petits Riens est connue pour ses boutiques de vêtements et de meubles de seconde main. Et pourtant, l’organisation a un pan social, qu’elle développe depuis de nombreuses années : l’hébergement de sans-abris et l’accompagnement social. En période de confinement, l’ASBL poursuit son activité d’accueil et d’hébergement. Témoignage.
Les Petits Riens ont dû fermer leurs boutiques de seconde main, dès l’annonce des mesures annoncées par le Conseil national de Sécurité. Le service d’accompagnement social (réinsertion socioprofessionnelle) est, quant à lui, pratiquement à l’arrêt. Les Petits Riens poursuivent, cependant, l’accueil des sans-abris dans leurs deux maisons d’hébergement. Cette dernière activité connait un boom et a dû être renforcée depuis le début du confinement.
L’hébergement des sans-abris sécurisé
Les Petits Riens ont deux maisons d’accueil qui hébergent en tout 80 sans-abris.
Afin d’éviter une situation semblable aux maisons de repos, un dispositif a été mis en place pour éviter la contamination au sein des deux hébergements. Il fonctionne en deux étapes. La première, dès qu’une personne montre des symptômes : elle est isolée dans une aile consacrée à un « préconfinement » au sein de la maison. Cette personne est suivie par deux médecins qui travaillent avec l’institution. Comme le précise le Directeur des Petits Riens, Emmanuel Bawin : « au moindre doute, une chambre individuelle est allouée à la personne suspectée Covid-19 dans une aile de l’établissement prévue à cet effet. Les repas lui sont servis dans sa chambre et la personne a des sanitaires qui lui sont propres. Nos deux médecins évaluent la situation et analysent si la personne peut quitter ou non après une semaine l’aile de ‘préconfinement’. » La deuxième étape est celle de l’apparition de symptômes inquiétants chez la personne suspectée Covid-19. Le résident est, alors, redirigé vers des lits de confinement mis en place par la Région bruxelloise, en partenaire avec le Samu social et la Croix-Rouge. Si la situation continue de se détériorer, la personne est admise à l’hôpital.
Cette politique de préconfinement a permis aux Petits Riens de ne recenser aucun cas de coronavirus au sein de leurs maisons d’accueil jusqu’à ce jour et ainsi d’éviter les contaminations des autres résidents.
Des repas et colis alimentaires
L’ASBL remarque que le nombre de bénéficiaires est en hausse depuis le début du confinement. C’est du moins le constat que l’organisation fait dans la distribution de repas chaud le midi et de colis alimentaires. « Nous distribuons 200 repas chauds le midi. Il s’agit de 120 repas en plus que d’habitude. », affirme Emmanuel Bawin, Directeur des Petits Riens. Les repas sont distribués dans les maisons d’accueil des sans-abris ainsi que dans deux restaurants solidaires bruxellois. « Ce service a dû être renforcé depuis le début du confinement », poursuit Christine Rousseau, porte-parole de l’ASBL.
« À côté des repas, nous avons mis en place la livraison de colis alimentaires. À partir de 600 kilos de vivres, nous avons pu livrer des colis à 50 familles en 10 jours. », ajoute l’attachée de presse. « Nous remarquons que l’urgence des personnes en situation de précarité depuis le confinement est la nécessité de s’alimenter », confie-t-elle.
Le textile à l’arrêt : conséquence sur les actions sociales
Pour des raisons de propreté publique, la collecte des bulles à vêtements se poursuit : « les personnes peuvent continuer leur don. Nous leur demandons de mettre les vêtements dans des sacs fermés, car les bulles ne sont pas étanches. », affirme Christine Rousseau. Cependant, « nous avons réduit la capacité de récolte. Auparavant, il y avait trois personnes par camion. Aujourd’hui, un seul chauffeur collecte, car il ne doit y avoir qu’une personne par camion. Le service fonctionne au ralenti, mais se poursuit afin d’éviter des déchets autour des bulles ». Par ailleurs, « nous nous demandons où stocker tous ces vêtements. Nous avons un centre de tri à Anderlecht, mais nous sommes en train de visiter plusieurs entrepôts, car nous commençons à nous sentir à l’étroit », conclut-elle.
Les boutiques sont fermées, comme toutes les autres boutiques jugées non essentielles par le Conseil national de Sécurité. Cela a des conséquences majeures pour l’ASBL, qui utilise les bénéfices de son activité liée au textile pour financer leurs actions sociales (accompagnement social et hébergement des sans-abris).
Un déconfinement en trois axes
Emmanuel Bawin confie : « Nous sommes, pour le moment, suspendus aux lèvres de Sophie Wilmès et nous attendons des informations précises pour la suite ». Cependant, il présente un plan d’après confinement qui suit trois axes :
- Refaire vivre le poumon de l’économie sociale de l’ASBL : la partie seconde main dégage les fonds qui font vivre nos actions sociales (hébergement et accompagnement social). « Pour le moment, ce sont autant de revenus qui ne rentrent plus », insiste le Directeur des Petits Riens. « Nous travaillons sur la prévention pour les clients qui se rendront dans nos boutiques », ajoute-t-il.
- Servir le nouveau public de l’ASBL : « des personnes indépendantes ou qui travaillaient en noir sont actuellement en situation de précarité. Nous comptons, dès lors, intensifier notre travail envers ce nouveau public qui vit dans la précarité à cause de la crise sanitaire », précise Emmanuel Bawin.
- « Seconde main, seconde vie » : selon le directeur de l’ASBL, le monde aura changé après cette crise et les Petits Riens veulent être acteurs de ce changement. « Nous souhaitons travailler avec des produits alimentaires durables, sécuriser notre chaîne d’approvisionnement et réaliser un travail de diversification dans ce sens », conclut-il.
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