César Botero González
« Elio Di Rupo nous prend pour des imbéciles »
Le 30 janvier 2017, j’ai écrit ici pour la première fois » Elio Di Rupo doit démissionner« . Aujourd’hui, je redemande sa démission. Les raisons invoquées l’année passée restent valables ainsi que celles qui viennent s’ajouter depuis lors. Quand on n’est pas à la hauteur des enjeux, on démissionne.
Le président à durée indéterminée du PS, dans son gazouillis posté urbi et orbi le soir du 14 octobre, nous dit avec un sérieux qui incite au fou rire des observateurs et à la colère des militants : « Les résultats de ce soir sont de très bon augure pour la prochaine échéance électorale. Je me consacrerai avec force et détermination à la préparation des élections législatives afin de remporter le scrutin en mai 2019 avec autant de succès que ce soir. »
Son immense pouvoir de synthèse lui permet de nos infliger en trois lignes trois énormités et de nous prendre pour des imbéciles. Ce n’est pas la première fois. Rappelez- vous, cher lecteur, quand il nous a dit, le 30 avril 2017 à la RTBF, qu’il avait appris l’affaire Publifin dans la presse, comme tout le monde. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Il est regrettable que sa récidive soit encouragée par la crédulité de quelques inconditionnels qui, comme lui, ont intérêt à déformer les faits.
Première énormité : On croit rêver. « Les résultats de ce soir sont de très bon augure pour la prochaine échéance électorale ». Si, il l’a dit : « de très bon augure ». Vous pouvez le vérifier.
« Les résultats de ce soir », confirmés le lendemain, indiquent que le PS reste le premier parti en Wallonie certes, mais qu’il perd de voix presque partout : Charleroi -6.40%, Liège -7.21%, Mons son fief -10.91%, Namur -9, 88%, La Louvière -6.68%, Seraing -7,58%, Tournai 6,27% et le reste des communes c’est pareil, à part quelques exceptions. En outre, les analystes nous disent que le PS n’est jamais descendu aussi bas, mais nous savons tous qu’il est possible de faire passer une défaite pour une victoire. On a gagné quand on a perdu 7% au lieu de 10%. On a donc gagné 3%. Cela s’appelle avancer en reculant ou recul positif. On recule pour mieux sauter. On recule, mais on se maintient. Je l’ai entendu de mes propres oreilles entendu. On est au bord du précipice, mais il ne faut pas s’affoler, il suffit de ne pas faire un pas de trop. On peut même invoquer Winston Churchill : « Le succès consiste à aller d’échecs en échecs sans perdre son enthousiasme », mais Elio n’est pas Winston et celui-ci changea de stratégie après les premières défaites. C’est donc l’alchimie à la sauce Di Rupo, chimiste de formation, illusionniste par vocation et raconteur des carabistouilles par nécessité. Et il a fait des émules.
Nous actons. Les résultats sont de très bon augure. C‘est Elio Di Rupo qui le dit ; et il est le président légitime du PS parce qu’élu démocratiquement. Mais il faut le rappeler encore une fois : une élection n’octroie jamais une légitimité à vie. Elle peut se perdre en cours de mandat. Cela arrive souvent.
Deuxième énormité : Je me consacrerai avec force et détermination à la préparation des élections législatives.
Sa force et sa détermination on les connaît. Si on ne le retient pas, il fait un malheur. Et ça il ne veut pas. C’est un coeur tendre. Souvenez-nous de sa phrase la plus célèbre : « J’en ai marre des parvenus, etc. Certains parvenus furent exclus certes, mais d’autres sont toujours là. Des politiques mêlés à l’affaire Publifine se sont présentés aux élections et ont été élus. Alain Mathot a dû s’éclipser le temps d’une élection, mais jouit encore de l’immunité parlementaire grâce au PS et surtout à la NVA, bien que celle-ci abhorre les Wallons surtout quand ils sont socialistes. C’est bizarre. Ce garçon est toujours membre du parti. Willy Demeyer, figure de proue de Liège, n’est au courant de rien. Jean-Claude Marcourt non plus. Ce sont des gens qui ont fait de la discrétion leur vertu de prédilection. Ils ne veulent pas se mêler des affaires des autres. Et ils sont toujours là.
