Il serait injuste de dire que les partis politiques évitent à dessein les sujets qui préoccupent nos concitoyens. Mais l’empathie, hautement recommandée par tous les bureaux des partis, occulte un agenda habilement balisé par l’Establishment qui ouvre un boulevard au sud du pays pour la galaxie des gauches.
Le réchauffement climatique. Il occupe l’essentiel du champ politique depuis plusieurs mois. De mémoire, la lutte contre les changements climatiques a d’ailleurs toujours eu une place considérable dans les médias quasiment depuis le sommet de Rio de 1992 (soit seulement trois ans après la chute du mur de Berlin et du communisme occidental…). Les partis écologistes ne doivent quasiment plus faire campagne. Les médias la font à leur place.
Le grand bluff énergétique. L’arrêt des centrales nucléaires décidé en 2003, c’est dans six ans. En 2025. Tout le monde feint de croire qu’on y arrivera. Concernant les centrales au gaz censées les remplacer, le patron de Luminus, Grégoire Dallemagne déclare (Trends-Tendance) : « Le timing est très tendu. Nous sommes déjà en 2019. Il s’agira d’une situation d’urgence. C’est très difficile de passer en dessous de cinq ans pour construire une centrale au gaz. ». Et elles produisent du CO2. Deux autres problèmes pour d’éventuels investisseurs: insécurité politique en Belgique quant à la question énergétique et aucun investissement possible sans subventions massives. E-Change prône (Les dossiers du Vif, 09-05-2019) un grand plan énergie à trente ans. Il faudra « lever le tabou d’un approvisionnement garanti ». Traduction : black-outs contrôlés qu’on espère limités à 30 heures par an auxquels échapperaient les entreprises, les transports publics et les citoyens qui peuvent se payer une formule « de luxe ». Pourquoi ne pas dire à la population qu’on ne peut pas se passer à la fois des hydrocarbures et de l’énergie nucléaire et que celle-ci est, à 30 ans, la clé de la transition énergétique ?
La migration et l’immigration. De l’avis de tous, ces thématiques sont évacuées alors qu’elles figurent au top des préoccupations des Européens (sondage Le Soir du 13/05/2019). Lorsqu’un problème surgit, il est vite rangé au rayon des faits divers. L’émotion pour le moins violente des parents d’enfants d’immigrés à l’école de Schaerbeek où un viol n’a pas été commis n’a, bien sûr, rien à voir avec un quelconque choc des cultures face à notre Etat de droit. Quant au problème des migrants à la Gare du Nord, ceux-ci sont tous en excellente santé mais ce sont les Belges qui les rendent malades. Au rayon de la migration internationale, 2019 est plutôt calme. Voilà un sujet clivant en moins qui se réinvitera après les élections.
Les petites listes et le renouveau politique. Malgré le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel, les petites listes politiques sont bien mal servies. C’est la tyrannie du statu quo. Les six partis « traditionnels » (Ecolo, PS, MR, CDH, PTB, Défi,) occupent massivement les plateaux de télévision et les duels en radio. Après un parcours du combattant pour rassembler les parrainages et constituer les listes électorales, les partis petits ou naissants ne disposent pas des millions de subvention publique pour faire campagne ni de leur armée d’experts, stipendiés ou pas. Le renouveau politique attendra. On appelle cela « rester dans sa zone de confort ».
Une droite francophone apparemment fantomatique. Hormis les frères Ducarme et Georges-Louis Bouchez (MR), les Listes Destexhe et le Parti populaire incarnent, avec des nuances très importantes, ce que les médias appellent la droite « décomplexée ». Les sondages ne sont pas bons même si à l’intérieur des fortes marges d’erreur, tous les espoirs semblent permis. Près de 60% des sondés sont indécis. Le « peuple de droite » était en vacances de Pâques lorsque le sondage La Libre/RTBF a été réalisé. Un nouveau sondage est attendu jeudi.
Les passages télé pourraient aider mais ils sont toutefois rares voire inexistants. Un cordon sanitaire à géométrie variable pèse sur ces élections. Les grandes démocraties voisines ne s’en embarrassent pas : Marine Le Pen est sur toutes les télés françaises, Geert Wilders et Thierry Baudet sur toutes les télés néerlandaises, Nigel Farage parade à la BBC. En Flandre, la VRT interviewe régulièrement la N-VA, le Vlaams Belang et même parfois… Schield en Vriend.
On sait bien que les virages à gauche successifs du sud du pays rendent de plus en plus complexe la formation d’un gouvernement fédéral. Mais l’électeur a toujours raison.
Un CDH au centre-droit, un MR au centre-gauche. Lorsque Maxime Prévot propose une semaine de 4 jours de 38 heures payées 38, on retrouve le PSC d’antan, avec les Deprez-Wathelet-Poncelet-Maystadt. Sacré contraste avec les années Milquet…
En revanche, on dirait, à en croire certains transfuges, que le MR multiplie les concessions à la gauche depuis le départ de la N-VA : tentative d’une majorité de rechange de centre-gauche au Parlement fédéral, idem au Parlement wallon malgré la main tendue par LD, perpétuation du système Moureaux à Molenbeek avec l’alliance PS-MR, signature du Pacte migratoire, soutien au mouvement de décolonisation, soutien à la Loi Climat, main tendue par Charles Michel aux socialistes européens… Bref, si le MR peut s’interroger à juste titre sur l’espace qui lui reste à droite, une évolution vers le centre-gauche par capillarité semble de plus en plus assumée. 1/Elle rendrait le parti de Charles Michel inutile à moyen terme, étant donné la suroffre existante à ce niveau. 2/Elle compliquera la formation d’un gouvernement Michel II avec la N-VA, une option qui n’est plus rejetée à condition qu’on se focalise sur l’emploi.
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