Émeutes après le match Belgique-Maroc : « Le foot est le seul sport qui cristallise autant le mal-être populaire »
Avec les émeutes de ce dimanche 27 novembre en marge de la rencontre Belgique-Maroc, le football a encore été sali. Une impression de déjà vu en cette fin d’année après l’arrêt de la rencontre Standard-Anderlecht en octobre et le triste spectacle proposé par les supporters de Charleroi début du mois de novembre. Une violence qui s’accroche inexorablement à ce sport… Mais pourquoi ?
Match de la honte », « tifo de la honte, « après-match de la honte ». Des termes que le public connait désormais par cœur. Les événements de ce dimanche ont, une fois de plus, donné raisons à ceux qui, effectivement, pensent que le football, c’est la honte. Pourquoi les exemples de violences dans la sphère footballistique continuent de se répéter ?
Trouver une réponse tranchée n’apparait pas aisé voire impossible. Il demeure que quelques pistes permettent, à défaut de comprendre, de ne pas tout mélanger. « Le football est un sport populaire au sens où il réunit, à lui-seul, toutes les couches de la population contrairement aux sports plus élitistes, explique Thierry Zintz, professeur à l’Université Catholique de Louvain et ancien vice-président du Comité Olympique Interfédéral belge. En s’adressant à toutes les catégories sociales, le football devient un sport qui décuple les émotions populaires. Dès lors, il est aussi le seul sport qui cristallise autant le mal-être populaire. On peut donc sentir le spectre des difficultés économiques et sociales qui planent au dessus de ce genre de débordements. »
Des débordements qui, tout comme la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, le faisait remarquer, n’ont pas de liens avec un quelconque amour du ballon rond. « Selon la police, des casseurs se seraient infiltrés dans l’événement positif que symbolise une victoire lors de la Coupe du Monde, rappelle Thierry Zintz. On remarque d’ailleurs toujours une scission affirmée peu après ce genre de débordements. Dimanche, les supporters marocains ont immédiatement souligné qu’ils n’y étaient pour rien. Tout comme le président des supporters de Charleroi qui, début du mois, émettait le souhait de ne pas être assimilé aux fauteurs de trouble cachés en tribune. »
Des faits qui trouvent bien souvent leur naissance dans nos instincts les plus profonds mais qui peuvent avoir des conséquences de plus grande envergure comme le souligne Thierry Zintz. « L’être humain est un animal grégaire. C’est ainsi que des hommes comme Trump ou Bolsonaro ont connu le succès. En parlant à l’oreille du peuple, ils entraînent un effet de masse. Lorsque des individus violents se dressent à la tête d’un groupe, tout peut basculer. La masse permet également aux fauteurs de trouble de se camoufler et d’entrainer les têtes brulées faisant partie, dans ce cas-ci, d’un groupe de supporters. »
Une question persiste encore et force la réflexion. Que se passe-t-il lorsque l’agressivité quitte le stade pour rejoindre la voie publique ? « J’ai parfois entendu que, tant que le mal-être social se déchaînait dans l’enceinte du stade, ce n’était pas si grave, relève le spécialiste en économie et sociologie du sport. Or, permettez-moi d’en douter lorsque je vois un immense tifo exposant le tête décapitée de Steven Defour. Cependant, il est évident qu’il y a eu un effet d’opportunité dû à la liesse générale pour transiter vers la rue et détériorer du mobilier public et privé. Ce n’est plus uniquement du football. On entre dans la violence gratuite qui peut mener à la récupération politique. Il suffit de voir comment le Vlaams-Belang a sauté sur l’occasion. »
Des actes qui, selon Thierry Zintz, viennent entacher la légitimité de ceux qui souhaitent célébrer de façon respectueuse le succès de leur équipe. Toujours est-il que l’histoire retiendra plus aisément les écarts plutôt qu’une belle victoire.
Thomas Parent
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