Troisième énormité : remporter le scrutin en mai 2019 avec autant de succès que ce soir. »
Il faut se frotter les yeux et relire le texte pour constater qu’il a dit en effet : « …avec autant de succès que ce soir ». C’est étonnant venant d’un homme dont j’ai toujours entendu dire qu’il est abstème.
Des affirmations pareilles prouvent que Elio Di Rupo :
- croit aux discours incantatoires et à la naïveté des électeurs pour nous faire accepter que le PS a gagné le 14 octobre.
- est convaincu de l’efficacité de sa stratégie et veut la maintenir.
- n’a pas compris que les citoyens veulent une autre politique que celle qu’il incarne.
- semble ignorer que les Wallons et les Bruxellois de gauche ne veulent pas faire partie d’une des majorités régionale et fédérale à n’importe quel prix.
- ignore que nous n’avons rien à cirer de son intérêt particulier, redevenir Premier ministre, en le faisant passer pour l’intérêt général.
- a fait du « Chantier des idées » une grande messe pour nous faire croire que les militants prenaient la parole pour contribuer au renouveau du parti qui n’a pas encore vu le jour.
- n’a pas compris qu’en 2018 les partis ne peuvent plus faire de la politique comme il y 50 ans.
- n’accepte pas que nous sommes nombreux à en avoir assez de le voir à la tête du parti.
Nous pouvons ainsi re-gazouiller son gazouillis : »les résultats du 14 octobre sont un avant-goût de la prochaine échéance électorale. Je me consacre déjà avec force et détermination à la préparation de la défaite électorale de mai 2019 avec le même empressement que le 14 octobre ». Vous avez compris qu’il donne lui-même l’argument pour exiger sa démission.
Mais ne soyons pas injustes. Elio Di Rupo n’est pas le seul responsable des mauvais résultats électoraux. N’oublions pas les responsables locaux. Dans la plupart des cas, ils ont maintenu leurs pratiques de clientélisme, copinage, intérêts personnels… comme au bon vieux temps. De nombreux élus ont fait déjà trois, quatre, cinq mandats et même plus. Attirer les jeunes, ou des nouvelles têtes pour remplacer les vieilles qui n’ont plus rien à faire dans un conseil communal ? Oui bien sûr, mais a des places non éligibles. Il ne faut pas être trop perspicace pour comprendre que leur principale motivation est l’intérêt personnel déguisé en intérêt général. Leur joie d’être élus contraste avec l’absence des regrets pour les voix et les sièges perdus. Aucune autocritique, l’important c’est d’avoir été élus. Pour le reste, on s’en balance. Ils suivent les exemples qui viennent de plus haut. Heureusement la grande majorité des militants essayent d’apporter un souffle nouveau au PS.
Elio Di Rupo nous prend pour des imbéciles
Faisons un peu de justice distributive. Olivier Chastel et Benoît Lutgen ont gagné aussi à la manière dirupienne : avancer en reculant. Leur faute est aussi grave que celle du PS. Le Mr a reçu une raclée à Bruxelles et en Wallonie et le CDH régresse dans toutes les provinces. Comme le PS, plus ils perdent plus ils veulent donner l’impression d’avoir gagné et plus ils méprisent les citoyens avec une rhétorique trompeuse.
Il convient maintenant de se demander si Elio Di Rupo va réellement changer de stratégie ou s’il n’est pas trop tard pour confier le gouvernail à Paul Magnette. Le problème est de savoir s’il vaut mieux que Magnette devienne le président d’un parti en miettes après une plus grosse défaite en mai 2019 ou maintenant pour limiter les dégâts et reconquérir le terrain perdu. Pour cela il faudrait que Elio Di Rupo fasse un pas de côté, mais il ne il fera pas. Il se croit indispensable comme tous ceux qui ne le sont pas. Dans ce cas, il faudra qu’il innove et changea de stratégie et surtout qu’il se décide, avec ses héliotropes, à faire du socialisme au lieu de s’allier au MR et laisser filer les militants et les électeurs vers le PTB.
Oui, Elio Di Rupo nous prend pour des imbéciles, mais… il finira par en trouver.
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