Elio Di Rupo continue d’approuver les livraisons d’armes saoudiennes
Bien que Knack, Le Soir et la VRT aient démontré il y a neuf mois que la Garde nationale saoudienne combattait au Yémen avec des armes belges, le ministre-président wallon Elio Di Rupo (PS) a décidé de continuer à fournir des armes. Les partenaires de la coalition, Ecolo et MR, ne semblent pas au courant de cette décision.
Hier, le rapport wallon sur les exportations d’armes de 2018 a été publié avec plus d’un an de retard. Dans ce rapport, le secteur wallon de l’armement signe pour une année record. On a approuvé pour pas moins de 225 millions d’euros de licences pour l’Arabie saoudite. Cela concerne principalement les armes à feu (196 millions d’euros) et les munitions (18 millions d’euros).
Dans une réaction au journal économique L’Echo, confirmée à Knack, le cabinet Di Rupo déclare que le ministre-président wallon n’accordera plus de licences à l’armée de l’air saoudienne. Il indique qu’il « refuse d’accorder des licences au ministère de la défense saoudien », ce qu’il justifie par « le drame au Yémen ». Di Rupo continue de défendre les livraisons d’armes à la Garde royale et à la Garde nationale d’Arabie saoudite. « Ces armes sont strictement destinées à protéger les membres de la famille royale et des sites religieux emblématiques ou à protéger le pays à l’intérieur des frontières saoudiennes. Elles n’ont pas pour finalité d’être utilisées au Yémen ».
C’est une interprétation remarquable des faits. Il y a à peine neuf mois, l’enquête dite #BelgianArms menée par Knack, Le Soir et la VRT révélait encore que la Garde nationale participe aux combats au Yémen. Par exemple, le compte officiel de Snapchat de la Garde nationale montrait des images de ses soldats disant qu’ils étaient au Yémen. L’enquête de #BelgianArms est également tombée sur deux vidéos où la Garde nationale saoudienne tire sur des positions rebelles houthi, qui datent de 2016 et 2017. Pour ces mitraillages, la Garde utilise des véhicules blindés LAV-25 Piranha équipés de canons de chars belges depuis 2015. Les munitions utilisées sont également fabriquées en Belgique. Grâce aux images satellites, #BelgianArms a réussi à situer le lieu des combats à Al Raboah, une ville à la frontière entre l’Arabie Saoudite et le Yémen. L’étude a également révélé que des armes de la FN Herstal ont été récupérées par des rebelles houthis de l’armée saoudienne, ce qui prouve que les forces armées saoudiennes utilisent effectivement des armes belges.
« Pas pris en compte »
Interrogé sur les raisons pour lesquelles le gouvernement wallon maintient toujours que la Garde nationale n’est pas impliquée dans la guerre au Yémen, Sylvain Jonckheere, porte-parole du Premier ministre Di Rupo, répond qu’après analyse, il n’y avait « aucune raison » de leur refuser la licence. Le fait que la Garde nationale elle-même indique être active au Yémen sur son propre canal Snapchat n’a pas été pris en compte dans la prise de décision. «
Nous avons pris ces décisions par la voie officielle, par les Affaires étrangères ou par les Nations unies, mais nous avons aussi consulté des ONG et des associations syndicales ».
Cependant, lorsque le gouvernement wallon est entré en fonction en septembre 2019, les trois partis se sont engagés à ne plus autoriser de livraisons d’armes aux pays à risque. « La Wallonie n’accordera pas de licences pour des contrats destinés à des pays qui ne répondent pas aux conditions et critères du décret de 2012 ». Ce décret – resté lettre morte jusqu’à présent – stipule, entre autres, que la Wallonie ne fournira pas d’armes qui prolongent « un conflit armé ou des actes de répression » ou à des États qui ne respectent pas les droits de l’Homme et le droit international. C’est une définition à laquelle le Royaume d’Arabie Saoudite répond amplement.
Pression sur le MR et Ecolo
Cette décision est d’autant plus remarquable qu’Ecolo, avec lequel le Parti socialiste forme le gouvernement wallon depuis septembre 2019, ne semble pas avoir été informé de cette décision. Contacté par Knack, le porte-parole du vice-ministre-président Philippe Henry (Ecolo) tombe des nues. Au MR, on renvoie vers le ministre-président Di Rupo pour les commentaires.
La pression sur le MR et Ecolo pour mettre en oeuvre une politique flexible d’exportation d’armes est forte en Wallonie. En septembre dernier, les sièges des deux partis ont reçu la visite de 600 représentants du syndicat socialiste FGTB, venus défendre « leur vision sur le secteur de l’armement en Wallonie ».
Le porte-parole de Di Rupo confirme que les autres partis n’étaient pas au courant. « La décision relève de la seule responsabilité du ministre-président, comme défini dans la répartition des compétences. »
Philippe Hensmans, le président francophone d’Amnesty International Belgique, est « surpris » par la décision de Di Rupo. « Nous avons attiré à plusieurs reprises l’attention des anciens ministres-présidents sur le risque que des armes wallonnes soient utilisées pour des violations des droits de l’Homme au Yémen. En agissant ainsi, la Wallonie viole son propre décret sur le commerce des armes ».
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