Carl Devos
Elections 2014: un metteur en scène nommé CD&V
Un débat étrange anime la rue de la Loi: qui veut devenir Premier ministre en 2014 ? Réponse: personne (pour le moment).
La question a été lancée par Kris Peeters. Le ministre-président flamand CD&V a mis en garde contre toute fièvre électorale, mais il l’a attisée en annonçant qu’il ne souhaitait pas devenir Premier ministre. La valeur d’utilisation de ce message est limitée au 24 mai 2014. A partir du 25 mai, à l’heure du recalibrage politique, de nombreux compteurs seront remis à zéro.
Bart De Wever, lui, a gardé toutes les options ouvertes, précisant que la N-VA présenterait elle-même un candidat mais exprimant son appui à Kris Peeters. Quelques jours plus tard, la N-VA annonçait qu’elle proposerait son propre candidat Premier ministre, et son soutien à Peeters s’estompait. Le premier parti de Flandre illustre ainsi, une fois de plus, le caractère bancal de sa stratégie.
Cette affaire démontre aussi que le CD&V n’a pas de leçons à recevoir en géopolitique. A la question : « Entrera-t-il dans un gouvernement avec la N-VA si celle-ci s’accroche au confédéralisme ? », son président, Wouter Beke, a refusé de répondre. Pourtant, le CD&V ne veut pas d’une réforme de l’Etat. Mais le CD&V entend bien sortir la N-VA de sa position d’underdog (NDLR : de parti opprimé ): si elle veut le confédéralisme, eh bien, qu’elle fournisse elle-même un Premier ministre pour le réaliser !
En Flandre, la tour de contrôle centrale sera sans doute toujours aux mains du CD&V : les rôles seront distribués par Peeters et Beke. Dans tous les scénarios réalistes, leur formation fait partie des gouvernements fédéral et flamand en 2014. Cela vaut aussi pour l’Open VLD, puisqu’un gouvernement associant CD&V, SP.A et Groen est peu probable. Le CD&V et l’Open VLD sont indispensables, tant pour une tripartite classique que pour une « coalition anversoise ».
La différence entre les deux coalitions, c’est la N-VA. De son score dépendent les combinaisons possibles en Flandre après le scrutin, mais c’est le CD&V qui décidera s’il veut gouverner avec le parti de Bart De Wever. Le score exact de la N-VA n’est pas l’aspect qui déterminera le plus le rôle qu’elle jouera après 2014. Ce qui importe avant tout, c’est de savoir dans quelle mesure elle pose son confédéralisme comme condition pour participer au gouvernement. Si la ligne de Siegfried Bracke – qui est sans doute aussi celle de Bart De Wever – est suivie, la N-VA pourra aussi faire la démonstration de sa « force du changement » dans un gouvernement sans virage confédéral préalable. En revanche, si elle persiste à exiger, surtout les prochaines années, la transformation de la Belgique en une confédération, une participation au gouvernement sera sans doute impossible. Or, si elle abandonne cette exigence, elle s’expose en Flandre à d’importantes critiques (internes), certains estimant même qu’elle en perdra son unique argument de vente. Le plus grand problème de la N-VA, c’est la N-VA…
Bref : beaucoup dépendra du CD&V, comme après les élections de 2010. Lorsque De Wever fit sauter la note du formateur Di Rupo le 7 juillet 2011, la situation était qualifiée partout de « crise de régime désastreuse ». Le lendemain, Alexander De Croo, alors président de l’Open VLD, annonçait que des négociations devaient être entreprises sans la N-VA. Mais rien ne bougea jusqu’à ce que le CD&V fasse volte-face. Elio Di Rupo et les autres têtes de file francophones jouent eux aussi un rôle prépondérant. Mais tout indique qu’en 2014 également, c’est le CD&V qui occupera le siège du metteur en scène.
Par Carl Devos Politologue à l’université de Gand
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